La fusion nucléaire serait un moyen de largement subvenir aux besoins mondiaux croissants et surtout aux exigences en matière de sécurité et de durabilité de la production énergétique. Cependant, le chemin vers la mise au point de cette source énergétique est parsemé de difficultés techniques, que des chercheurs du monde entier s’efforcent de résoudre. En Corée du Sud, les travaux progressent à grands pas : le réacteur expérimental Korea Superconducting Tokamak Advanced Research (KSTAR) a récemment battu un nouveau record de durée de réaction, maintenant le plasma à une température de 100 millions de degrés Celsius pendant 48 secondes.
Le tokamak KSTAR est un réacteur à fusion de recherche basé en Corée du Sud et lancé vers les années 1990. L’infrastructure vise à permettre aux scientifiques de tester les technologies clés de la fusion, cette réaction naturelle au cœur des étoiles générant une quantité colossale d’énergie. Le premier plasma produit par le réacteur remonte à 2008.
Le plasma est un état de la matière composée d’ions et d’électrons dans lequel la fusion est possible. Pour ce faire, le plasma doit être chauffé à des températures extrêmes (plusieurs millions de degrés Celsius), pour que les noyaux atomiques puissent surmonter leur répulsion électrostatique, fusionner et ainsi libérer la tant attendue énergie. Le plasma est cependant de nature turbulente et instable à de telles températures. Le maintenir stable et confiné suffisamment longtemps pour permettre la fusion reste une tâche extrêmement difficile, constituant l’un des plus grands défis des réacteurs à fusion nucléaire.
Un nouveau record mondial
Sur le court terme (d’ici 2026), les chercheurs souhaitent réussir à maintenir la température du plasma à 100 millions °C pendant 300 secondes. Travaillant sans relâche, l’équipe est parvenue à franchir la barre des 100 millions °C en 2018.
En 2020, elle est parvenue à atteindre une durée de 20 secondes sous cette même température. Le KSTAR a ainsi battu un record en 2021 en maintenant le plasma à plus de 100 millions de degrés pendant 30 secondes. Début 2024, une nouvelle étape a été franchie vers l’atteinte de l’objectif ultime. Cette fois-ci, la réaction a été maintenue pendant 48 secondes, établissant un nouveau record. Selon un communiqué du Korea Institute of Fusion Energy, cet exploit a été réalisé lors de la dernière campagne de fonctionnement du réacteur, qui s’est déroulée de décembre 2023 à février 2024.
Outre ce nouveau record, les scientifiques ont également maintenu le mode H (ou High-confinement mode) pendant 102 secondes. Cela se manifeste par un confinement particulièrement plus efficace de l’énergie et du plasma par rapport aux modes de fonctionnement standard, permettant donc au plasma de rester plus chaud pendant plus longtemps.
Un divertor en tungstène
Pour réaliser cet exploit, les physiciens ont apporté quelques modifications au niveau des composants du réacteur. Ils ont notamment remplacé le divertor en carbone par un nouveau modèle en tungstène. Composant essentiel du réacteur, le divertor est situé généralement au bas de la chambre de confinement du tokamak. Il sert à contrôler et extraire les produits de la réaction de fusion, notamment des particules chaudes appelées « cendres ». Si celles-ci ne sont pas retirées, elles risquent de diminuer la température du plasma ou interférer avec la réaction de fusion continue. Le divertor aide ainsi à maintenir la pureté du plasma (préservant de ce fait une réaction de fusion stable et efficace) tout en protégeant les parois de la chambre de confinement des dommages causés par les particules brûlantes.