L’anxiété et la dépression sont les problèmes de santé mentale les plus répandus dans le monde. Bien qu’il existe des traitements thérapeutiques et pharmacologiques, les preuves suggèrent que de nombreuses personnes ne demandent pas d’aide ou se méfient des effets secondaires de la prise de ces médicaments. Ainsi, un nombre croissant de personnes aux prises avec l’anxiété et/ou la dépression se tournent vers des produits à base de cannabis pour gérer leurs symptômes. Une étude suggère que cette approche pourrait être pertinente pour les personnes cliniquement anxieuses et déprimées.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, près d’un quart de la population européenne souffre de dépression et d’anxiété. Les traitements à base d’antidépresseurs et d’anxiolytiques, combinés à des psychothérapies, s’avèrent efficaces la plupart du temps, mais ils peuvent parfois provoquer des effets secondaires indésirables, y compris un phénomène d’addiction entraînant un syndrome de sevrage. Il arrive également que les médicaments soient simplement inefficaces sur certains patients. D’où le recours à des options alternatives, telles que les produits à base de cannabis.
Ces derniers peuvent être répartis en trois catégories, selon les constituants chimiques prédominants : les produits à dominante THC (tétrahydrocannabinol), les produits à dominante CBD (cannabidiol) et les produits contenant des quantités à peu près égales de ces deux molécules. Les résultats d’études antérieures sur l’efficacité de ces produits sur la dépression et l’anxiété sont mitigés. Ils varient notamment selon le type de produit utilisé et la durée du schéma posologique. Cette nouvelle étude, dirigée par Erin Martin, neuroscientifique à l’Université médicale de Caroline du Sud, avait pour but d’évaluer l’état de santé général des consommateurs de cannabis médical et de témoins non consommateurs souffrant d’anxiété et/ou de dépression.
Une dépression moins sévère pour les consommateurs de CBD
Les participants (368 consommateurs de cannabis et 170 témoins), principalement des femmes (79%) de race blanche (83%), présentaient tous au moins un trouble dépressif majeur (dépression post-partum, dysthymie, trouble dysphorique prémenstruel, trouble affectif saisonnier, trouble d’anxiété généralisée, trouble panique, trouble d’anxiété sociale et/ou agoraphobie). Ils ont été invités à remplir un sondage en ligne permettant d’évaluer leurs symptômes d’anxiété et de dépression, leur sommeil, leur qualité de vie et leurs problèmes de douleur chronique. Ils devaient également indiquer la nature et la quantité de produits à base de cannabis consommés. Après cette enquête de base, des évaluations de suivi leur ont été proposées tous les 3 mois.
Tous les paramètres ont été évalués à l’aide d’outils cliniques de référence. Les symptômes de dépression et d’anxiété ont été évalués à l’aide de l’Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS), selon laquelle un score supérieur ou égal à 8 indique une préoccupation clinique ; la qualité de vie perçue a été évaluée grâce à une version abrégée de la World Health Organization Quality of Life-BREF. Le sommeil — dont le dysfonctionnement peut être lié tant à la dépression qu’à l’anxiété — a été évalué à l’aide du Pittsburgh Sleep Quality Index (PSQI). Enfin, le niveau de douleur a été évaluée via la Numeric Pain Rating Scale.
Parmi les utilisateurs de cannabis qui connaissaient le chémotype du ou des produits qu’ils consommaient, la plupart ont déclaré avoir utilisé des produits à dominante CBD (82%) ; les produits à dominante THC concernaient 23% des consommateurs.
Au départ, les consommateurs de cannabis ont déclaré une dépression moins sévère par rapport aux non-consommateurs. Cet effet était le plus fort parmi les participants utilisant des produits à dominante CBD (par exemple l’huile de CBD) ; il n’était pas affecté par le sexe des participants ou l’utilisation simultanée d’antidépresseurs. En outre, une plus grande proportion d’individus parmi les consommateurs ont obtenu un score inférieur à 8 sur l’HADS pour la dépression. En revanche, concernant l’anxiété, la différence n’était pas significative. Les consommateurs de cannabis ont également signalé une qualité de sommeil bien meilleure au cours du dernier mois qu’au début de l’enquête.
Des résultats positifs qui restent à confirmer
La qualité de vie a elle aussi été jugée meilleure au départ par les consommateurs que par le groupe témoin. Les produits du cannabis semblent également avoir un effet sur les douleurs de moyenne intensité, car globalement, les consommateurs ont rapporté une diminution de la douleur à la fin de l’enquête. En revanche, les chercheurs précisent qu’aucune différence n’a été observée dans le cas des douleurs les plus extrêmes. Les effets indésirables attribués à la consommation de produits à base de cannabis étaient, quant à eux, peu fréquents ; ils étaient davantage associés aux produits à dominante THC.
Détail intéressant : Erin Martin et son équipe rapportent que les participants qui ont commencé à consommer du cannabis médicinal au cours de la période de suivi ont montré une réduction significative des symptômes de dépression et d’anxiété. Un effet similaire — mais de moindre ampleur — a été observé chez les participants qui ont soutenu la consommation de cannabis médicinal tout au long de l’étude, ce qui montre que le cannabis médicinal a un effet antidépresseur constant.
En résumé, cette étude suggère que la consommation de produits à base de cannabis à dominante CBD est associée à une réduction de la dépression — du moins, dans l’échantillon d’adultes caucasiens majoritairement féminins considéré ici. Mais les chercheurs soulignent que leur étude présente plusieurs limites. Pour commencer, les résultats ne reposent que sur l’auto-évaluation des participants. Il est en outre possible qu’une partie de l’amélioration des symptômes signalée soit uniquement attribuable à un effet d’attente, en particulier compte tenu des faibles doses quotidiennes de CBD signalées par les participants par rapport à celles utilisées dans les études cliniques antérieures.
Des essais cliniques contrôlés contre placebo sont donc nécessaires pour explorer davantage l’efficacité potentielle du CBD dans le traitement de l’anxiété et de la dépression et pour déterminer, le cas échéant, les meilleures pratiques de dosage pour obtenir des effets antidépresseurs optimaux.