Avec l’essor de la conquête spatiale, les scientifiques ont travaillé sur le développement de nombreux moyens de propulsion de vaisseaux spatiaux ; chacun visant à maximiser l’efficacité de la propulsion tout en réduisant la quantité de carburant nécessaire et la taille du moteur. L’une des solutions envisagées depuis plusieurs décennies est la propulsion utilisant la fusion nucléaire. Et depuis quelques temps, une équipe de chercheurs de l’université de Princeton travaille au développement d’un moteur à fusion nucléaire, qui pourrait équiper les vaisseaux spatiaux d’ici 2028.
Le moteur DFD (Direct Fusion Drive) pourrait prendre son envol pour la première fois en 2028 environ, si tout se passe comme prévu, ont déclaré les développeurs du concept. Le DFD, de la taille d’une mini-fourgonnette, pourrait propulser un vaisseau spatial robotique de 10’000 kg jusqu’à Saturne en seulement deux ans ou jusqu’à Pluton dans les cinq ans suivant son lancement (la mission Cassini de la NASA a atteint Saturne en 6.75 ans et il a fallu 9.5 années à la sonde New Horizons pour se rendre vers Pluton).
Et le moteur sert également de source d’énergie puissante, ce qui signifie que la technologie pourrait avoir une large gamme d’applications en dehors de la Terre. Par exemple, le DFD pourrait aider à alimenter la station spatiale en orbite lunaire prévue par la NASA, connue sous le nom de Gateway, ainsi que des bases sur la Lune et sur Mars, déclare Stephanie Thomas, membre de l’équipe de projet.
Un réacteur à fusion multifonctions pour le domaine spatial
Le DFD est une variante du Princeton Field-Reversed Configuration (PFRC), concept de réacteur à fusion inventé au début des années 2000 par Samuel Cohen du Laboratoire de physique du plasma de Princeton (PPPL). Le DFD est essentiellement un réacteur PFRC avec une extrémité ouverte, à travers laquelle les gaz d’échappement génèrent une poussée.
L’intérieur du DFD comportera un plasma chaud d’hélium-3 et de deutérium, contenu magnétiquement. Les atomes de ces éléments vont fusionner dans ce plasma, générant beaucoup d’énergie — et très peu de radiations dangereuses, selon Thomas. Le plasma en fusion réchauffe le propergol froid s’écoulant à l’extérieur de la région de confinement. Ce propergol est dirigé vers une tuyère à l’arrière du moteur, produisant une poussée.
Toute cette chaleur se traduit par beaucoup de puissance, probablement entre 1 et 10 mégawatts. Le DFD exploitera cette puissance en utilisant un moteur à cycle de Brayton pour convertir une grande partie de la chaleur en électricité. Par exemple, un orbiteur autour de Pluton équipé d’un réacteur à fusion pourrait transmettre de la puissance à un atterrisseur à la surface de la planète naine, et également permettre d’envoyer des vidéos haute définition sur Terre.
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« Le DFD est différent des autres concepts de réacteurs à fusion » déclare Thomas, citant la petite taille du prototype, son fonctionnement propre, son faible rayonnement et sa méthode unique de chauffage du plasma (qui utilise une antenne à ondes radio).
Une propulsion nucléaire effective pour 2028 ?
L’équipe du DFD a récemment obtenu des fonds de divers organismes pour continuer à développer le concept. Par exemple, les travaux menés de 2016 à 2019 ont été facilités par deux séries de financement du programme Innovative Advanced Concepts de la NASA, qui vise à favoriser le développement d’une technologie de vol spatial potentiellement révolutionnaire. Et le DFD a reçu cette année un prix ARPA-E (Agence de projets de recherche avancée), qui financera le développement de projets futurs tout au long de l’année prochaine.
L’équipe a déjà démontré certains concepts de base avec l’expérience PFRC-1, qui s’est déroulée au PPPL de 2008 à 2011, et avec PFRC-2, qui fonctionne maintenant. Les chercheurs n’ont pas encore atteint la fusion, mais ils espèrent pouvoir le faire avec le PFRC-4 au milieu des années 2020. Un prototype de vol suivrait peu de temps après. Une mission réelle pourrait suivre un vol de démonstration réussi — peut-être dès 2028, conclut Thomas.
Dans cette vidéo, les physiciens de Princeton expliquent le fonctionnement technique du DFD :