Le 8 septembre, la toute première usine de capture directe de dioxyde de carbone à grande échelle a été mise en route. Baptisée Orca — d’après le mot islandais orka signifiant « énergie » — l’installation a été conçue pour absorber le CO2 de l’air et le transformer en roche. Fruit d’une collaboration entre la start-up suisse Climeworks et l’islandais Carbfix, cette usine pourrait retirer près de 4000 tonnes de CO2 de l’air chaque année.
C’est l’une des méthodes envisagées dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, pour réduire la quantité de gaz à effet de serre présent dans notre atmosphère : la technologie du captage-stockage du CO2 (ou CCS pour Carbon Capture and Storage), qui consiste à capter le gaz dès sa source de production et à le stocker dans le sous-sol. Cette technologie intéresse bon nombre d’industriels, qui y voient un moyen de réduire massivement leurs émissions de CO2.
Selon l’Agence américaine de protection de l’environnement, 4000 tonnes représentent l’équivalent des émissions d’environ 870 voitures. Cet objectif annuel paraît donc vraiment dérisoire par rapport aux émissions mondiales de CO2 : plus de 43 milliards de tonnes de CO2 ont été émises en 2019 ! Rappelons que la plupart de ces émissions sont issues de la combustion des énergies fossiles (principalement du charbon, mais aussi du pétrole et du gaz).
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La solution incontournable pour limiter le réchauffement planétaire ?
Bien que les émissions de CO2 aient diminué de façon notable en 2020 grâce aux restrictions liées à la pandémie de COVID-19 (2,4 milliards de tonnes en moins, selon Global Carbon Project), la concentration de CO2 dans l’atmosphère continue de croître. Selon IFP énergies nouvelles, la capture directe du CO2 de l’air est une solution qui peut contribuer à maintenir l’élévation de la température mondiale sous 2°C ; plus de 100 milliards de tonnes de CO2 devraient être stockées et plusieurs milliers d’installations de CCS déployées d’ici 2050 pour atteindre cet objectif ambitieux.
À savoir que le CCS n’est pas une technologie nouvelle : le captage et l’injection de CO2 dans le sous-sol sont pratiqués depuis des décennies. Cependant, les objectifs fixés par les Accords de Paris pour limiter le réchauffement nécessitent la mise en place d’une industrie CCS à très grande échelle. Il existe aujourd’hui quelques sites de séquestration géologique de CO2 (aux États-Unis, au Canada, ou encore en Norvège par exemple), mais contrairement à ces installations qui extraient le gaz des fumées industrielles, l’usine de Climeworks est la première à proposer la capture directe du CO2 de l’air et son stockage.
Cette usine située non loin de Reykjavík, en Islande, se compose de quatre unités, chacune constituée de deux caisses métalliques (des collecteurs), d’apparence similaire aux conteneurs utilisés pour le transport maritime. Ces collecteurs modulaires peuvent être empilés pour construire des machines de toute taille.
Le processus d’élimination du CO2 s’effectue en deux étapes : tout d’abord, l’air est aspiré dans le collecteur via un ventilateur. Le dioxyde de carbone est alors capturé à la surface d’un matériau filtrant hautement sélectif, qui se trouve à l’intérieur des collecteurs. Puis, une fois que le matériau filtrant est saturé de dioxyde de carbone, le collecteur est fermé. Les opérateurs augmentent ensuite la température dans ce conteneur (jusqu’à 80-100°C), ce qui libère le gaz, soit du dioxyde de carbone pur et de haute concentration, qui peut dès lors être extrait.
Climeworks s’appuie ensuite sur l’expertise de Carbfix, spécialiste en minéralisation souterraine rapide du CO2, pour stocker le gaz : le CO2 récolté est mélangé à de l’eau avant d’être injecté à 1000 mètres de profondeur ; grâce à la minéralisation naturelle, le dioxyde de carbone réagit avec le calcium, le magnésium et le fer contenus dans la roche basaltique et finit par se cristalliser.
Du CO2 recyclé en matériaux renouvelables
À noter que les machines de captage sont alimentées uniquement par des énergies renouvelables (fournies par une centrale géothermique proche) ou à partir d’énergie provenant de déchets. Climeworks précise en outre que ses émissions grises sont inférieures à 10%, ce qui signifie que sur 100 tonnes de CO2 traitées par l’installation, au moins 90 tonnes sont définitivement éliminées et seulement jusqu’à 10 tonnes sont réémises.
Si le CCS est largement encouragé par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, les critiques soutiennent cependant que la technologie est toujours d’un coût prohibitif — notamment l’étape de captage, qui représente 70% des coûts — et pourrait prendre des décennies pour être déployée à grande échelle. Mais cela ne semble pas freiner l’ambition de Climeworks, qui est d’ores et déjà impliqué dans plusieurs projets et partenariats liés au recyclage du CO2. En effet, le CO2 pur récolté par l’entreprise peut être réutilisé pour produire des carburants et des matériaux renouvelables et neutres en carbone.
À noter qu’un autre projet similaire est en cours au Texas, soutenu par la société pétrolière Occidental Petroleum Corp : la société 1PointFive développe elle aussi une installation de captage direct du CO2 ; elle annonce toutefois une capacité d’extraction d’un million de tonnes de CO2 par an ! Le CO2 capturé sera quant à lui stocké sous terre et utilisé pour augmenter la pression dans le champ pétrolifère et ainsi accélérer la production. La construction devrait commencer en 2022.