Des preuves de volcanisme actif sur la Lune révélées par les échantillons de Chang’e 5

La dernière éruption daterait d’il y a 123 millions d’années, soit à l’époque des dinosaures.

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Image d'archive du 2 décembre 2020 prise par la caméra panoramique de la sonde Chang'e-5 après son atterrissage sur la Lune. | CAS
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En analysant les échantillons rapportés en 2020 par la mission Chang’e 5, des chercheurs ont découvert que le volcanisme lunaire pourrait être beaucoup plus récent qu’on le pensait et pourrait même avoir persisté jusqu’à aujourd’hui. La dernière éruption aurait eu lieu il y a 123 millions d’années, ce qui est très récent si l’on considère l’échelle de temps géologique. Cette découverte pourrait approfondir notre compréhension de l’évolution de notre satellite naturel ainsi que celle d’autres corps planétaires du système solaire.

Les mers lunaires, les vastes plaines basaltiques sombres recouvrant en partie la surface de la Lune, indiquent qu’elle a par le passé connu des activités volcaniques. L’analyse des échantillons de ces plaines rapportés par les missions Apollo suggère qu’elles datent d’il y a 3 à 3,8 milliards d’années. Les exogéologues en ont déduit que la dernière activité volcanique sur le satellite date à peu près de la même période.

Cependant, des images à très haute résolution de la surface lunaire capturées en 2014 par la mission Lunar Reconnaissance Orbiter (LRO) remettent en question cette hypothèse. Les images montrent notamment des sous-régions avec étonnamment peu de cratères et une texture irrégulière inhabituelle, au niveau de certaines des anciennes zones volcaniques. Appelées « taches de mer irrégulières (IMP) », ces sous-régions se seraient formées il y a entre 50 et 100 millions d’années. En d’autres termes, elles seraient plus de 20 fois plus récentes que les mers lunaires. La technique conventionnelle de datation de surface avance que moins cette dernière comporte de cratères, moins elle est ancienne.

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IMP lune
Image d’une IMP connue sous le nom d’Ina. © NASA/GSFC/Arizona State University

Afin de concilier ces observations avec l’hypothèse conventionnelle de l’ancienne activité volcanique lunaire, il a été suggéré que l’absence d’atmosphère sur la Lune aurait pu donner lieu à des éruptions différentes de celles sur Terre. L’absence de pression atmosphérique aurait permis à la lave de libérer presque tous les composés gazeux, ce qui lui donnerait une texture mousseuse. Les cratères générés sur cette « mousse » par les impacts de météorites seraient ainsi beaucoup plus petits que ceux formés dans de la roche plus solide. Cela amènerait la technique de comptage de cratères à donner des estimations d’âges trop jeunes.

Cependant, les récentes analyses effectuées sur les échantillons de Chang’e 5 (collectés dans la région Oceanus Procellarum, sur la face visible de la Lune) suggèrent que le volcanisme lunaire pourrait être beaucoup plus récent qu’on le pensait jusqu’ici — concordant ainsi avec les observations de la mission LRO. « Chang’e 5 a rapporté des échantillons d’une très grande coulée de lave dont on savait déjà, grâce au comptage des cratères, qu’elle était relativement jeune en termes géologiques », explique dans un article publié dans The Conversation Lionel Wilson (qui n’a pas participé à la nouvelle étude), de l’Université de Lancaster.

Une activité volcanique datant de l’époque des dinosaures

Les premières analyses des échantillons de lave collectés par la sonde Chang’e 5 concordent avec la théorie conventionnelle selon laquelle le volcanisme lunaire a cessé il y a plus de 2 milliards d’années. Les analyses de la nouvelle étude, décrite dans la revue Science, concernent cependant de plus petits fragments provenant de roches brisées et fusionnées sous forme de gouttelettes de verre solidifiées (mesurant 20 à 400 microns de diamètre).

L’équipe, de l’Institut de géologie et de géophysique de l’Académie chinoise des sciences de Pékin, a examiné 3 000 de ces gouttelettes en utilisant une technique de datation uranium-plomb. Elle consiste à mesurer la désintégration radioactive de l’uranium en plomb à l’intérieur des roches. Plus le rapport plomb/uranium est élevé, plus l’échantillon est jeune, et vice versa.

Les chercheurs ont constaté que trois des billes de verre datent d’il y a 123 millions d’années (±15 millions d’années), soit à l’époque où les dinosaures parcouraient encore la Terre. Bien que cela paraisse relativement lointain, c’est très récent à l’échelle géologique, sans compter que cette datation est proche de l’âge précédemment estimé des IMP.

Bien que ces billes puissent se former à la suite d’impacts de météorites, elles peuvent également être produites par le biais de fontaines de magma. D’autre part, des perles de verre d’origine volcanique ont déjà été trouvées dans des échantillons lunaires, mais elles provenaient toutes d’éruptions survenues il y a des milliards d’années. Cela signifie que « ces trois gouttelettes vitreuses sont la première preuve physique dont nous disposons d’une activité volcanique anormalement récente sur la Lune », indique Wilson.

Un volcanisme persistant jusqu’à aujourd’hui ?

Cependant, les modèles de l’évolution géothermique de la Lune suggèrent que son noyau et son manteau auraient dû refroidir depuis longtemps, notamment peu de temps après sa formation il y a 4,5 milliards d’années. Cela signifierait qu’elle n’est plus suffisamment chaude pour générer des éruptions volcaniques massives. Les chercheurs chinois suggèrent donc que des éléments générateurs de chaleur pourraient être l’origine du volcanisme récent proposé dans la nouvelle étude.

Ces éléments (tels que le potassium, le phosphore, l’yttrium et le lanthane) peuvent produire de la chaleur par le biais de la désintégration radioactive. Cette chaleur pourrait être suffisante pour fusionner la roche du manteau lunaire et provoquer de petites éruptions localisées. « Nous avons mesuré de fortes abondances d’éléments de terres rares et de thorium dans ces billes de verre volcanique, ce qui pourrait indiquer que ce volcanisme récent était lié à un enrichissement local d’éléments générateurs de chaleur dans les sources de magma du manteau », indique l’équipe dans son document.

La présence de ces éléments pourrait également indiquer un volcanisme persistant jusqu’à aujourd’hui. Cela pourrait d’ailleurs expliquer les phénomènes lunaires transitoires signalés par des astronomes amateurs (des sortes de brumes colorées apparaissant occasionnellement au-dessus de la surface de la Lune). Bien que la présence de ces phénomènes soit largement contestée par les astronomes, les résultats de la nouvelle étude soulèvent la possibilité qu’un dégazage volcanique lunaire pourrait en être à l’origine.

Source : Science

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