Des atomes artificiels nouvellement mis au point par une équipe de chercheurs de l’Université de Nouvelle-Galles du Sud (Australie), utilisés dans une puce de mesure quantique au silicium, pourraient devenir les nouveaux éléments de base de l’informatique quantique. Ils confèrent notamment une stabilité de fonctionnement impressionnante, décrite dans une nouvelle étude publiée dans la revue Nature.
Des ingénieurs australiens ont trouvé un moyen de rendre les atomes artificiels plus stables, ce qui pourrait à son tour produire des bits quantiques (ou qubits) plus cohérents. Pour rappel, les qubits (comme les bits pour l’informatique classique) sont les unités de base de l’information dans un système quantique.
La nouvelle recherche s’appuie sur des travaux antérieurs de l’équipe, dans lesquels ils ont produit les tout premiers qubits sur une puce de silicium, qui pouvaient alors traiter des informations avec une précision de plus de 99%. Aujourd’hui, ils ont trouvé un moyen de minimiser le taux d’erreur causé par les imperfections du silicium. L’étude a été publiée dans la revue Nature Communications.
Des atomes artificiels aux propriétés intéressantes
« Ce qui nous passionne vraiment dans nos dernières recherches, c’est que les atomes artificiels avec un nombre d’électrons plus élevé s’avèrent être des qubits beaucoup plus robustes qu’on ne le pensait auparavant, ce qui signifie qu’ils peuvent être utilisés de manière fiable pour les calculs au sein des ordinateurs quantiques », explique l’ingénieur quantique Andrew Dzurak, de l’Université de Nouvelle-Galles du Sud (UNSW) en Australie. « C’est important, car les qubits basés sur un seul électron peuvent être très peu fiables ».
Dans un véritable atome, les électrons se baladent autour d’un noyau. Ces orbites tridimensionnelles sont appelées couches électroniques et peuvent contenir différents nombres d’électrons.
Les atomes artificiels — également connus sous le nom de « points quantiques » — sont des cristaux semi-conducteurs à l’échelle nanométrique comportant un espace permettant de piéger les électrons et confiner leur mouvement en trois dimensions, en les maintenant en place grâce aux champs électriques atomiques.
L’équipe de chercheurs a développé des atomes artificiels à l’aide d’une grille d’électrodes à surface métallique permettant d’appliquer une tension au silicium, attirant des « électrons de réserve » du silicium dans le point quantique.
« Dans un véritable atome, il y a une charge positive au milieu (le noyau), puis les électrons chargés négativement sont maintenus autour de ce dernier sur des orbites tridimensionnelles », a expliqué le physicien Andre Saraiva de l’UNSW. « Dans notre cas, plutôt qu’un noyau positif, la charge positive provient de la grille d’électrodes, qui est séparée du silicium par une barrière isolante d’oxyde de silicium. Puis les électrons sont suspendus en dessous, chacun en orbite autour du centre du point quantique, mais plutôt que de former une sphère, ils sont disposés à plat, sur un disque ».
Des couches électroniques prévisibles et bien organisées
L’hydrogène, le lithium et le sodium sont des éléments chimiques qui peuvent avoir un seul électron dans leur couche électronique la plus externe. Il s’agit du modèle utilisé pour l’informatique quantique. Lorsque l’équipe produit des atomes artificiels équivalents à l’hydrogène, au lithium et au sodium, elle peut utiliser cet électron unique comme qubit, la version quantique d’un bit binaire.
Cependant, contrairement aux bits standards (binaires), qui traitent les informations dans l’un des deux états (1 ou 0), un qubit peut être dans l’état 1, 0 ou les deux simultanément (superposition quantique), en fonction des états de spin. Cela signifie qu’ils permettent d’effectuer des calculs parallèles, plutôt que consécutivement, ce qui en fait un outil informatique beaucoup plus puissant.
C’est ce que l’équipe a entre autres exploité précédemment, mais le système n’était pas parfait. « Jusqu’à présent, les imperfections des dispositifs en silicium au niveau atomique ont perturbé le comportement des qubits, entraînant un fonctionnement et des erreurs non fiables », a déclaré Ross Leon Leon, ingénieur quantique à l’UNSW.
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Ainsi, l’équipe a augmenté la tension sur leur grille d’électrodes, qui a ainsi attiré plus d’électrons ; ces électrons, à leur tour, imitent des atomes plus lourds, qui ont plusieurs couches d’électrons. Dans les atomes artificiels, tout comme dans les atomes réels, ces couches sont prévisibles et bien organisées.
« Lorsque les électrons dans un atome réel ou nos atomes artificiels forment une couche complète, ils alignent leurs pôles dans des directions opposées de sorte que le spin total du système est nul, les rendant inutiles en tant que qubits. Mais lorsque nous ajoutons un électron de plus pour démarrer une nouvelle couche, cet électron supplémentaire possède un spin que nous pouvons à nouveau utiliser comme qubit », déclare Dzurak. Cette nouvelle configuration semble également compenser les erreurs introduites par les imperfections à l’échelle atomique dans la puce de silicium.
« Nos nouveaux travaux montrent que nous pouvons contrôler le spin des électrons dans les enveloppes extérieures de ces atomes artificiels pour obtenir des qubits fiables et stables » ajoute Dzurak. « C’est vraiment important, car cela signifie que nous pouvons maintenant travailler avec des qubits beaucoup plus stables. Il faut savoir qu’un électron est de nature très fragile. Cependant, un atome artificiel avec 5 électrons, ou 13 électrons, est beaucoup plus robuste ».