Dans le Modèle Standard, la translation, la rotation et la parité correspondent à trois symétries fondamentales auxquelles les particules élémentaires sont soumises. Parmi les quatre interactions élémentaires, seule l’interaction faible viole la symétrie de parité (symétrie P). Cependant, la symétrie P peut être restaurée en tant que symétrie fondamentale s’il existe des particules « miroir » pouvant être associées aux particules élémentaires connues.
C’est en 1956 que les physiciens chinois Tsung Dao Lee et Chen Ning Yang suggèrent que l’interaction faible viole la symétrie de parité pour expliquer l’anomalie de la désintégration des mésons (également appelée énigme τ–θ). Ils proposent alors une série d’expériences visant à tester leur hypothèse. Quelques mois plus tard, les résultats des expériences confirmeront que les interactions faibles des particules élémentaires violent effectivement la symétrie P.
Entre les années 1960 et 1990, des physiciens théoriciens commencent déjà à chercher des solutions permettant de restaurer naturellement la symétrie de parité. L’une des solutions préliminairement avancée est l’existence de particules miroir, des particules élémentaires déjà connues. Mais ce n’est qu’en 1991 que l’idée est formellement décrite.
Dans le Modèle Standard, les bosons W responsables de l’interaction faible sont de chiralité gauche, et n’interagissent qu’avec des quarks de chiralité gauche. Dans le cas de particules miroir, celles-ci seraient de chiralité droite et l’interaction faible miroir ne posséderait donc que des bosons W de chiralité droite. Le secteur des particules miroirs contient ainsi des neutrinos droits, des gluons droits, etc. Chaque particule miroir possède la même masse que sa contrepartie ordinaire.
Hormis cette différence de chiralité, les particules miroir interagissent entre elles de la même manière que les particules ordinaires. Cependant, l’interaction entre particules miroir et particules ordinaires est impossible, du fait de l’incompatibilité physique des bosons mis en jeu ; les bosons miroirs ne peuvent interagir sur les particules classiques, et vice-versa. Exception faite de la gravité, qui est la seule interaction à agir sur toutes les particules, puisqu’elle est inhérente à la géométrie même de l’espace-temps.
En 1985, le physicien Bob Holdom de l’université de Toronto suggère que les deux types de particules puissent interagir via l’échange d’un boson de Holdom. Cette interaction serait toutefois extrêmement faible. Ainsi, une particule peut se transformer en une autre via l’échange d’un tel boson. Néanmoins, ce mécanisme serait fortement contraint par le principe de conservation de la charge.
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Il est, par exemple, interdit à un électron ordinaire de se transformer en électron miroir, car la charge serait modifiée. Seules les particules électriquement neutres peuvent donc échanger des bosons de Holdom. C’est notamment le cas des photons. Ainsi, les photons ordinaires peuvent interagir avec les photons miroirs et se transformer l’un en l’autre. De nombreuses expériences impliquant l’oscillation des neutrinos et la désintégration de l’ortho-positronium semblent confirmer l’hypothèse de Holdom.
La matière miroir aurait été créée à l’issue de l’ère de Planck, quand la gravité s’est séparée des trois autres interactions élémentaires. Bien que le mécanisme concret de formation soit encore très vague, rien n’implique que matière ordinaire et matière miroir aient été créées en quantités identiques. C’est pourquoi la matière miroir est une candidate à la matière noire. En effet, elle est actuellement l’un des rares candidats à pouvoir expliquer le signal positif de l’expérience DAMA/NaI tout en étant compatible avec les résultats négatifs des autres.
Au-delà de la restauration de la symétrie P, l’existence de la matière miroir permettrait de solutionner d’autres écueils cosmologiques. Elle offrirait ainsi une solution à la limite GZK (limite supérieure de l’énergie des rayons cosmiques) en impliquant l’oscillation de neutrinos miroirs en neutrinos ordinaires. En outre, rien n’interdit à la matière miroir de former des étoiles, des planètes, voire même des galaxies. L’influence gravitationnelle de tels objets pourrait donc être détectable.