Dans le domaine des interfaces cerveau-machine, Neuralink d’Elon Musk se distingue avec sa puce Telepathy, capable d’interpréter les modèles d’activité neuronale et de les traduire en actions. Si Telepathy est de la taille d’un bouton de chemise, un modèle encore plus petit et performant vient de faire son apparition. Baptisée MiBMI (Minimally Invasive Brain-Machine Interface) par ses concepteurs, cette nouvelle puce, développée par des chercheurs suisses, peut traduire l’activité cérébrale en texte avec une précision de 91 %.
Divers problèmes neurologiques peuvent empêcher une personne d’avoir une interaction sociale normale, notamment les troubles neuromusculaires, le syndrome de verrouillage (LIS) ou les accidents vasculaires cérébraux. Dans ce contexte, certaines interfaces cerveau-machine (ICM) ont été spécialement conçues pour offrir à ces personnes une nouvelle façon de communiquer en leur permettant de se connecter à des appareils auxiliaires par le biais de l’électroencéphalographie (EEG). Si ces systèmes sont généralement encombrants, des chercheurs de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) viennent de relever un défi de taille en développant le MiBMI, une interface neuronale minuscule.
À la différence de la puce de Neuralink, qui implique l’insertion de 64 électrodes dans le cerveau, ce dispositif en silicium développé par les chercheurs de l’EPFL ne fait que 2.46 mm² et est conçu pour être minimalement invasif. « Notre puce neuronale MiBMI nous permet de convertir une activité neuronale complexe en texte lisible avec une haute précision et une faible consommation d’énergie », a déclaré Mahsa Shoaran, responsable du laboratoire de neurotechnologies intégrées de l’EPFL, dans un communiqué. « Cette avancée nous rapproche de solutions pratiques et implantables qui peuvent améliorer de manière significative les capacités de communication des personnes souffrant de graves déficiences motrices », a-t-elle ajouté.
Une puce cérébrale de haute précision
Convertir des activités cérébrales en texte lisible implique un processus de décodage des signaux neuronaux provenant d’électrodes implantées dans le cerveau. Ces signaux sont générés lorsque la personne imagine écrire des mots. Les ICM conçues jusqu’à présent enregistrent les données de l’activité neuronale associée aux actions motrices de l’écriture, puis envoient les signaux à un ordinateur séparé qui se charge du décodage.
Comme ses prédécesseurs, la nouvelle puce de l’EPFL surveille l’activité électrique du cerveau et convertit cette activité en signal. Cependant, elle se distingue en intégrant un système d’enregistrement neuronal à 192 canaux et un décodeur neuronal à 512 canaux. Selon l’équipe, le MiBMI traite simultanément les informations en temps réel.
Les scientifiques de l’EPFL ont précisé que le MiBMI n’a pas encore été testé dans un environnement réel. D’après Mohammed Ali Shaeri, auteur principal de l’étude, « la puce a été alimentée par des enregistrements neuronaux antérieurs, tels que ceux du laboratoire Shenoy à Stanford ». Lors des tests, elle a atteint un niveau de précision de 91 % en convertissant l’activité neuronale en texte.
Un dispositif révolutionnaire avec un fort potentiel d’expansion
L’efficacité du nouveau dispositif de l’EPFL réside dans sa technique innovante de lecture des signaux de traitement du langage envoyés par le cerveau. En effet, pour traiter la quantité massive d’informations captées par les électrodes de cette ICM compacte, les chercheurs ont adopté une approche complètement différente. En travaillant sur la puce, ils ont identifié une série de marqueurs neuronaux spécifiques appelés « codes neuronaux distinctifs » (CND), qui s’activent dès que le patient imagine une lettre.
Ces marqueurs agissent comme un « raccourci » : au lieu de traiter des milliers d’octets de données pour chaque lettre, le MiBMI ne traite que les CND. Ainsi, étant donné que les CND ne représentent qu’une centaine d’octets, le système est plus rapide, plus précis et consomme peu d’énergie. Selon l’équipe, cette avancée permettra d’accélérer l’apprentissage d’utilisation par les patients en bénéficiant.
Pour l’instant, la puce se limite au décodage de 31 caractères. Par rapport aux autres systèmes intégrés, il s’agit d’une performance inégalée. Cependant, les chercheurs ne comptent pas s’arrêter là. « Nous sommes convaincus de pouvoir décoder jusqu’à 100 caractères, mais nous ne disposons pas encore d’un ensemble de données d’écriture manuscrite comportant davantage de caractères », a déclaré Shaeri.
L’équipe a également expliqué que le MiBMI ne servira pas seulement à convertir des pensées en texte. Une collaboration est en cours avec les laboratoires de Silvestro Micera, Grégoire Courtine, Stéphanie Lacour et David Atienza pour produire une nouvelle génération de systèmes ICM intégrés et explorer les diverses applications du MiBMI. « Nous collaborons avec d’autres groupes de recherche pour tester le système dans différents contextes, tels que le décodage du langage et le contrôle de mouvement. L’objectif est de développer une puce neuronale polyvalente, adaptable à différents troubles neurologiques, offrant ainsi une gamme plus large de solutions aux patients », conclut Shoaran.