Pour la première fois, des chercheurs ont réussi à ralentir la lumière de plus de 10 000 fois en exploitant un phénomène appelé « transparence induite électromagnétiquement ». Cette avancée pourrait aider les ingénieurs à concevoir de nouveaux systèmes de communication optique et à améliorer certaines technologies de microprocesseurs.
La vitesse de la lumière a longtemps été considérée comme une constante universelle dans le vide. Néanmoins, il est possible de ralentir délibérément la lumière dans différents environnements, par différentes méthodes, notamment en exploitant le phénomène de transparence induite électromagnétiquement (TIE). Une équipe de l’Université Harvard est ainsi parvenue à notablement réduire la vitesse de la lumière à 17 m/s (au lieu de 299 792 458 m/s !) dans un gaz atomique ultrafroid. Cette réalisation a stimulé l’intérêt pour l’application des principes de la TIE aux métasurfaces, considérées comme potentiellement révolutionnaires dans les domaines de l’optique et de la photonique.
Récemment, des chercheurs de l’Université de Guangxi, de l’Académie chinoise des sciences et du Shenzhen Institute of Advanced Technology ont fait une percée significative dans la manipulation de cette vitesse. Leur étude, publiée dans la revue Nano Letters, démontre comment, à travers l’utilisation de ces métasurfaces, il est désormais possible de ralentir la lumière de plus de 10 000 fois tout en limitant considérablement les pertes. Cette avancée repose sur une approche innovante de la transparence induite électromagnétiquement. Elle suggère des améliorations significatives pour les puces photoniques, essentielles dans les domaines de la détection lumineuse, des télécommunications et du calcul informatique.
Développement de la technologie
La TIE est une méthode sophistiquée qui permet de modifier la manière dont la lumière interagit avec la matière. En ajustant spécifiquement les états électroniques des atomes au sein d’un gaz confiné dans un espace vide, elle rend possible le passage de la lumière à travers des substances qui, dans des conditions normales, la bloqueraient (en raison de l’opacité). Ce réglage fin des propriétés optiques du gaz induit une transparence artificielle, permettant ainsi à la lumière (un faisceau laser par exemple) de le traverser.
Cependant, au cours de ce processus, la vitesse de la lumière est grandement diminuée. Cette réduction de vitesse est le résultat direct de l’interaction contrôlée entre la lumière et les atomes du gaz, illustrant une manipulation précise de cette dernière, ouvrant des perspectives fascinantes pour la recherche et les applications technologiques.
Néanmoins, l’application de la TIE soulève des défis, notamment en matière de perte de lumière et d’énergie — qui limitent son efficacité pratique. Pour pallier ces limitations, les chercheurs ont innové en développant des métasurfaces composées de fines couches de silicium, un choix déjà central dans la fabrication des microprocesseurs.
L’innovation de cette méthode repose sur l’agencement des éléments fondamentaux de la métasurface, désignés sous le nom de méta-atomes. Ces derniers sont disposés de façon à être quasiment en contact, au point de se fondre les uns dans les autres. Cette proximité modifie de manière significative le traitement de la lumière lorsqu’elle traverse la métasurface, influençant ainsi son interaction avec le matériau. Ces structures, par leur agencement particulier, minimisent les pertes énergétiques tout en ralentissant la lumière à des niveaux sans précédent, soit d’un facteur 10 000.
Applications potentielles
L’utilisation de métasurfaces pour le contrôle précis du flux lumineux ouvre des horizons prometteurs dans plusieurs domaines technologiques de pointe. En particulier, l’internet à large bande et l’informatique quantique, qui reposent sur la transmission rapide et fiable de grandes quantités d’informations, devraient bénéficier directement de cette nouvelle capacité à manipuler la lumière avec une précision sans précédent. La gestion optimisée du flux lumineux permet de réduire les interférences et d’augmenter la densité de l’information transmise, améliorant ainsi la vitesse et la fiabilité des réseaux de communication globaux.
Par ailleurs, l’efficacité accrue et la réduction des pertes lumineuses grâce à ces nouvelles méthodes auront un impact direct sur le développement et la performance des puces photoniques. Ces composants, essentiels dans les systèmes de détection de la lumière, les communications optiques et le calcul photonique, gagneraient ainsi en efficacité énergétique et en capacité de traitement. En réduisant la quantité d’énergie perdue sous forme de chaleur, on améliore la durabilité et la performance des dispositifs tout en ouvrant la voie à des applications plus compactes et moins coûteuses.