Jusqu’à aujourd’hui, la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein a passé avec succès tous les tests auxquels elle a été soumise, et ce à différentes échelles d’observation. Néanmoins, la situation se complique lorsqu’il s’agit de l’échelle quantique. Sans théorie de la gravité quantique effective, il apparaît difficile de savoir comment la théorie d’Einstein se comporte à cette échelle microscopique. L’application du principe d’équivalence au monde quantique constitue notamment une énigme importante, qui pourrait être bientôt solutionnée.
La mécanique quantique, à travers le Modèle Standard, décrit la dynamique des particules et de leurs interactions. Parallèlement, la relativité générale décrit la dynamique de la gravitation en matière de déformation de l’espace-temps. Chacune de ces théories permet de décrire, à son échelle, les différents processus physiques qui ont cours dans l’Univers.
Cependant, certaines situations comme l’intérieur des trous noirs ou les premiers instants de l’Univers, requièrent l’application simultanée des deux théories. Mathématiquement incompatibles l’une avec l’autre, les physiciens tentent depuis plusieurs dizaines d’années de développer des théories de la gravité quantique pour unifier ces deux cadres théoriques au sein d’une théorie unifiée. Bien que plusieurs candidates — théorie des cordes, gravité quantique à boucles, géométrie non commutative, etc. — soient actuellement en cours de développement, aucun outil ne permet pour le moment de les concilier efficacement.
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Néanmoins, résoudre le principe d’équivalence dans le cadre de la mécanique quantique ouvrirait une véritable voie vers l’unification et la gravité quantique.
D’abord formulé par Galilée dès le 17ème siècle puis repris par Newton et enfin par Einstein, le principe d’équivalence affirme que deux objets en chute libre tombent à la même vitesse, qu’ils soient de même masse ou de masse différente, à condition que la chute se déroule dans le vide et que les frottements de l’air soient négligés.
En d’autres termes, ce principe traduit l’équivalence entre gravité et accélération, c’est-à-dire l’équivalence entre masse gravitationnelle et masse inertielle.
« Le principe d’équivalence d’Einstein affirme que les masses gravitationnelle et inertielle totales d’un objet sont équivalentes, signifiant que tous les corps chutent de la même manière lorsqu’ils sont soumis à la gravité » explique Magdalena Zych, physicienne à l’ARC Centre of Excellence for Engineered Quantum Systems (Australie).
« Les physiciens se questionnent sur le fait de savoir si ce principe s’applique à des systèmes quantiques comme les particules, donc pour traduire ce principe en termes quantiques nous devions découvrir la manière dont les particules interagissent avec la gravité. Et nous avons réalisé que pour ce faire, nous devions considérer la masse de ces dernières » ajoute-t-elle.
Selon la relativité, la masse est liée par l’énergie. Mais en mécanique quantique, le fait qu’une particule puisse posséder simultanément plusieurs états d’énergie différents (via le principe de superposition) complexifie la situation. Et cette superposition d’états énergétiques conduit également une superposition de masses inertielles.
Théoriquement, selon le principe d’équivalence, cela signifierait aussi une superposition de masses gravitationnelles. Toutefois, le principe d’équivalence ne prend ordinairement pas en compte le phénomène de superposition.
« Nous avons réalisé que nous devions observer la façon dont des particules en superposition de masse se comportent afin de comprendre comment une particule quantique s’accommode de la gravité » indique Zych. « Nos résultats ont montré que pour des particules quantiques en état de superposition de différentes masses, le principe d’équivalence implique des contraintes supplémentaires inexistantes pour des objets classiques — cela n’avait jamais été démontré ». Les résultats ont été publiés dans la revue Nature Physics.
Cette découverte a permis aux physiciens de reformuler le principe d’équivalence de manière à ce qu’il prenne en compte l’état de superposition quantique d’une particule.
Cette formulation n’a pas encore été testée expérimentalement, mais ouvre la voie à des expériences qui pourraient tester les nouvelles contraintes mises en évidence ; les auteurs présentent d’ailleurs quelques tests expérimentaux possibles. Un résultat prometteur, et peut-être un pas de plus vers une théorie de la gravité quantique.