Le cours inexorable du changement climatique s’intensifie de manière dramatique. De nombreuses régions du globe font face à des sécheresses d’une ampleur sans précédent, aux conséquences à la fois environnementales, économiques et humaines. Au mois de mai, une révélation majeure a été faite depuis l’espace : les premiers signes annonciateurs d’une transformation majeure du système climatique El Niño pour les années à venir, ont été décelés. Les observations des prochains mois seront cruciales pour évaluer la puissance potentielle de ce phénomène. Si El Niño s’avère instense, notre planète s’exposera à un réchauffement record, engendrant des impacts d’une gravité extrême.
El Niño est un modèle climatique qui se manifeste occasionnellement dans l’océan Pacifique et qui a des répercussions sur les conditions météorologiques à l’échelle mondiale. En effet, la météorologie est intrinsèquement liée à la température des océans. Un océan plus chaud engendre la formation de nuages d’envergure plus grande, provoquant des précipitations accrues dans ces régions du monde. Parallèlement, d’autres parties du globe subissent un déficit en eau prononcé.
Au début du mois de mai, l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) a révélé dans un communiqué que La Niña — l’antagoniste d’El Niño qui ralentit l’escalade des températures —, après une persistance inhabituelle sur trois ans, a pris fin, laissant le Pacifique tropical dans un état d’ENSO neutre (ni El Niño, ni La Niña).
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L’OMM estime que les chances de passer d’ENSO neutre à El Niño sont de 60% entre mai et juillet 2023, puis augmentent à environ 70% en juin-août et 80% entre juillet et septembre, selon les mises à jour effectuées. L’effet sur les températures mondiales se produit généralement dans l’année qui suit son apparition et sera donc probablement le plus manifeste en 2024.
Récemment, la NASA, grâce au réseau satellitaire Copernicus Sentinel-6 de surveillance océanique, a repéré les premiers signes indubitables du développement d’El Niño dans l’océan Pacifique équatorial. Chaque événement El Niño est unique et ses effets dépendent en partie de la saison. Par conséquent, l’OMM et les Services météorologiques et hydrologiques nationaux vont scruter attentivement l’évolution de la situation.
Des signes redoutés
Pour détecter les épisodes d’El Niño ou La Niña, les scientifiques examinent la topographie des océans, c’est-à-dire la profondeur/hauteur. Cette mesure est effectuée depuis l’espace à l’aide de satellites équipés d’altimètres radar qui utilisent des signaux micro-ondes. Lorsqu’un altimètre survole des zones plus chaudes que d’autres, les données indiquent des niveaux de mer plus élevés. En effet, l’eau se dilate à mesure qu’elle se réchauffe, si bien que le niveau de la mer tend à être plus élevé là où l’eau est plus chaude.
Nadya Vinogradova Shiffer, scientifique à la NASA, explique dans un communiqué : « Quand nous mesurons le niveau de la mer depuis l’espace à l’aide d’altimètres satellitaires, nous appréhendons non seulement la forme et la hauteur de l’eau, mais également son mouvement. Les vagues de l’océan diffusent chaleur et humidité autour de la planète, modifiant notre climat ».
Les données les plus récentes obtenues grâce au satellite Sentinel-6 Michael Freilich révèlent les premiers signes d’un développement d’El Niño, à savoir les ondes Kelvin. Concrètement, il s’agit de vagues mesurant environ 5 à 10 cm de haut à la surface de l’océan et s’étendant sur des centaines de kilomètres de large. Elles se déplacent d’ouest en est le long de l’équateur, en direction de la côte ouest de l’Amérique du Sud.
Josh Willis, scientifique du projet Sentinel-6 Michael Freilich au Jet Propulsion Laboratory de la NASA, déclare : « Nous allons observer cet El Niño. S’il s’avère puissant, le globe connaîtra un réchauffement record ».
Quel lien entre El Niño et des conditions climatiques extrêmes ?
Le secrétaire général de l’OMM, le professeur Petteri Taalas, met en garde : « Le monde devrait se préparer au développement d’El Niño, qui est souvent associé à une augmentation de la chaleur, de la sécheresse ou des précipitations dans différentes parties du monde. Cela pourrait apporter un répit à la sécheresse dans la Corne de l’Afrique et à d’autres impacts liés à La Niña, mais pourrait également déclencher des phénomènes météorologiques et climatiques plus extrêmes ».
Comme mentionné précédemment, le système couplé océan-atmosphère d’El Niño et de La Niña est à l’origine de variations notables de la température et des précipitations mondiales, en plus de la tendance au réchauffement engendrée par le changement climatique.
En temps normal, des vents puissants le long de l’équateur poussent les eaux de surface chaudes près de l’Amérique du Sud vers l’ouest, en direction de l’Indonésie. Lorsque cela se produit, l’eau plus froide en profondeur remonte vers la surface de l’océan près de l’Amérique du Sud.
Cependant, certaines années, à l’automne et en hiver, ces vents sont beaucoup plus faibles et changent de direction (vers l’Amérique du Sud au lieu de l’Indonésie, donc vers l’est comme c’est le cas actuellement). Ainsi, l’eau de surface chaude le long de l’équateur s’accumule le long de la côte de l’Amérique du Sud, puis se déplace vers le nord en direction de la Californie et vers le sud en direction du Chili.
Pendant ces années El Niño, de nombreux nuages de pluie se forment sur cette partie chaude de l’océan, puis se déplacent vers l’intérieur des terres. Les précipitations sont alors bien plus importantes en Amérique. Simultanément, d’autres parties du monde souffrent de sécheresse extrême. En conjonction avec le réchauffement climatique global, la planète se dirige vers des records de température sans précédent, aux conséquences dramatiques sur la nature (feux de forêts, dépérissement des plantes et donc des insectes puis des oiseaux intrinsèquement liés, etc.) et aux impacts humains dévastateurs (vagues de chaleur, évènements climatiques extrêmes).