Au cours des dernières années, le graphène, une forme allotropique du carbone, s’est imposée comme une véritable star de la physique et de l’ingénierie, tant ses propriétés se sont révélées étonnantes et révolutionnaires. Et aujourd’hui, ce matériau continue de surprendre les scientifiques. En effet, une équipe de physiciens et d’ingénieurs américains a découvert que l’efficacité du graphène pour le développement de capteurs et d’électrodes ultra-précis réside en réalité dans ses défauts structurels.
Une équipe de chercheurs de la Tandon School of Engineering de l’Université de New York et du Center for Neural Science de l’Université de New York a résolu un problème de longue date concernant la construction de capteurs électrochimiques ultra-sensibles et ultra-petits, dotés de propriétés homogènes et prévisibles, en découvrant comment concevoir des structures au graphène à l’échelle atomique.
Davood Shahrjerdi et Roozbeh Kiani ont révélé la relation entre divers défauts structurels du graphène et la sensibilité des électrodes en graphène. Cette découverte ouvre la voie à la production à l’échelle industrielle de réseaux homogènes d’électrodes en graphène. Les chercheurs détaillent leur étude dans un article publié dans la revue Advanced Materials.
Le graphène est une seule feuille de carbone, mince comme un atome. Il existe un consensus traditionnel selon lequel les défauts de structure du graphène peuvent généralement améliorer la sensibilité des électrodes construites à partir de celui-ci. Cependant, une solide compréhension de la relation entre divers défauts structurels et la sensibilité a longtemps échappé aux chercheurs. Ces informations sont particulièrement essentielles pour régler la densité de différents défauts du graphène afin d’atteindre le niveau de sensibilité souhaité.
« Jusqu’à présent, obtenir un effet de sensibilité souhaité s’apparentait au vaudou ou à l’alchimie. Souvent, nous ne savions pas pourquoi une telle approche produisait une électrode plus ou moins sensible » déclare Shahrjerdi. « En étudiant systématiquement l’influence de divers types et densités de défauts de matériaux sur la sensibilité de l’électrode, nous avons créé un modèle microscopique basé sur la physique, qui remplace la superstition par une idée scientifique ».
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Les chercheurs ont découvert qu’un seul groupe de défauts dans la structure du graphène — les défauts ponctuels — avait un impact significatif sur la sensibilité des électrodes, qui augmente linéairement avec la densité moyenne de ces défauts, dans une certaine gamme. « Si nous optimisons ces défauts ponctuels en nombre et en densité, nous pouvons créer une électrode jusqu’à 20 fois plus sensible que les électrodes conventionnelles » explique Kiani.
Ces résultats devraient avoir un impact à la fois sur la fabrication et les applications d’électrodes à base de graphène. Les électrodes à base de carbone actuelles sont calibrées pour la post-fabrication de la sensibilité, un processus long qui gêne la production à grande échelle. Mais les découvertes des chercheurs permettront une ingénierie précise de la sensibilité lors de la synthèse du matériau, permettant ainsi une production à l’échelle industrielle d’électrodes à base de carbone avec une sensibilité fiable et reproductible.
Actuellement, les électrodes à base de carbone ne sont pas pratiques pour toute application nécessitant une matrice dense de capteurs ; les résultats ne sont pas fiables en raison des fortes variations de la sensibilité entre électrodes dans la matrice. Ces nouvelles découvertes permettront l’utilisation d’électrodes ultra-petites à base de carbone, aux sensibilités homogènes et extraordinairement élevées.
Par exemple dans les sondes neurales de nouvelle génération et dans des plates-formes multiplexées « de laboratoire sur puce » pour le diagnostic médical et le développement de médicaments. Mais aussi pour certaines méthodes optiques permettant de mesurer des échantillons biologiques, y compris de l’ADN.