Présente à 97% dans les océans terrestres, recouvrant eux-mêmes la Terre à 70%, dans les nuages de gaz interstellaires, dans la queue des comètes et potentiellement sur plusieurs autres planètes et satellites naturels, l’eau est véritablement partout. Pouvant revêtir différents états, l’eau n’est cependant répertoriée à l’état liquide que sur Terre. Bien qu’elle nous entoure en permanence, celle-ci présente un comportement très différent des autres liquides connus. Une équipe de scientifiques vient récemment de trouver l’origine de cette « marginalité moléculaire ».
L’une des caractéristiques particulières de l’eau est sa densité inhabituelle. De manière générale, la densité des liquides augmente continuellement lorsque leur température diminue. Cependant, l’eau atteint sa densité maximale à une température de 4 °C, c’est-à-dire avant son point de congélation (0 °C). En dessous de ce seuil de 4 °C, sa densité diminue. En d’autres termes, lorsque l’eau change d’état à 0 °C et qu’elle devient de la glace, cette dernière est moins dense que l’eau liquide. C’est pourquoi la glace flotte sur l’eau et que les corps aqueux gèlent du sommet vers la base.
En outre, l’eau possède une très haute tension de surface (ou tension superficielle) ; avec le mercure, c’est le liquide qui possède la tension de surface la plus élevée. C’est cette tension superficielle élevée qui permet à certains insectes, telles que les araignées d’eau, de se déplacer sur l’eau sans en crever la surface. Pour finir, l’eau dispose d’un point d’ébullition inhabituellement élevé (99.98 °C à la pression d’1 atmosphère) et est un solvant quasi-universel (un grand nombre de substances chimiques se dissolvent aisément dedans).
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Au niveau moléculaire, que ce soit à température ambiante ou à l’état de glace, l’eau présente un arrangement tétraédrique de molécules d’H2O. C’est-à-dire que chaque molécule d’H2O est liée à quatre autres molécules identiques, le tout formant une structure pyramidale. Pour en apprendre plus sur cet arrangement moléculaire, une équipe de chimistes de l’université de Bristol et de l’université de Tokyo a créé un modèle informatique grâce à un supercalculateur afin d’observer les effets de certains changements dans la structure tétraédrique de l’eau. Les résultats de l’étude ont été publiés dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences.
En procédant à ces modifications, les auteurs ont cherché à faire adopter à l’eau un comportement similaire à celui des autres liquides. Ils ont par exemple fait en sorte que l’état solide soit plus dense que l’état liquide, et ont pu ainsi observer la glace couler. D’après les chercheurs, ces changements ont affecté toutes les propriétés « anormales » de l’eau, indiquant que ces dernières sont bien la conséquence de sa configuration moléculaire particulière.
« Grâce à cette procédure, nous avons découvert que le comportement anormal de l’eau s’explique par l’arrangement inhabituel de ses molécules, c’est-à-dire leur structure tétraédrique » explique John Russo, chimiste à l’université de Bristol et auteur principal de l’étude. « Quatre de ces arrangements tétraédriques peuvent s’organiser de telle manière à ce qu’ils partagent une même molécule centrale sans se superposer. C’est la présence de cette structure extrêmement ordonnée, couplée à d’autres arrangements mois ordonnés, qui confère à l’eau ses propriétés inhabituelles ».
Sans cette configuration moléculaire, l’eau ne pourrait être propice à la vie telle qu’on la connaît. Par exemple, l’eau est difficilement compressible, ce qui lui permet d’être éjectée pour circuler dans nos artères et transporter nos cellules sanguines – pour rappel, chez l’humain, le plasma sanguin est composé à 91% d’eau. En outre, le fait que l’eau soit un excellent solvant est primordial pour notre organisme puisque c’est dans le milieu aqueux cellulaire (le cytosol, composé à 85% d’eau) que les réactions et catalyses métaboliques se déroulent.
Enfin, la densité anormale de l’eau préserve également la vie marine ; si elle gelait de la base vers le sommet, alors une grande partie des espèces sous-marines mourraient, emprisonnées dans la glace. Cette même densité a contribué à façonner la Terre en la rendant propice à la vie. En effet, lorsqu’elle gèle, le volume de l’eau augmente ; en s’infiltrant dans les roches et en gelant, cette augmentation de volume a provoqué l’éclatement et la séparation de grandes structures rocheuses, modifiant les paysages géologiques primitifs.