La recherche scientifique est gangrénée par des milliers d’études falsifiées, qui menacent sa crédibilité

L’année dernière, plus de 10 000 études falsifiées ont été retirées des revues. Un record alarmant !

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Des chercheurs révèlent que l’année dernière, plus de 10 000 études falsifiées ont été retirées des revues scientifiques — un record alarmant. Alimentées par des éditeurs corrompus et de fausses maisons d’édition, ces pratiques frauduleuses gagnent toujours plus de terrain et menacent considérablement la crédibilité de l’ensemble de la recherche scientifique. Dans l’espoir d’endiguer le problème, des efforts de détection majeurs ont été entamés.

La publication d’articles scientifiques falsifiés gagne de l’ampleur à l’échelle internationale. Selon une récente enquête, plus de 1000 rétractations ont eu lieu en 2013, pour passer à 4000 en 2022 puis à plus de 10 000 l’année dernière (2023). Parmi ces études, plus de 8000 ont été publiées dans des revues appartenant à la plateforme Hindawi, une filiale du célèbre éditeur Wiley. En apprenant la nouvelle, les responsables de la maison d’édition ont déclaré que la marque Hindawi serait prochainement supprimée, selon The Observer.

Cependant, ces chiffres pourraient être largement sous-estimés, selon des experts. Ces derniers ont notamment fait état de systèmes profondément corrompus par des réseaux d’organisations fantômes, surnommées « usines à papiers ». Cela constitue une véritable menace pour l’intégrité scientifique, les processus d’approche cumulative étant compromis par des résultats non fiables.

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« La situation est devenue épouvantable », déclare Dorothy Bishop de l’Université d’Oxford. « Le niveau de publication d’articles frauduleux crée de sérieux problèmes pour la science. Dans de nombreux domaines, il devient difficile de construire une approche cumulative d’un sujet, car nous manquons d’une base solide de résultats fiables. Et c’est de pire en pire », ajoute-t-elle.

Une pratique aggravée par l’IA

La production d’articles scientifiques falsifiés a débuté en Chine, lorsque de jeunes médecins et chercheurs souhaitaient coûte que coûte dynamiser leur carrière. Ces publications sont soumises aux revues universitaires par les « usines à papier » précédemment mentionnées, qui vont jusqu’à soudoyer les éditeurs pour les valider. Ces « usines » possèdent également des éditeurs indépendants capables de produire de grandes quantités d’ouvrages falsifiés, destinés à être vendus aux chercheurs afin que ces derniers puissent étoffer leur CV. Sans compter que dans de nombreux pays, les chercheurs sont payés selon le nombre de publications scientifiques qu’ils produisent.

Le système d’évaluation par des pairs serait lui-même corrompu dans ces réseaux. « Les éditeurs ne remplissent pas correctement leur rôle et les pairs évaluateurs ne font pas leur travail. Et certains reçoivent de grosses sommes d’argent », explique Alison Avenell de l’Université d’Aberdeen. Après la Chine, la pratique s’est rapidement propagée à l’Inde, à l’Iran, à la Russie, aux pays de l’ex-Union soviétique et à l’Europe de l’Est.

On estime qu’au total, des centaines de milliers de publications d’usines à papier gangrènent la littérature scientifique. Bien que des efforts de détection sont déployés, près de 2 % des articles publiés en 2022 seraient frauduleux. Ces publications sont en effet particulièrement difficiles à détecter en raison de leur forte ressemblance avec celles respectant les normes, ainsi que la pratique profondément enracinée. Selon Adam Day, fondateur de Clear Skies (à Londres), qui a développé un outil de détection de fausses études appelé The Papermill Alarm, « l’usine à papier n’est pas une opération, ce n’est pas une organisation : c’est une culture ».

Le seul moyen de les identifier consiste à ratisser les petites incohérences cachées, par le biais d’examens attentifs. Parmi les incohérences figure par exemple l’insertion hasardeuse de données génétiques qui ne correspondent pas à la maladie étudiée. D’autres fausses publications se distinguent par des phrases vides de sens ou encore, n’ont aucun rapport avec le domaine de recherche de la revue dans laquelle elles paraissent.

Par ailleurs, l’avènement de puissants outils d’IA générative pourrait exacerber le problème. Une récente étude a révélé que GPT-4 peut facilement générer de fausses données pour étayer des hypothèses scientifiques. Les informations générées semblent d’ailleurs si crédibles qu’il est ainsi possible de contourner les technologies de détection actuelles. En vue de l’utilisation croissante de ces outils, la montée en flèche au cours de l’année dernière des statistiques de fausses publications n’est probablement pas une coïncidence — sans compter que la course à l’IA fait désormais rage entre les géants de la tech.

Ces pratiques menacent non seulement l’intégrité de la recherche scientifique, mais peuvent également mettre en danger la vie millions de personnes. L’exemple le plus flagrant est le préjudice causé par des publications factices suggérant que l’ivermectine (un antiparasitaire) pouvait être utilisé pour traiter la COVID-19. Cela a servi d’argument de promotion aux anti-vaccins.

Des efforts pour détecter les usines à papier

Afin d’endiguer le phénomène, un effort international s’attaquant directement aux usines à papier est actuellement mis en place par un groupe de bailleurs de fonds, d’éditeurs universitaires et d’organismes de recherche. Le groupe de travail, baptisé United2Act, suivra un plan stratégique en 5 actes : améliorer l’éducation et la sensibilisation au problème, mener des recherches détaillées sur les usines à papier, améliorer les corrections post-publication, soutenir le développement d’outils permettant de vérifier l’identité des auteurs, des éditeurs et des réviseurs et veiller à ce que les groupes de l’édition qui s’attaquent au problème communiquent.

Parmi les signataires du projet figurent le prestigieux bailleur de fonds du Conseil européen de la recherche, la société de services d’édition Clarivate et de grands éditeurs dont Elsevier, Wiley et Springer Nature (Nature est éditorialement indépendant de Springer Nature.). Un porte-parole de Wiley a d’ailleurs déclaré avoir récemment identifié et supprimé les comptes de centaines de fraudeurs présents dans son portefeuille de revues.

Chacun des angles d’action sera assigné à un groupe de travail incluant à la fois des éditeurs, des chercheurs et des détectives. Bien que les résultats ne puissent pas être produits rapidement, la collaboration entre experts de différents domaines confère un avantage certain pour éradiquer les usines à papier des systèmes de publication scientifique.

Source : Nature (1, 2)

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