Une jeune mère américaine est aujourd’hui en parfaite santé, près d’un an après avoir subi une double transplantation complexe du cœur et du foie. Atteinte d’une cardiopathie congénitale ainsi que d’un syndrome rarissime inversant la position de ses organes internes, elle a désormais retrouvé une vie active, capable de courir et de gravir de longs escaliers.
Laura Valentine avait viré au bleu peu après sa naissance. Après plusieurs examens, les médecins ont diagnostiqué chez elle une cardiopathie congénitale rare : son cœur ne disposait que d’un seul ventricule, au lieu des deux habituellement nécessaires pour assurer une circulation sanguine efficace et oxygéner l’ensemble de l’organisme.
À cette anomalie cardiaque s’ajoutait une autre affection tout aussi exceptionnelle, le situs inversus, caractérisé par une disposition en miroir des organes internes. Dans son cas, le cœur, le foie et d’autres viscères occupaient une position inversée par rapport à la norme anatomique, ce qui pouvait engendrer des troubles digestifs, respiratoires ou d’autres dysfonctionnements internes.
Dès sa petite enfance, pour espérer mener une vie relativement normale, la patiente a subi une première opération à cœur ouvert avant l’âge de deux ans. Cette intervention, appelée « procédure de Fontan », consistait à réorienter entièrement son système circulatoire afin de maximiser l’oxygénation de ses organes. Étroitement suivie sur le plan médical, la jeune fille a néanmoins pu pratiquer du sport durant son enfance et son adolescence, tout en suivant un parcours universitaire sans interruption.
Mais en juillet 2023, son état s’est brutalement détérioré : elle souffrait de gonflements et de douleurs abdominales, symptômes qui ont conduit à une hospitalisation d’urgence. Le diagnostic a révélé une fibrillation auriculaire silencieuse, entraînant des troubles du rythme cardiaque et la formation de caillots sanguins dans plusieurs organes. Si les traitements médicaux ont pu écarter le danger immédiat, les dommages étaient irréversibles : son cœur et son foie sont devenus défaillants, ne pouvant plus assurer sa survie à long terme.
Elle a alors été prise en charge par l’University of Chicago Medicine (UChicago Medicine), où ses médecins l’ont inscrite à un programme de transplantation combinée. L’objectif : remplacer son foie et greffer un nouveau cœur, en en remplacement et en soutien de l’organe natif, respectivement. La formulation selon laquelle elle « vit désormais avec deux cœurs » peut prêter à confusion : il s’agit en réalité d’une greffe cardiaque remplaçant le cœur malade. « La première question que ma fille m’a posée, quand nous lui avons expliqué ce qu’impliquait la greffe, a été : “Est-ce que tu pourras encore m’aimer avec un autre cœur ?” Je lui ai répondu : “Oui, je ne cesserai jamais de t’aimer. Je pourrai même t’aimer avec deux cœurs, maintenant.” », raconte-t-elle dans un billet de blog publié par l’université.
Une planification rigoureuse et complexe
Malgré l’expérience accumulée par les équipes de l’UChicago Medicine, le cas de Laura Valentine a été considéré comme exceptionnellement complexe. Pour planifier l’intervention, les chirurgiens ont réuni un collège d’experts et réalisé des examens d’imagerie de haute précision afin de concevoir des modèles en trois dimensions de ses organes. Ces représentations ont permis d’envisager la faisabilité de la double greffe, compte tenu de la position inversée de ses organes et de l’architecture atypique de son système circulatoire.
À partir de ce modèle, les spécialistes ont redessiné les connexions vasculaires entre les nouveaux organes et les structures existantes. « Il faut plus qu’une équipe pour accompagner de tels patients : c’est une véritable ville qu’il faut mobiliser », résume le professeur Valluvan Jeevanandam, directeur du Centre cardiaque et vasculaire de l’université. « Nous nous sommes surnommés l’équipe chirurgicale “Twister”, car chacun se tordait dans tous les sens pour faire en sorte que cela fonctionne », ajoute-t-il.
En parallèle, Valentine a suivi un programme rigoureux de réadaptation physique à l’hôpital, afin de maximiser ses chances de réussite opératoire et de faciliter un rétablissement rapide. « Quand vous êtes un cas vraiment difficile, que peu de médecins acceptent, et que quelqu’un décide tout de même de vous soigner, vous suivez chacun de ses conseils à la lettre », explique-t-elle.
Chaque jour, elle parcourait près de six kilomètres dans les couloirs de l’hôpital et réalisait des exercices réguliers de physiothérapie pour maintenir sa masse musculaire. Après 84 jours d’attente — un chiffre confirmé par l’université dans son billet de blog —, elle a finalement reçu ses nouveaux organes. L’opération, d’une durée exceptionnelle de près de 24 heures, s’est déroulée sans incident majeur. Malgré l’ampleur de l’intervention, elle a pu regagner son domicile seize jours plus tard, amorçant un rétablissement complet.
Renaître, pour transmettre
Moins de six mois après l’opération, le professeur Jeevanandam a invité Laura Valentine à participer à une course caritative annuelle consistant à gravir les 1 632 marches du 875 North Michigan Avenue (anciennement John Hancock Center), afin de collecter des fonds pour la recherche sur les maladies pulmonaires. Après seulement deux mois d’entraînement, elle a réussi l’ascension dans son intégralité.
Elle se prépare aujourd’hui à une course de cinq kilomètres, organisée pour sensibiliser le grand public au don d’organes. L’événement coïncidera avec le premier anniversaire de sa double transplantation. « Je sais que je suis un cas médical rare, presque un miracle scientifique. Si je peux aider d’autres personnes à mieux comprendre ce que cela signifie ou leur offrir un peu d’espoir, alors je le ferai toujours », confie-t-elle.
Ann Nguyen, directrice médicale du programme de transplantation cardiaque de l’université et référente de Valentine depuis l’intervention, l’a également mise en relation avec d’autres patients atteints de cardiopathies congénitales complexes et en attente de greffes, dans l’espoir que son parcours les inspire et les soutienne.