Des chercheurs dévoilent les premières preuves directes de molécules d’eau à la surface de la Lune

Il n’a auparavant pas été confirmé si l’oxygène et l’hydrogène détectés formaient ou non des molécules d’eau.

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Image de la surface lunaire, prise par la caméra panoramique de Chang'e 5 après son arrivée sur la Lune. | Administration spatiale nationale chinoise
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En analysant les échantillons rapportés par la mission Chang’e 5, des chercheurs ont pour la première fois détecté directement des molécules d’eau (sous une autre forme que la glace) à la surface de la Lune. En effet, bien que la présence d’oxygène et d’hydrogène ait précédemment été mise en évidence, il n’a jusqu’à présent pas été confirmé si ces éléments formaient ou non des molécules d’eau.

La Terre et la Lune sont considérées par les astronomes comme des jumeaux non identiques dont la formation a été catalysée par un impact géant commun. Cependant, alors que sur Terre l’eau a joué un rôle essentiel dans l’évolution de la planète, les premiers échantillons lunaires rapportés par les missions Apollo étaient complètement dépourvus d’eau.

Cela a amené à une hypothèse prédominante selon laquelle le sol lunaire est entièrement sec, ce qui a considérablement entravé notre compréhension de son évolution géologique. En effet, sur Terre, l’eau contribue par exemple à la cristallisation du magma. Si la Lune était complètement dépourvue d’eau, il ne devrait logiquement pas y avoir de mers lunaires (ou maria), qui sont des traces évidentes d’anciennes coulées de lave.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Cependant, les récentes avancées technologiques remettent en question cette hypothèse de « Lune sèche », en suggérant notamment la présence de molécules d’eau à sa surface. En 2009, la sonde lunaire indienne Chandrayaan-1 a par exemple détecté des traces d’hydrogène et d’oxygène au niveau de la face ensoleillée du satellite naturel. Ces observations ont été confirmées plus tard par les données de l’Observatoire stratosphérique d’astronomie infrarouge (SOFIA) de la NASA.

D’autre part, d’importantes quantités de glace d’eau ont également été détectées. Les cratères près des pôles et en permanence plongés dans l’ombre présentaient les concentrations les plus élevées. Des études ont suggéré que ces concentrations étaient comparables à celles trouvées dans les roches basaltiques des dorsales océaniques sur Terre.

Cependant, les précédentes recherches suggérant la présence d’oxygène et d’hydrogène étaient principalement basées sur des techniques de télédétection. Les données n’ont ainsi pas encore été confirmées in situ. En outre, la plupart des observations ne permettaient pas de distinguer avec précision si ces éléments formaient des molécules d’eau (H2O) ou des molécules d’hydroxyle (OH). À noter également que la glace d’eau précédemment détectée est d’origine externe et se forme par exemple par le biais des interactions du régolithe avec le vent solaire et des impacts météoritiques.

En analysant les échantillons provenant de la face visible de la Lune et rapportés en 2020 par la mission Chang’e 5, l’équipe du Laboratoire national de physique de la matière condensée de Pékin et de l’Institut de physique de l’Académie chinoise des sciences (CAS), affirme avoir effectué la première détection directe d’eau moléculaire dans le régolithe lunaire.

Des fragments contenant 41 % d’eau

Pour effectuer leur enquête — récemment détaillée dans la revue Nature Astronomy —, les chercheurs chinois ont sélectionné plus de 1 000 fragments de minéraux de l’échantillon lunaire. Pour ce faire, ils se sont appuyés sur la microscopie Raman, permettant d’effectuer une analyse chimique et cristallographique à haute résolution.

Les experts se sont particulièrement concentrés sur des cristaux transparents en forme de plaques baptisés « minéral lunaire inconnu » (ULM-1), en raison de leur susceptibilité élevée à contenir des molécules d’eau. Leur composition chimique a été analysée à l’aide d’une spectroscopie SEM et d’une microanalyse par sonde électronique (EPMA). Il s’agit des outils d’analyse parmi les plus utilisés en raison des images extrêmement détaillées qu’ils peuvent fournir rapidement.

Il a été constaté que les fragments d’ULM-1 contenaient chacun jusqu’à six molécules d’eau, occupant jusqu’à 41 % de leur masse totale. Ils contenaient également du magnésium et des éléments volatils tels que l’azote et le chlore. Selon les experts, la composition du minéral est fortement similaire à celle des minéraux présents près des volcans terrestres. Les signaux seraient suffisamment clairs pour exclure une éventuelle contamination par les gaz d’échappement des sondes.

« Cette découverte a dévoilé une forme potentielle sous laquelle les molécules d’eau pourraient exister à la surface lunaire : les sels hydratés », expliquent les chercheurs dans un communiqué du CAS. « Contrairement à la glace d’eau volatile, ces hydrates sont très stables dans les régions de haute latitude de la Lune, même dans les zones ensoleillées », indiquent-ils.

Par ailleurs, d’autres éléments mineurs représentant 1 % du poids des minéraux tels que le potassium, le sodium, le silicium et l’aluminium, ont également été détectés. Lors d’analyses plus approfondies, les chercheurs ont constaté que ces éléments étaient répartis de manière très hétérogène, ce qui pourrait suggérer soit un déséquilibre lors du processus de cristallisation, soit des processus secondaires qui auraient modifié la structure des minéraux.

Ces minéraux hydratés pourraient à la fois potentiellement constituer une source d’eau pour les futures bases lunaires et fournir de précieux indices sur l’histoire géologique lunaire. La Chine prévoit d’ailleurs de construire le modèle de base d’une station internationale de recherche lunaire d’ici 2035. Les échantillons de la face cachée de la Lune récemment rapportés par la mission Chang’e 6 permettront peut-être de déterminer à quelle fréquence ces fameux minéraux pourraient être détectés dans le régolithe lunaire.

Source : Nature Astronomy

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