La structure du proton, particule subatomique constituant en partie le cœur d’un atome, demeure largement méconnue. Bien que l’on sache que sa masse ne provient pas uniquement de ses éléments constitutifs physiques, l’origine exacte de sa masse totale reste un mystère. Dans une nouvelle étude, des chercheurs ont peut-être découvert une partie de cette masse « cachée » et révèlent qu’un proton semble avoir une taille différente selon que l’on s’intéresse à sa charge ou à sa masse.
Longtemps considéré comme indivisible, le proton a pu être « déstructuré » grâce aux accélérateurs de particules. Des décennies d’expériences réalisées avec les collisionneurs de hadrons ont montré que le proton est composé de trois particules élémentaires, dont deux quarks up et un quark down. On a également découvert que ces quarks sont liés entre eux par des particules appelées gluons. Dans une étude antérieure, des chercheurs ont suggéré que le proton pourrait posséder un quatrième élément appelé quark charm.
Si nous en savons aujourd’hui beaucoup plus sur les quarks et les distances sur lesquelles s’étendent leurs champs électriques, nous en savons beaucoup moins sur les gluons. À noter que les quarks d’un proton ne constituent qu’une infime partie de sa masse. Mis à part les quarks et leurs mouvements, une partie de cette masse proviendrait des gluons ou de l’énergie liant les quarks entre eux. Les interactions dynamiques entre les quarks et les gluons contribueraient également à la masse totale d’un proton.
Cependant, ces différentes interactions ne suffisent pas encore à expliquer la totalité de la masse. Selon les chercheurs de la nouvelle étude, parue dans Nature, la façon dont les gluons sont distribués pourrait fournir de précieux indices sur l’origine de cette « masse cachée ». Alors que ces chercheurs effectuaient des expériences pour tenter de découvrir un cinquième type de quark précédemment rapporté par des scientifiques du CERN, ils ont trouvé à la place le rayon de la masse du proton, générée par l’interaction forte des gluons.
Plus précisément, les chercheurs de la nouvelle étude ont localisé la matière générée par les interactions gravitationnelles des gluons, impliquant une nouvelle mesure de leur rayon. Le rayon de ce noyau de matière serait localisé au centre du proton et semble avoir une taille différente de son rayon de charge. L’espace occupé par la majorité de la masse d’un proton serait ainsi beaucoup plus restreint qu’on ne le pensait. Il est important de noter que le rayon de charge est souvent utilisé pour mesurer la taille approximative d’un proton.
« Le rayon de cette structure de masse est plus petit que le rayon de charge, et cela nous donne donc en quelque sorte une idée de la hiérarchie de la masse par rapport à la structure de charge du nucléon », explique Mark Jones, chercheur au département de physique nucléaire expérimentale de l’Institut Jefferson (États-Unis) et co-auteur de la nouvelle étude. Cette différence de structure interne pourrait notamment avoir des implications pour les calculs d’autres propriétés du proton telles que le spin, le moment cinétique et la distribution de l’énergie. La confirmation de ce contraste structurel impliquerait d’ailleurs de réviser l’ensemble des protocoles expérimentaux sur les atomes.
Une taille différente selon la caractéristique mesurée
Au cours de leurs expériences, les chercheurs ont bombardé un petit bloc de cuivre avec des électrons à haute énergie (10,6 milliards d’électronvolts), à l’aide d’un accélérateur de particules. En entrant en collision avec le bloc de cuivre, les électrons ont été ralentis puis déviés en émettant des photons. Ce faisceau photonique généré a ensuite frappé un amas de protons à l’intérieur d’une solution d’hydrogène liquide. Cette collision a généré des particules appelées mésons J/psi à vie courte — composés chacun d’un quark charm et d’un antiquark. Une fois formés, les mésons se désintègrent rapidement sous forme d’électrons et de positons.
En évaluant le nombre de mésons J/psi produits, les chercheurs ont pu déduire la distribution de masse du proton par le biais de modèles mécaniques quantiques mesurant les interactions gluon-quark. Il a ensuite été constaté que la masse gluonique était confinée au niveau d’un noyau dense au centre du proton. La charge des quarks, en revanche, s’étendait sur un rayon plus grand.
Les scientifiques ont ensuite cherché à explorer des modèles de mesures théoriques, évaluant les facteurs de forme gravitationnels gluoniques du proton (ou les caractéristiques mécaniques du proton, telles que sa masse et sa pression). « Il y avait deux quantités, appelées facteurs de forme gravitationnels, que nous avons pu extraire, car nous avions accès à ces deux modèles : le modèle de distribution généralisée des partons et le modèle de chromodynamique quantique holographique (QCD). Et nous avons comparé les résultats de chacun de ces modèles avec des calculs QCD sur réseau », explique Meziani.
À partir de ces comparaisons, les chercheurs ont pu constater que le rayon de la masse gluonique confiné au centre du proton est dominé par les gluons de type graviton, ainsi qu’un plus grand rayon composé de gluons scalaires et qui s’étend au-delà de l’espace occupé par le mouvement des quarks. En considérant sa masse, la taille d’un proton apparaît donc plus faible que lorsque l’on considère sa charge, car la majorité de cette masse est contenue en son centre.