La fusion nucléaire contrôlée est l’une des voies les plus prometteuses pour produire l’énergie de demain. De nombreux laboratoires et entreprises se sont lancées dans la course à la fusion nucléaire au cours de ces dernières années, avec des résultats variables, certains plus concrets que d’autres. C’est le cas du stellarator allemand Wendelstein 7-X, qui vient d’atteindre un nouveau record mondial concernant la température, la densité et la durée de confinement du plasma.
Le réacteur expérimental à fusion nucléaire Wendelstein 7-X a été mis en place en 2015 à l’Institut Max Planck de physique des plasmas, en Allemagne. C’est un réacteur de type stellarator, c’est-à-dire que le plasma (gaz ionisé à très haute température) produit est confiné par un champ magnétique hélicoïdal généré par trois bobines alimentées, situées autour du tore (bobines poloïdales).
L’autre grand type de réacteur étant le tokamak (le tokamak Alcator C-MOD du MIT est un exemple), dont le confinement est opéré par un champ magnétique toroïdal.
Le 10 décembre 2015, les premiers tests du réacteur sont effectués et celui atteint une température du plasma d’hélium d’un million de degrés Celsius pendant un dixième de seconde. Bien que cette durée puisse paraître très faible, Wendelstein 7-X n’a pas vocation à produire de l’énergie, mais a évaluer la meilleure manière de confiner le plasma combinant stabilité et efficacité ; ses résultats serviront ensuite à l’élaboration d’un réacteur nucléaire de production d’énergie. Par la suite, en 2016 et 2017, le stellarator allemand a atteint de nouveaux records.
Lors de ses tests les plus récents, le dispositif a, encore une fois, atteint un nouveau record mondial concernant le produit de fusion. Ce produit combine la température du plasma (ions hélium), la densité du plasma et la durée de confinement. Le réacteur a en effet atteint une température de 40 millions de degrés et une densité de 0.8 x 1020 particules par m3, soit un produit de fusion de 6 x 1026 degrés x secondes par m3. Tout ceci sur une durée de confinement comprise entre 2 et 2.5 secondes. Ces résultats ont été publiés dans la revue Nature Physics.
Contrairement au stellerator, le tokamak utilise le champ électromagnétique toroïdal créé par le plasma, alimenté par un courant très important. Lorsque l’injection est faite, l’énergie générée est extrêmement élevée. Cependant, un tel processus présente des instabilités du plasma qui nécessitent une alimentation cyclique. À l’opposé, grâce à ses bobines poloïdales, le stellarator bénéficie d’une plus grande stabilité et d’un meilleur contrôle du plasma, permettant une alimentation continue.
Bien qu’il ne puisse égaler la puissance d’un tokamak, Wendelstein 7-X se montre très prometteur au regard de ses derniers résultats. En outre, la durée de l’impulsion plasmatique a été considérablement améliorée, passant de 6 secondes à environ 25 secondes. La durée ne se compte certes pas encore en heures pour le moment, mais de telles avancées restent cruciales. « Ce sont d’excellents résultats pour un dispositif de cette taille, obtenus par ailleurs, dans des conditions expérimentales réalistes » explique Thomas Sunn Pedersen , physicien à l’Institut Max Planck.
Ces résultats ont été notamment obtenus grâce à un nouveau revêtement intérieur en graphite, minimisant les collisions des particules pouvant perturber le flux de plasma. Dans quelques mois, le revêtement sera à nouveau modifié pour faire place à du carbone renforcé, refroidit par water-cooling (à l’eau) pour atteindre des températures et des densités plasmatiques plus élevées.
L’évaluation des données acquises en 2016 a révélé que les méthodes d’optimisation utilisées avaient porté leurs fruits. « Une évaluation plus précise et systématique sera effectuée lors des prochaines expériences à des puissances et des pressions du plasma plus importantes » indique Andreas Dinklage, physicien et auteur principal de l’étude.
Un long travail attend encore les chercheurs, tant sur la température que la durée du confinement. En effet, pour parvenir à faire fusionner des atomes, une température d’au moins 100 millions de degrés est requise, et doit être contenue de manière stable pour enclencher les réactions adéquates.
En outre, la question du tritium (un isotope de l’hydrogène envisagé pour la fusion) et de sa disponibilité en quantités suffisantes se pose également. Toutefois, de tels résultats nous permettent d’ores et déjà d’agrandir le pont qui nous rapproche de la fusion nucléaire.