La pulvérisation active de l’atmosphère de Mars observée pour la première fois en direct

Une pièce essentielle du puzzle sur la manière dont elle a perdu une grande partie de son atmosphère.

pulverisation atmosphere mars confirme
| UAESA/MBRSC/HopeMarsMission/EXI/AndreaLuck
⇧ [VIDÉO]   Vous pourriez aussi aimer ce contenu partenaire

Des astronomes ont, pour la première fois, obtenu la confirmation directe d’un processus de pulvérisation de l’atmosphère martienne, provoqué par l’action des vents solaires. Les variations de densité de l’argon en haute altitude, corrélées à l’orientation de ces vents, laissent derrière elles un excès d’isotopes lourds, indiquant une érosion atmosphérique active. Ces observations pourraient constituer une pièce maîtresse dans la compréhension de la disparition progressive de l’atmosphère et de l’eau martiennes.

Depuis plusieurs années, les indices s’accumulent indiquant que de vastes étendues d’eau liquide recouvraient la surface de Mars il y a plusieurs milliards d’années. Une telle présence aurait supposé une pression atmosphérique bien supérieure à celle qu’on observe aujourd’hui. Comprendre l’évolution de cette atmosphère au fil du temps est donc essentiel pour déterminer à quel moment et selon quels mécanismes l’eau liquide s’est évaporée de la surface martienne.

Contrairement à la Terre, Mars ne bénéficie pas d’un champ magnétique global stable capable de la protéger de manière uniforme. Ce déficit permet aux vents solaires d’interagir directement avec les couches supérieures de son atmosphère. Ces vents ionisent les atomes neutres présents à haute altitude, les accélérant jusqu’à les éjecter dans l’espace.

Mais le processus peut aussi s’inverser : des ions projetés vers la planète pénètrent de nouveau dans l’atmosphère, provoquant une série de collisions avec des atomes neutres. Ce phénomène engendre un transfert d’énergie suffisant pour qu’une fraction de ces particules atteigne une vitesse d’échappement.

Ce mécanisme, désigné sous le nom de « pulvérisation atmosphérique », représenterait l’un des principaux vecteurs d’érosion de l’atmosphère martienne durant les premiers âges du système solaire, alors que l’activité solaire et les vents associés étaient bien plus intenses qu’aujourd’hui.

L’argon: un indicateur clé de la pulvérisation atmosphérique

Jusqu’à récemment, la pulvérisation de l’atmosphère martienne n’avait encore jamais été observée de manière directe. Les modèles théoriques expliquant cette dynamique se focalisent généralement sur des éléments comme l’oxygène, le dioxygène ou le dioxyde de carbone — des constituants fortement réactifs, produits en quantité par des réactions photochimiques. Il devient alors difficile de démêler les composants issus de la pulvérisation de ceux générés par la photochimie.

Pour dépasser cette limite, les chercheurs ont porté leur attention sur l’argon, un gaz noble inerte, lourd et peu ionisable. Il constitue ainsi un excellent traceur pour évaluer l’évolution atmosphérique. Mais suivre ce processus en temps réel demeure un défi, car il nécessite de détecter à la fois les atomes éjectés dans l’espace et ceux précipités dans l’atmosphère.

La sonde MAVEN (Mars Atmosphere and Volatile EvolutioN) de la NASA demeure à ce jour le seul instrument capable d’une telle prouesse. Dotée d’équipements de pointe, elle permet d’observer simultanément les champs électriques issus des vents solaires et la distribution de l’argon dans l’exosphère martienne. En analysant près de dix années de données, les scientifiques de l’Université du Colorado à Boulder ont pour la première fois établi, par l’observation directe, la réalité du phénomène.

« Ces résultats marquent une étape déterminante dans la validation expérimentale du rôle joué par la pulvérisation dans la perte de l’atmosphère martienne, et ouvrent de nouvelles perspectives sur l’histoire de l’eau et l’habitabilité de la planète », expliquent les auteurs dans leur étude publiée dans la revue Science Advances.

Une empreinte chimique claire de l’érosion atmosphérique

Étant donné qu’il est peu réactif et difficilement ionisable, l’argon subit un processus d’élimination très spécifique, donc aisément détectable. Les études de fractionnement isotopique ont par ailleurs démontré que les isotopes légers sont sélectivement éliminés au profit des isotopes lourds. Une telle concentration d’isotopes lourds ne peut résulter que d’un processus de pulvérisation active.

pulverisation mars
Diagramme illustrant le mécanisme de pulvérisation de l’atmosphère de Mars. © Curry et al.

Pour étayer cette hypothèse, l’équipe scientifique a exploité les données enregistrées par MAVEN depuis son insertion en orbite martienne en septembre 2014. La mission avait pour objectif de mesurer les champs électriques produits par les vents solaires tout en suivant les variations de l’argon à haute altitude.

Résultat : au-delà de 350 kilomètres d’altitude, les densités d’argon varient selon l’orientation du champ électrique solaire, tandis qu’en dessous de cette limite, les concentrations restent stables. Les chercheurs ont également observé un appauvrissement en isotopes légers et une concentration relative d’isotopes lourds, signal fort d’un processus d’érosion atmosphérique en cours.

Ces variations se sont avérées encore plus marquées lors d’un événement solaire exceptionnel : en janvier 2016, une éruption particulièrement puissante a frappé Mars. « Nous observons que le taux de pulvérisation actuel est plus de quatre fois supérieur aux estimations précédentes. Une tempête solaire peut accroître considérablement le volume pulvérisé », détaillent les chercheurs dans leur article.

« Nos observations confirment que la pulvérisation atmosphérique est toujours à l’œuvre sur Mars. Elle pourrait avoir constitué la principale voie de fuite de l’atmosphère durant les premières époques du système solaire, lorsque l’activité solaire et les flux de rayonnement ultraviolet étaient bien plus intenses qu’aujourd’hui », concluent-ils.

Source : Science Advances
Laisser un commentaire

Vous voulez éliminer les publicités tout en continuant de nous soutenir ?


Il suffit de s'abonner !


JE M'ABONNE