Depuis de nombreuses années, les physiciens tentent d’unifier les deux théories majeures décrivant l’Univers : la relativité générale et la mécanique quantique, au sein d’une théorie de la gravité quantique. Si la théorie des supercordes et la gravitation quantique à boucles sont les principales candidates, d’autres théories moins connues existent également. C’est notamment le cas de la gravité arc-en-ciel qui lie les propriétés de la lumière à la configuration de l’espace-temps.
C’est en 2003 que les physiciens théoriciens Lee Smolin et João Magueijo introduisent pour la première fois l’idée de la gravité arc-en-ciel à travers un article publié dans la revue Classical and Quantum Gravity. Dans cette théorie, les photons expérimentent la courbure de l’espace-temps par des objets massifs différemment selon leur longueur d’onde. Dès lors, la gravité agirait comme un prisme, séparant les rayons lumineux en leurs différentes longueurs d’onde, d’où le terme « arc-en-ciel ».
La théorie de la relativité générale décrit la manière dont les corps massif (ou toute source d’énergie locale) courbe l’espace-temps selon les équations d’Einstein. Les trajectoires formées dans un espace courbe portent le nom de géodésiques. Les photons, qui se déplacent toujours en ligne droite, suivent invariablement ces géodésiques si elles se trouvent sur leur trajectoire. En outre, la relativité générale impose pour tous les photons de suivre ces géodésiques de manière identique, indépendamment de leur énergie (et donc de leur longueur d’onde).
Le postulat principal de la gravité arc-en-ciel contrevient donc à cette règle. Dans cette théorie, les photons suivent les géodésiques de l’espace-temps différemment selon leur longueur d’onde. Ainsi, des photons d’énergie différente suivront des courbures différentes, car l’espace-temps n’est pas affecté de la même manière selon leur niveau d’énergie. En effet, il faut rappeler que l’énergie d’un photon est directement reliée à sa longueur d’onde (λ) via la relation de Planck : E = hν = h(c/λ).
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La couleur de la lumière influencerait ainsi son comportement dans l’espace-temps et la façon dont elle en subit la courbure par la gravité. Comme toute théorie de la gravité quantique, la gravité arc-en-ciel supprime l’existence des singularités gravitationnelles issues de la relativité générale.
En supprimant la singularité primordiale, la théorie postule un univers sans point d’origine. Elle admet un état dense et chaud de l’Univers primordial tel que décrit par le Big Bang, sans jamais lui faire atteindre l’état initial de singularité.
La gravité arc-en-ciel ne manifesterait ses effets que dans des situations extrêmes, impliquant des régions de l’espace-temps soumises à d’intenses champs gravitationnels (tel que l’abord des trous noirs) ou bien des particules ultra-énergétiques comme dans le cas des sursauts gamma.
L’implication d’une localité relative et la présence de fortes contraintes théoriques et expérimentales sur la dépendance de la vitesse de la lumière à l’énergie des photons, font de la gravité arc-en-ciel une théorie encore relativement marginale.