Le manque d’organes humains fonctionnels pour la greffe est un problème de santé publique majeur. Pour pallier le déficit, l’utilisation de machines à perfusion permettant d’allonger la durée de conservation des organes hors du corps s’avère prometteuse. Pour la première fois, un patient souffrant d’un cancer avancé a pu recevoir un foie stocké pendant trois jours par une machine à perfusion. Un an après, il ne présente pas de complications.
D’ordinaire, les chirurgiens ne disposent que de peu de temps pour réaliser les transplantations d’organes, puisqu’ils ne peuvent être conservés que pendant 12 heures hors du corps — à une température comprise entre 4 et 6 °C. La greffe hépatique, l’une des plus difficiles à réaliser, est alors considérée comme une procédure d’urgence.
Pour la première fois, des scientifiques ont réussi à stocker un foie pendant trois jours dans des conditions non congelées, avant la transplantation sur un patient en attente de greffe. L’équipe de recherche Liver4Life de l’hôpital universitaire de Zürich (en Suisse) a utilisé pour cela une machine à perfusion reproduisant au plus proche de la réalité les conditions du corps humain.
Une machine à perfusion normothermique ex situ
La technique est nommée « perfusion normothermique ex situ » (hors site), car l’organe est placé dans un environnement stérile et maintenu à une température de 37 °C (environ la température normale du corps humain). De plus, une pompe sert de cœur de substitution, un oxygénateur remplace les poumons et une unité de dialyse remplit les fonctions des reins. Pour combler les fonctions normales de l’intestin et du pancréas, l’organe placé dans la machine est alimenté d’hormones et de nutriments. La machine déplace également le foie au rythme de la respiration (comme avec le diaphragme).
Une précédente étude parue en 2020 avait déjà mis en évidence l’efficacité de la machine à perfusion, par maintien d’un foie humain en état de fonctionnement normal pendant sept jours hors du corps. L’année dernière, les chercheurs ont voulu tester la technologie dans le cadre d’une greffe hépatique pour un patient atteint d’une cirrhose. L’homme de 62 ans souffrait également d’une hypertension et d’un cancer du foie multiple et récurrent.
Par ailleurs, le foie donné par la femme de 29 ans présentait une tumeur non identifiée qui aurait nécessité un bilan diagnostique avant que l’organe ne soit jugé apte à la transplantation, d’après les auteurs de l’étude. Au courant de la situation, le patient a dû accepter la greffe, car son état était trop critique pour attendre son tour sur les listes de transplantation classique.
Le 22 mai 2021, soit trois jours après le stockage du foie dans la machine, les chirurgiens ont réalisé la transplantation hépatique, qui n’a présenté aucune complication (telle que les « lésions de reperfusion »). Ces dernières peuvent avoir lieu lorsque le sang revient dans les tissus après une période d’absence totale d’apport sanguin. En outre, le foie transplanté a fonctionné normalement et n’a présenté aucun effet indésirable, tel qu’un signe de rejet ou des lésions des voies biliaires.
Une année après l’opération, le patient greffé se porte toujours bien, avec une fonction hépatique normale. La prochaine étape du projet consistera à examiner la procédure sur d’autres patients et à démontrer son efficacité et sa sécurité. La transplantation hépatique pourrait ainsi devenir une procédure plus simple et planifiable, au lieu d’une procédure d’urgence.