Même si beaucoup de paramètres restent encore à déterminer concernant les trous noirs, et que certaines caractéristiques ne pourront pas être élucidées sans théorie de la gravité quantique, cela n’empêche pas les astrophysiciens de développer des modèles théoriques plaçant des contraintes maximales sur certains de ces paramètres. C’est notamment le cas du taux de croissance et de la masse maximale que peut posséder un trou noir en fonction de son âge. Et la découverte de J215728.21-360215.1, un quasar abritant un trou noir de 34 milliards de masses solaires apparu seulement 1.2 milliard d’années après le Big Bang, remet en question ces modèles théoriques.
Les mesures de la masse du trou noir avec la croissance la plus rapide connue à ce jour confirment un problème majeur concernant les théories de formation des trous noirs dans l’Univers primitif. Même à 34’000’000’000 fois la masse du Soleil, cet objet n’est pas le trou noir le plus massif mesuré, mais une telle masse devrait être impossible à son âge. L’étude a été publiée dans la revue PNAS.
Les trous noirs se développent en absorbant la matière autour d’eux, mais leur masse fixe un plafond sur la quantité qu’ils peuvent absorber, car leur gravité doit surmonter la pression extérieure produite par la lumière émise lorsqu’ils avalent de nouveaux matériaux. Cela limite la taille d’un trou noir dans un certain laps de temps après le Big Bang.
Des paramètres contredisant les modèles théoriques actuels
Les astrophysiciens ont détecté des quasars qui auraient enfreint ces règles. Les quasars sont alimentés par leur trou noir central. Plus celui-ci est actif, plus ils deviennent lumineux, mais la luminosité de certains quasars nécessite un trou noir inexplicablement massif. La plupart des quasars anormaux connus ont des trous noirs légèrement au-delà de la limite théorique, laissant ouverte la possibilité d’une erreur de mesure. Puis les astrophysiciens ont détecté J215728.21-360215.1.
Étant le quasar le plus brillant jamais observé, le trou noir de J215728.21-360215.1 doit consommer la masse du Soleil chaque jour pour maintenir sa luminosité. Pour devenir aussi grand, J215728.21-360215.1 devait soit croître beaucoup plus rapidement qu’un trou noir devrait théoriquement être capable de le faire, soit avoir commencé sa vie beaucoup plus grand que ne le permettent les modèles actuels de formation de trous noirs. Une de ces deux théories majeures sur les trous noirs est donc nécessairement erronée.
Sur le même sujet : Découverte du quasar le plus massif jamais observé dans l’Univers jeune
Une croissance trop rapide pour son âge
Avec 34 milliards de masses solaires, J215728.21-360215.1 se nourrit à 40 pour cent du taux théorique maximum pour sa masse. Christopher Onken de l’Australian National University explique : « la masse du trou noir est également environ 8000 fois plus grande que le trou noir au centre de la Voie lactée. Si le trou noir de la Voie lactée voulait atteindre cette masse, il devrait avaler les deux tiers de toutes les étoiles de notre galaxie ».
Onken indique que son équipe a mesuré la masse en observant la vitesse à laquelle le trou noir absorbe le magnésium ionisé, qui produit une raie spectrale distincte. Cette vitesse est déterminée par la gravité de J215728.21-360215.1, qui à son tour dépend de sa masse. Même l’estimation initiale minimale pour la masse de J215728.21-360215.1 était le double de tout trou noir connu d’âge similaire. Depuis lors, « il y a eu quelques découvertes qui comblent le vide, mais aucune ne l’a dépassé », ajoute Onken.