Considérée par les agriculteurs comme une « mauvaise herbe », la lampourde glouteron (Xanthium strumarium L.) est utilisée en médecine traditionnelle chinoise pour soulager de nombreuses maladies. Récemment, des chercheurs lui ont découvert de puissantes propriétés anti-âge liées à ses effets antioxydants et anti-inflammatoires. Cependant, la plante est hautement toxique et envahissante. Son utilisation pharmaceutique soulève ainsi de nombreuses questions.
Originaire d’Europe du Sud, d’Amérique, d’Afrique du Nord et d’Asie centrale, la lampourde glouteron est une plante herbacée introduite dans de nombreuses régions du monde. Appréciant particulièrement les sols humides et sablonneux, elle pousse généralement au niveau des bordures de fossés et des berges de rivières. Ses fruits arrondis sont recouverts d’une enveloppe rigide et épineuse, ainsi que d’une sève collante qu’ils sécrètent davantage lorsqu’ils sont écorchés ou coupés. Depuis des siècles, les tradithérapeutes chinois utilisent ces fruits pour soigner les maux de tête, la sinusite nasale, l’ulcère gastrique, les troubles de la pigmentation de la peau, les symptômes liés à la tuberculose et la polyarthrite rhumatoïde, entre autres.
La recherche moderne a isolé plus de 170 composés actifs issus de la plante et explore aujourd’hui ses effets antitumoraux, antibactériens, antidiabétiques, antilipidémiques, etc. La nouvelle étude, menée par l’Université Myongji en Corée du Sud, est la première à découvrir des effets cicatrisants et protecteurs pour la peau, notamment par l’augmentation de la production de collagène. « À cet égard, il pourrait être un ingrédient attrayant pour des crèmes ou d’autres produits cosmétiques », suggère Eunsu Song, doctorant à l’Université Myongji et coauteur de l’étude. « Il montrera probablement un effet synergique contre le vieillissement s’il est mélangé avec d’autres composés, tels que l’acide hyaluronique ou l’acide rétinoïque », ajoute-t-il.
Protection de la peau et prévention des rides
Présentée lors du Discover BMB 2023, la rencontre annuelle de l’American Society for Biochemistry and Molecular Biology à Seattle (États-Unis), la nouvelle étude a permis d’identifier des molécules actives extraites des fruits de lampourde glouteron aux propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires. Ces dernières ont ensuite été testées sur des cellules cutanées cultivées en laboratoire afin d’en évaluer les effets sur la production de collagène (qui confère son élasticité à la peau et prévient les rides), la cicatrisation et les dommages liés à l’exposition aux ultraviolets (l’une des principales causes du vieillissement cutané).
Résultats : les extraits de fruits ont amélioré de manière significative la production de collagène, accéléré la cicatrisation et protégé efficacement contre les ultraviolets. Après avoir analysé des extraits issus de fruits cultivés dans différentes régions, les chercheurs ont également constaté que ceux de Corée du Sud possédaient des propriétés bioactives légèrement plus élevées que ceux issus des variétés cultivées en Chine.
Il est cependant important de noter que la lampourde glouteron est hautement toxique. Sa sève contient notamment du carboxyatractyloside, un composé qui peut endommager les cellules hépatiques. Ce composé peut être mortel pour l’Homme et les animaux s’il est ingéré en grande quantité.
Des doses trop élevées d’extraits du fruit seraient aussi très probablement nocives pour la peau. Les chercheurs comptent effectuer des recherches supplémentaires pour évaluer correctement leur innocuité et les doses destinées aux cosmétiques. Pour ce faire, les mécanismes biomoléculaires impliqués dans les effets bénéfiques pour la peau seront étudiés plus en profondeur, par le biais de tests in vitro et in vivo.
Une exploitation qui pourrait nuire à la biodiversité
Il faut par ailleurs garder à l’esprit qu’il s’agit d’une plante exotique considérée comme envahissante dans de nombreux pays. Possédant un fort pouvoir de colonisation, elle entre facilement en compétition avec les cultures de rente telles que le soja, le maïs et le coton et réduit considérablement leur rendement.
De plus, ses fruits s’accrochent facilement aux vêtements et aux fourrures et plumes des animaux, lui permettant de se disperser facilement sur des kilomètres à la ronde. Pouvant s’adapter à de nombreux milieux, la plante pousse sur les berges rocailleuses des cours d’eau et tolère même une forte salinité en poussant sur les plages.
Quant au contrôle de l’espèce, il faudrait notamment plus de 3 ans de suppression de graines pour l’éradiquer complètement d’une zone. L’exploitation de la plante – impliquant sa culture à grande échelle – pourrait non seulement nuire à l’agriculture, mais également à la biodiversité. L’introduction d’espèces exotiques invasives fait en effet partie des 5 principales menaces pour la biodiversité.