Tous les deux ans, le bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophe (UNDRR) établit un rapport pour dresser un état des lieux et guider l’humanité vers un avenir plus serein et plus sûr. Sans surprise, les conclusions du nouveau rapport qui vient d’être publié sont terrifiantes : le nombre de catastrophes, souvent liées au changement climatique, ne fera qu’augmenter au fil des années, jusqu’à atteindre une fréquence de 1,5 événement majeur chaque jour d’ici 2030. Une tendance portée par une forme de déni de la part des dirigeants dans le monde entier.
Il est désormais clair que les activités humaines conduisent à un nombre croissant de catastrophes dans le monde : le dernier rapport d’évaluation, intitulé « Our World at Risk : Transforming Governance for a Resilient Future », révèle qu’entre 350 et 500 catastrophes de moyenne et grande ampleur ont eu lieu chaque année au cours des deux dernières décennies. Et selon les prévisions, nous atteindrons les 560 catastrophes par an d’ici 2030, soit 1,5 catastrophe par jour. Non seulement ce sont des vies humaines qui sont en jeu, mais également l’ensemble des acquis sociaux et économiques accumulés jusqu’à présent.
Comment en sommes-nous arrivés à ce point ? Principalement par une très mauvaise perception des risques, couplée à un optimisme sans faille, concluent les experts. Cette attitude a malheureusement entraîné des décisions politiques et de développement qui ne font que mener l’humanité à sa perte. « Le monde doit faire davantage pour intégrer le risque de catastrophe dans notre façon de vivre, de construire et d’investir, ce qui engage l’humanité dans une spirale d’autodestruction », a déclaré dans un communiqué Amina J. Mohammed, secrétaire générale adjointe des Nations unies, qui a présenté le rapport au siège de l’ONU à New York.
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Des catastrophes qui creusent les inégalités
L’humanité est-elle à ce point impuissante face aux catastrophes à venir ? Pas complètement : le rapport souligne en effet que la mise en œuvre de stratégies visant à réduire les risques de catastrophe, comme indiqué dans le Cadre de Sendai, avait permis de réduire le nombre de personnes touchées et tuées par des catastrophes au cours de la dernière décennie. Mais ces effets ont été de courte durée : ils n’ont pas pu empêcher l’augmentation de l’étendue et de l’intensité des catastrophes, qui ont fait beaucoup plus de victimes au cours des cinq dernières années que lors du précédent quinquennat.
Aujourd’hui, la création de risques dépasse les efforts de réduction. « Alors que l’examen à mi-parcours du Cadre de Sendai est en cours, ce rapport devrait être un signal d’alarme indiquant aux pays qu’ils doivent accélérer leur action », note Mami Mizutori, représentante spéciale du Secrétaire général pour la réduction des risques de catastrophe et chef de l’UNDRR.
Les pertes économiques directes annuelles moyennes dues aux catastrophes ont plus que doublé au cours des trois dernières décennies, passant d’environ 70 milliards de dollars dans les années 1990 à un peu plus de 170 milliards de dollars dans les années 2010. À noter que l’impact économique n’est pas le même selon les régions touchées : face à ces événements dramatiques, les pays en développement perdent en moyenne 1% de leur PIB par an, tandis que la perte est comprise entre 0,1 et 0,3% du PIB pour les pays développés. La région Asie-Pacifique — fréquemment touchée par les typhons/cyclones, les inondations et les tsunamis — supporte le coût le plus élevé, avec une perte annuelle équivalente à 1,6% du PIB, précise le document.
Partout, ce sont les personnes les plus pauvres qui souffrent le plus de la situation, notamment parce qu’elles ne sont généralement pas couvertes par les assurances. « Depuis 1980, seuls 40% des pertes liées aux catastrophes sont assurées » soulignent les experts. Dans les pays en développement, les niveaux de couverture des assurances sont bien inférieurs à 10%, voire nuls. La multiplication des catastrophes contribue ainsi à exacerber la pauvreté et les inégalités.
Transformer les systèmes et renforcer la résilience
La plupart des catastrophes prendront la forme d’événements météorologiques extrêmes (pluie et inondations, sécheresse et incendies, ouragans, etc.) inhérents au changement climatique. En ce qui concerne les sécheresses, les tendances actuelles indiquent une augmentation probable de plus de 30% entre 2000 et 2030 (d’une moyenne de 16 épisodes de sécheresse par an au cours de la période 2001-2010, à 21 par an en 2030). Quant au nombre d’événements de température extrême par an, il devrait presque tripler entre 2001 et 2030.
Mais la pandémie mondiale a mis un autre risque majeur sur le devant de la scène. « Les choix humains et les tendances démographiques augmentent la probabilité que des dangers comme la COVID-19 se propagent des animaux à l’homme et impactent rapidement tous les continents », écrivent les auteurs du rapport. Les systèmes mondiaux sont de plus en plus connectés et donc plus vulnérables à ce type de menace, tant face au danger lui-même qu’aux conséquences économiques et sociales qu’il entraîne.
Comment les systèmes de gouvernance peuvent-ils évoluer pour mieux faire face aux risques systémiques du futur ? Les auteurs du rapport appellent à accélérer les efforts d’adaptation lancés lors de la COP26 : il est aujourd’hui crucial que les décisions soient prises en faveur du climat. « Il s’agit notamment de réformer la planification budgétaire nationale pour tenir compte du risque et de l’incertitude, tout en reconfigurant les systèmes juridiques et financiers pour inciter à la réduction des risques », précise le communiqué.
« La meilleure défense contre les chocs futurs consiste à transformer les systèmes dès maintenant, à renforcer la résilience en luttant contre le changement climatique et à réduire la vulnérabilité, l’exposition et les inégalités qui sont à l’origine des catastrophes », concluent les experts dans leur rapport. Le point « positif » de la situation est que nous sommes les seuls responsables de l’augmentation des catastrophes, le salut se trouve par conséquent entre nos mains et ne dépend que de notre volonté. « Les catastrophes peuvent être évitées, mais seulement si les pays investissent le temps et les ressources nécessaires », a déclaré Mizutori.