Des scientifiques chinois ont réussi à obtenir deux mémoires quantiques enchevêtrées sur 50 kilomètres de câbles à fibres optiques, soit près de 40 fois le record précédent ! Cet exploit rend l’idée d’un Internet quantique ultrarapide et ultrasécurié beaucoup plus plausible.
Il faut savoir que la communication quantique repose sur l’intrication quantique : où deux particules deviennent inextricablement liées et dépendent l’une de l’autre, même si elles ne sont pas au même endroit. En effet, en mécanique quantique, l’enchevêtrement quantique (ou intrication quantique) est un phénomène dans lequel deux particules (ou groupes de particules) forment un système lié et présentent des états quantiques dépendants l’un de l’autre quelle que soit la distance qui les sépare.
En d’autres termes, la mémoire quantique est l’équivalent quantique de la mémoire informatique classique : soit la capacité de stocker des informations pour les utiliser plus tard, et si nous souhaitons un jour développer et utiliser des ordinateurs quantiques pratiques et utiles, nous devons absolument comprendre comment mettre à profit cette mémoire.
« L’utilité principale de cet article réside dans l’extension de la distance d’enchevêtrement dans la fibre [optique] entre les mémoires quantiques à l’échelle de la ville », a déclaré Jian-Wei Pan, de l’University of Science and Technology of China, chef de l’équipe de recherche. L’étude a été publiée dans la revue Nature.
Enchevêtrement quantique sur une longue distance
En ce qui concerne l’intrication des particules de photons (lumière), à l’heure actuelle, les scientifiques savent comment la gérer dans un espace vide ainsi qu’à de grandes distances. Cependant, ajouter de la mémoire quantique à cette équation rend le processus beaucoup plus compliqué. De ce fait, les chercheurs suggèrent qu’un autre type d’approche pourrait être préférable pour cela : l’enchevêtrement entre les atomes et les photons sur des nœuds successifs (où les atomes sont les nœuds et les photons transmettent les messages).
En d’autres termes, il s’agit d’intrication de photons avec une torsion, où de la matière atomique est ajoutée au mélange pour obtenir un gain d’efficacité, de fiabilité et de stabilité. Selon les scientifiques, avec un bon réseau de nœuds de ce type, nous pourrions créer une meilleure technologie de base pour un futur Internet quantique qu’avec une intrication quantique utilisant uniquement des photons.
Lors de l’expérience, l’équipe a utilisé deux unités de stockage pour la mémoire quantique, qui concrètement, étaient des atomes de rubidium refroidis à un état de basse énergie. Associés à des photons intriqués, ils font ensuite chacun partie d’un système intriqué. Malheureusement, plus les photons doivent parcourir de distance en se déplaçant entre les atomes, plus il y a de risques le système soit perturbé. C’est pourquoi ce nouveau record est si impressionnant.
Selon les chercheurs, la clé de cette amélioration et de cette distance record réside en une technique appelée « amélioration de la cavité », qui permet de réduire la perte de couplage des photons pendant l’enchevêtrement. La méthode consiste à placer les atomes de la mémoire quantique dans des anneaux spéciaux, ce qui réduit le bruit aléatoire qui pourrait interférer et détruire la mémoire. La cavité a l’avantage supplémentaire d’améliorer la récupération des informations quantiques.
Ainsi, les atomes couplés et les photons produits par l’amélioration de la cavité constituent le nœud. Puis, les photons sont amenés à une fréquence adaptée à la transmission, à travers les réseaux de télécommunication (dans ce cas précis, un réseau de la taille d’une ville).
Il faut savoir que l’équipe scientifique de Pan a déjà établi un record d’intrication quantique, transmettant des photons enchevêtrés entre un satellite et la Terre sur une distance de 1200 kilomètres, en 2017. Ce système satellite fonctionne bien dans l’espace, mais dans l’atmosphère terrestre, avec toutes les interférences présentes, il est moins efficace et en résulte une perte de signal.
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Lors de cette expérience, les nœuds des atomes étaient dans le même laboratoire, mais les photons devaient encore voyager à travers des câbles s’étendant sur plus de 50 kilomètres. Il est difficile de séparer davantage les atomes, mais la preuve de concept est là : « Malgré d’énormes progrès, à l’heure actuelle, la séparation physique maximale atteinte entre deux nœuds est de 1.3 kilomètre, et des défis pour de plus longues distances demeurent », expliquent les chercheurs.
« Notre expérience pourrait être étendue à des nœuds physiquement séparés par des distances similaires, qui formeraient ainsi un segment fonctionnel du réseau quantique atomique, ouvrant la voie à l’établissement d’un enchevêtrement atomique sur de nombreux nœuds et sur des distances beaucoup plus longues », ajoutent-ils.
Vers un Internet quantique ?
C’est là que les choses deviennent vraiment intéressantes : tandis que les mémoires quantiques pourraient être l’équivalent de la mémoire informatique en physique classique, la version quantique devrait être en mesure de faire beaucoup plus, comme par exemple traiter davantage d’informations en moins de temps, ou encore résoudre des problèmes qui vont bien au-delà de ceux traités par nos ordinateurs actuels.
En ce qui concerne la communication des données, la technologie quantique promet d’améliorer les vitesses de transmission et de sécuriser les transferts de données grâce aux lois de la physique quantique, à condition que nous puissions les faire fonctionner de manière fiable sur de longues distances.
Selon les chercheurs, un Internet quantique qui connecterait des processeurs quantiques distants devrait permettre un certain nombre d’applications révolutionnaires, telles que l’informatique quantique globalisée. « Sa réalisation reposera sur l’enchevêtrement de mémoires quantiques sur de longues distances », ont conclu les chercheurs.