Selon la relativité générale, passé l’horizon des événements d’un trou noir, toute particule absorbée est définitivement piégée, y compris son information. Toutefois, en mécanique quantique, la perte d’information est interdite. Ce problème porte le nom de paradoxe de l’information. Grâce à une expérience reproduisant le comportement quantique d’un trou noir, des physiciens ont démontré un moyen de démêler et extraire l’information contenue dans celui-ci via l’utilisation de qubits.
« En physique quantique, les informations ne peuvent pas être perdues » déclare Kevin Landsman, physicien à l’Université du Maryland. « Au lieu de cela, les informations peuvent être cachées ou brouillées parmi les particules subatomiques, inextricablement liées ».
Landsman et ses collègues ont montré qu’ils pouvaient mesurer quand et avec quelle rapidité les informations étaient brouillées dans un modèle simplifié de trou noir. Les résultats, publiés dans la revue Nature, pourraient également aider au développement des ordinateurs quantiques.
Dans les années 1970, le célèbre physicien théoricien Stephen Hawking a prouvé que les trous noirs pouvaient s’évaporer au cours de leur vie. Selon les lois de la mécanique quantique, des paires de particules apparaissent spontanément en périphérie de l’horizon des événements d’un trou noir. Le champ gravitationnel de ce dernier est suffisamment intense pour séparer la paire de particule-antiparticule virtuelles.
L’une, d’énergie positive, est éjectée vers l’extérieur ; l’autre, d’énergie négative, est absorbée par le trou noir, lui soustrayant une infime fraction de sa masse. Au cours d’échelles de temps extrêmement longues (plusieurs fois l’âge de l’Univers), les trous noirs finissent par s’évaporer complètement au cours d’un processus appelé rayonnement de Hawking.
Selon la relativité générale, tout système physique passant au-delà de l’horizon des événements d’un trou noir ne peut être récupéré. Cela signifie que l’information transportée par ce système est donc définitivement perdue. Or, en mécanique quantique, il existe un principe de conservation de l’information qui ne peut être violé. Ce problème de conciliation entre les deux théories se nomme le paradoxe de l’information.
Dans leur nouvelle expérience, Landsman et ses collègues ont montré comment remédier à ce problème en utilisant la particule éjectée dans une paire de radiations de Hawking. Parce qu’elle est intriquée avec sa partenaire absorbée, c’est-à-dire que son état est inextricablement lié à celui de sa partenaire, la mesure des propriétés de l’un peut fournir des détails importants sur l’autre.
« On peut récupérer les informations tombées dans le trou noir en effectuant un calcul quantique massif sur ces sortantes » explique Norman Yao, physicien à l’Université de Californie.
Sur le même sujet : Les trous noirs sont-ils entourés par un « mur de feu » ?
L’information des particules à l’intérieur d’un trou noir est quantiquement brouillée. C’est-à-dire que leurs informations ont été mélangées de manière chaotique, ce qui devrait rendre impossible l’extraction. Mais une particule intriquée qui se mêle à ce système pourrait potentiellement transmettre des informations à son partenaire.
Le groupe a créé un ordinateur quantique qui effectuait des calculs en utilisant des bits quantiques intriqués, ou qubits — l’unité de base de l’information utilisée dans le calcul quantique. Ils ont ensuite mis en place un modèle simple utilisant trois noyaux atomiques de l’élément Ytterbium, tous intriqués les uns avec les autres.
En utilisant un autre qubit externe, les physiciens ont été en mesure de prédire quand les informations des particules dans le système à trois particules se sont brouillées, et ont pu mesurer à quel point elles sont devenues « brouillées ». Plus important encore, leurs calculs ont montré que les particules étaient spécifiquement confondues les unes avec les autres plutôt qu’avec d’autres particules de l’environnement, explique Raphael Bousso, physicien théorique à l’Université de Berkeley.