Doom, pionnier des jeux de tir à la première personne, s’est forgé une solide réputation pour avoir été adapté à un nombre incalculable d’appareils. Des solutions d’éclairage connectées aux systèmes de navigation automobile, en passant par les plus insolites comme les bactéries, le jeu est devenu au fil des années un véritable projet communautaire d’adaptation informatique. Récemment, un informaticien a accompli l’exploit d’adapter le jeu aux ordinateurs quantiques.
Doom, créé en 1993, est devenu le père fondateur des jeux de tir en vue à la première personne. D’ailleurs, les jeux du même genre qui ont suivi ont été catalogués comme des Doom-like. En 2016, l’éditeur Bethesda a relancé Doom et, en parallèle, le jeu a commencé à être porté sur divers appareils. En juin 2022, par exemple, James Brown a partagé une vidéo montrant Doom sur un écran de 72 x 40 pixels intégré dans une petite brique de LEGO. Un autre programmeur, connu sous le pseudonyme de « Foone », a partagé sur X une vidéo du jeu tournant sur un test de grossesse, après avoir remplacé l’écran et intégré un micro-contrôleur.
Si Doom peut tourner sur une panoplie d’appareils, aucun portage sur les ordinateurs quantiques n’avait été réalisé jusqu’à présent. Luke Mortimer, alias Lumorti, chercheur en informatique quantique à l’Institute of Photon Science (ICFO) de Barcelone, a accompli un exploit en adaptant le jeu à un ordinateur quantique. Cependant, cette version nécessite 72 376 qubits (dont 6 986 sont dédiés aux auxiliaires et 8 376 qubits à la logique du jeu) et 80 millions de portes quantiques pour exécuter uniquement le code de base. À l’heure actuelle, Atom Computing, qui détient le record de l’ordinateur quantique le plus puissant, compte 1 225 qubits. Cela signifie qu’il faudrait environ 70 fois plus de qubits pour pouvoir jouer à Doom sur un ordinateur quantique.
QASM, le simulateur fonctionnant sur ordinateur classique
Bien que Mortimer admette qu’aucun ordinateur quantique ne peut, pour l’instant, gérer le jeu sous cette forme, Doom peut être simulé sur un ordinateur classique. Pour ce faire, il a intégré un fichier léger (le simulateur QASM) qui accompagne Quandoom et traduit les instructions quantiques en calculs classiques en utilisant des portes quantiques Toffoli et Hadamard.
Grâce à QASM, Quandoom peut fonctionner sur un ordinateur classique avec 10 à 20 images par seconde. « Bien qu’un tel ordinateur quantique n’existe pas actuellement, Quandoom est efficacement simulable sur un ordinateur classique, capable de fonctionner à 10-20 ips sur mon ordinateur portable en utilisant le simulateur QASM léger (150 lignes de C++) fourni », a déclaré Mortimer sur GitHub.
Pour jouer à Quandoom, il faut avant tout télécharger la dernière version des fichiers (ici), que ce soit pour un système Linux ou Windows. Ensuite, il faut les décompresser avant de glisser le fichier Quandoom.qasm sur le simulateur (simulator.exe). Comme il s’agit d’un fichier volumineux, le charger requiert environ 5 Go de RAM. Dans la boucle du jeu de Quandoom, lorsque l’utilisateur appuie sur une touche, chaque entrée est codée sur un seul qubit. Une fois que la valeur de l’un des qubits d’entrée est définie, le fichier QASM (contenant plus de 80 millions de portes quantiques) s’applique sur l’intégralité du système, puis le processus se répète continuellement.
En ce qui concerne le rendu visuel du jeu, il est en « mode rayons X », rappelant les graphismes des années 1980. Pour l’heure, seul le premier niveau est jouable. Mortimer a également déclaré avoir passé environ un an à développer ce projet, et que le jeu ne présente pas toutes les fonctionnalités du Doom original. Il a notamment mentionné de nombreuses différences, comme l’absence de musique, d’effets sonores et de couleur, car selon lui « cela rendrait le rendu beaucoup plus difficile et les rayons X seraient plus étranges ».
Mortimer a également évoqué des « modifications mineures concernant l’armure, la santé et les dégâts pour les rendre plus réversibles ». Les ennemis ne peuvent pas non plus se déplacer entre les pièces, et l’attaque emblématique de boule de feu de l’Imp a été modifiée. Bien que le chercheur ait parfois ressenti de l’ennui en développant ce projet d’envergure, il entrevoit la possibilité d’étendre le jeu. La prochaine étape consistera probablement à réinsérer toutes les parties manquantes de la version originale dans la version quantique.