Dans une avancée scientifique majeure, des chercheurs américains ont réussi à créer la première image moléculaire en 3D illustrant comment une molécule odorante active un récepteur olfactif humain. Cette percée modifie notre compréhension du sens de l’odorat, un domaine qui a longtemps résisté aux tentatives de décodage. Elle ouvre également la voie à la création de nouvelles odeurs dans des domaines tels que la parfumerie et l’industrie alimentaire, et pourrait avoir des implications médicales.
Dans le groupe des 5 sens humains, l’odorat a longtemps défié la compréhension scientifique. Contrairement à la vue ou à l’ouïe, dont les mécanismes sont largement compris, le sens de l’odorat a résisté à de nombreuses tentatives de décodage. Comment notre nez est-il capable de distinguer une myriade d’odeurs, de la senteur délicate d’une rose à l’arôme puissant d’un fromage bleu ? Quels sont les mécanismes moléculaires qui se cachent derrière cette capacité étonnante ?
Récemment, des chercheurs de l’Université de Californie à San Francisco (UCSF) ont entrepris une étude visant à révéler les mécanismes de l’olfaction. Ils ont créé la première image moléculaire en 3D illustrant comment une molécule odorante active un récepteur olfactif humain. Ce tour de force scientifique ouvre la voie à une meilleure compréhension de notre sens de l’odorat. Les travaux sont publiés dans la revue Nature.
Le défi de la modélisation des récepteurs olfactifs
L’un des principaux défis dans l’étude de l’olfaction est la production des récepteurs olfactifs en laboratoire. Ces derniers sont des protéines se liant aux molécules odorantes à la surface des cellules olfactives. Ils constituent la moitié de la plus grande et la plus diverse famille de récepteurs dans notre corps.
Une meilleure compréhension de ces récepteurs pourrait ouvrir de nouvelles perspectives sur divers processus biologiques, malgré le fait qu’ils soient difficiles à produire pour des études scientifiques. Cependant, l’équipe de l’UCSF a réussi à surmonter plusieurs obstacles techniques qui ont longtemps entravé le domaine.
Elle a choisi de se concentrer sur un récepteur appelé OR51E2, connu pour répondre au propionate, une molécule qui contribue à l’odeur particulière de certains fromages. Ce choix n’a pas été fait au hasard comme l’expliquent les auteurs dans un communiqué. En effet, le récepteur OR51E2 présente une double particularité qui a attiré l’attention des chercheurs : il est non seulement abondant dans le corps humain, mais il est également largement présent dans le nez. Il était donc potentiellement plus facile à fabriquer artificiellement.
Une avancée majeure pour la science de l’odorat
Grâce à une technique d’imagerie appelée cryo-microscopie électronique (cryo-EM), l’équipe de l’UCSF a réussi à visualiser la structure atomique et à étudier les formes moléculaires des protéines. Les chercheurs ont ainsi pu observer comment le récepteur olfactif se lie à une molécule odorante.
Cette image moléculaire a montré que le propionate se fixe fermement à OR51E2 par le biais d’un ajustement très spécifique entre l’odorant et le récepteur. On peut le comparer à une clé s’insérant parfaitement dans une serrure. Cette liaison précise suggère une adaptation évolutive spécifique pour la détection de cette molécule.
Cette découverte est en accord avec l’une des fonctions du système olfactif en tant que sentinelle pour détecter les dangers. Le propionate est une molécule qui contribue à l’odeur de certains fromages suisses, mais elle est également présente dans les aliments avariés. Ainsi, selon les auteurs, la capacité du récepteur OR51E2 à détecter spécifiquement le propionate pourrait être un mécanisme de défense essentiel. Il nous alerterait lorsque nous sommes sur le point de consommer des aliments pouvant être nocifs pour notre santé.
Une activation de récepteurs olfactifs en masse
Un autre aspect particulier de l’olfaction, mis en lumière par cette étude, est la capacité à détecter de minuscules quantités de molécules odorantes qui peuvent apparaître et disparaître rapidement. Cela est rendu possible par l’activation simultanée d’un grand nombre de récepteurs olfactifs. Pour comprendre comment le propionate active le récepteur OR51E2, l’équipe de recherche a collaboré avec le biologiste quantitatif Nagarajan Vaidehi de City of Hope.
Vaidehi a utilisé des méthodes basées sur la physique pour simuler et réaliser des films montrant comment le récepteur OR51E2 est activé par le propionate. Ces simulations ont permis aux chercheurs de visualiser les changements de forme du récepteur au niveau atomique lorsqu’il est activé. Ils ont pu mieux appréhender comment les infimes quantités de molécules odorantes sont détectées et comment elles déclenchent le processus de signalisation cellulaire conduisant à la perception de l’odeur.
Ces travaux ouvrent la possibilité à la création de nouvelles senteurs. Cela pourrait avoir des applications dans des domaines aussi variés que la parfumerie, l’industrie alimentaire ou la médecine. D’ailleurs, l’équipe développe actuellement des techniques plus efficaces pour étudier d’autres paires odorant-récepteur. De plus, ces récepteurs sont principalement connus pour leur rôle dans l’olfaction, mais ils ont également été impliqués dans d’autres processus biologiques comme le cancer de la prostate et la libération de sérotonine dans l’intestin. L’équipe voudrait donc comprendre la biologie non olfactive qui leur est associée.