Record d’intrication quantique pour deux atomes séparés par 33 km de fibre optique

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Vue d’artiste d'une intrication quantique. | Kenn Brown et Chris Wren, Mondolithic Studios
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La réalité d’un réseau internet dans lequel la transmission de données est complètement à l’abri des pirates se rapproche, grâce à l’intrication quantique. Cela se produit lorsque deux particules, malgré la distance qui les sépare, se comportent comme un tout : une modification de l’une d’elles affecte l’autre. Ainsi, si l’on mesure les « propriétés d’état » d’une particule, l’on connait automatiquement celles de l’autre, peu importe la distance qui les sépare. Une condition préalable idéale pour transmettre des informations rapidement et en toute sécurité sur de longues distances. Récemment, des chercheurs allemands ont démontré l’intrication quantique de deux atomes séparés par 33 km de fibre optique, avec une perte de données réduite. Il s’agit d’une distance record pour ce type de communication, qui marque une avancée vers un Internet quantique rapide et sécurisé.

Selon la physique quantique, deux particules sont intriquées lorsqu’elles ont une histoire commune (concernant un même atome le plus souvent). L’intrication quantique implique que, quelle que soit la distance qui les sépare, elles continuent de se comporter en relation l’une à l’autre, de manière identique.

C’est ce sur quoi se base l’informatique quantique. Elle pourrait nous permettre de créer un tout nouveau système de communication, un Internet quantique, sur lequel l’information serait codée et partagée via des qubits — la version quantique des bits, permettant non seulement de conserver l’état 0 ou 1, mais aussi la superposition de ces deux états. Comme l’Internet actuel, il permettrait à des ordinateurs quantiques du monde entier d’interagir. Des machines capables de travailler ensemble simultanément, pour tenter de résoudre des problèmes dans tous les domaines, mais aussi de communiquer d’une façon ultra-sécurisée (les communications seraient théoriquement inviolables) ; avec une vitesse et des performances nettement supérieures.

Il faut savoir que l’information quantique peut être transportée par fibre optique. Par exemple, des puces au silicium peuvent s’envoyer des paires de photons (des particules de lumière) « intriqués ». Ces paires de photons se succèdent jusqu’à ce que la connexion soit établie et que l’information soit transférée, mais les photons se perdent sur de longues distances. Par conséquent, l’information qu’ils contiennent disparaît également. Les scientifiques tentent donc d’y remédier, notamment avec des nœuds de réseau, à l’image des routeurs dans le réseau Internet classique. L’enjeu est donc de trouver le moyen de répéter l’information sans l’altérer en créant des « répéteurs » basés en partie sur une mémoire quantique.

Ainsi, le partage de l’intrication entre des systèmes quantiques distants est un ingrédient crucial pour la réalisation des futurs réseaux quantiques. Récemment, une équipe dirigée par les physiciens Harald Weinfurter de l’université Louis-et-Maximilien de Munich (LMU) et le professeur Christoph Becher de l’Université de la Sarre, a couplé deux mémoires quantiques atomiques via une connexion à fibre optique de 33 kilomètres, avec un échange de données intact. Leurs travaux sont publiés dans la revue Nature.

Un nouveau record quantique

Les photons sont l’outil de choix pour médier la distribution de l’intrication, généralement, soit par une interaction lumière-matière contrôlée avec des mémoires locales, soit par échange d’intrication à partir de deux paires d’états photon-mémoire intriqués, ce qui est le cas dans la présente étude. Les applications innovantes de ces réseaux incluent l’informatique quantique et la distribution de clés quantiques indépendantes des appareils.

Pour leur expérience, les chercheurs ont utilisé un système de deux atomes de rubidium piégés optiquement dans deux laboratoires du campus du LMU. Les deux sites sont reliés par un câble à fibre optique de 700 mètres de long qui passe sous la Geschwister-Scholl Platz devant le bâtiment principal de l’université. En ajoutant des fibres supplémentaires sur des bobines, des connexions allant jusqu’à 33 kilomètres ont été réalisées.

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Schéma du montage expérimental. © Tim van Leent et al., 2022. (modifié par Laurie Henry pour Trust My Science)

Chaque atome a été excité par une impulsion laser, ce qui les a amenés à émettre un photon intriqué quantique avec l’atome. En d’autres termes, il s’agit d’intrication de photons avec une torsion, où de la matière atomique est ajoutée au mélange pour obtenir un gain d’efficacité, de fiabilité et de stabilité. Les photons sont ensuite envoyés dans les câbles de fibre optique et se rencontrent à une station de réception, au milieu (le relais). Là, les photons subissent une mesure conjointe, qui les enchevêtre — et parce qu’ils sont chacun déjà enchevêtrés avec leur propre atome, les deux atomes s’enchevêtrent également l’un avec l’autre. Ainsi, l’information n’est pas perdue et arrive à l’autre extrémité du câble.

Modifier les photons pour assurer la communication

Le facteur décisif du succès a été que les chercheurs ont converti la longueur d’onde des particules lumineuses émises par ces mémoires quantiques en une longueur d’onde exploitable dans les télécommunications conventionnelles, sans altérer la polarisation des photons.

Weinfurter déclare dans un communiqué : « De cette façon, nous avons pu réduire considérablement la perte de photons et ainsi créer des mémoires quantiques intriquées même sur de longues distances de fibre optique ». Concrètement, avec deux convertisseurs de fréquence dits quantiques, ils ont augmenté la longueur d’onde originale de 780 nanomètres à une longueur d’onde de 1517 nanomètres, proche de la longueur d’onde des télécommunications standard (d’environ 1550 nanomètres). Dans cette gamme de fréquences, la transmission de la lumière dans les fibres de verre présente les pertes les plus faibles. L’équipe a géré la conversion avec une efficacité sans précédent de 57%.

Tim van Leent, auteur principal de la publication explique : « Ce qui est spécial dans notre expérience, c’est que nous enchevêtrons vraiment deux particules stationnaires, c’est-à-dire des atomes qui agissent comme des mémoires quantiques. C’est beaucoup plus difficile que l’intrication de photons, mais cela permet de nombreuses autres applications ».

Les chercheurs pensent que le système développé pourrait être utilisé pour construire des réseaux quantiques à grande échelle et pour mettre en œuvre des protocoles de communication quantique sécurisés. Harald Weinfurter déclare : « L’expérience est une étape importante sur la voie de l’Internet quantique basé sur les infrastructures de fibre optique existantes ». Cela pourrait être associé à des technologies telles que les satellites, déjà capables d’émettre des photons intriqués sur des milliers de kilomètres.

Source : Nature

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