Une Américaine a donné naissance, le 26 juillet dernier, au « plus vieux bébé du monde », issu notamment d’un embryon qui a été conservé pendant plus de 30 ans. Conçu en mai 1994, il a été obtenu via une agence chrétienne « d’adoption d’embryons » et le nouveau-né, Thaddeus Daniel Pierce, a une sœur aînée qui a aujourd’hui 30 ans. La procédure a été réalisée par la même clinique spécialisée en FIV qui a transféré le précédent record d’embryon conservé le plus longtemps.
Alors que dans d’autres pays comme l’Australie, le Royaume-Uni ou la France, le temps de conservation des embryons est limité, les cliniques aux États-Unis peuvent les conserver indéfiniment. Cependant, comme beaucoup finissent par ne plus être réclamés, cela soulève des questions éthiques. Ils ne peuvent pas être donnés à des fins de recherche et ne peuvent pas non plus être donnés à des fins de reproduction sans procédures administratives complexes. On estime qu’il y a actuellement 1,5 million d’embryons congelés dans le pays.
Pour tenter de résoudre le problème, des agences d’adoption d’embryon ont été créées et les cliniques de fécondation in vitro (FIV) ont repoussé les limites de la technologie en implantant des embryons de plus en plus vieux. En conséquence, certains nouveau-nés ont des frères et sœurs biologiques âgés de plusieurs années, voire des décennies de plus qu’eux.
Linda Archerd, aujourd’hui âgée de 62 ans, a fait appel à la Nightlight Christian Adoptions, l’une de ces agences d’adoption, pour conserver les embryons qu’elle ne pouvait plus utiliser. Archerd a essayé la FIV dans les années 1990 afin de pouvoir concevoir et a réussi, en 1994, à créer quatre embryons viables. L’un d’eux a été implanté et a donné naissance à une petite fille qui a aujourd’hui 30 ans et est mère d’une enfant de 10 ans. Les trois autres ont été cryoconservés.
Des embryons confiés à une agence d’adoption
Si Archerd prévoyait initialement d’utiliser tous les embryons, les événements ne se sont pas déroulés comme prévu. Après avoir obtenu la garde et continué à les conserver après un divorce, elle a atteint la ménopause sans finalement pouvoir les utiliser. Elle a alors décidé de les confier à une agence d’adoption à la fois pour des raisons morales et sentimentales.
Mais si plusieurs de ces services hautement spécifiques existent aux États-Unis, rares sont ceux qui acceptent les embryons conservés depuis longtemps. Cela s’explique par le fait que les techniques de conservation utilisées ne garantissent pas toujours leur viabilité à long terme et les embryons « âgés » sont généralement considérés comme ayant moins de chances de survie. « Tant d’endroits refusaient même mes informations », confiait Archerd au MIT Technology Review.
La sexagénaire a finalement pu être mise en contact avec un couple d’adoption grâce au programme Snowflakes de Nightlight Christian Adoptions. « Notre processus de jumelage est véritablement guidé par les préférences de la famille qui place », explique Beth Button, directrice générale du programme Snowflakes. « Je dirais que plus de 90 % des cliniques aux États-Unis n’auraient pas accepté ces embryons », a-t-elle ajouté.
Un procédé de décongélation complexe
Les premières techniques de conservation pour les embryons destinés à la FIV consistaient généralement à les congeler en abaissant progressivement leurs températures jusqu’au point de congélation. Cependant, ces techniques entraînent la formation de cristaux pouvant altérer les cellules embryonnaires. Afin de résoudre ce problème, les laboratoires ont commencé, vers les années 2000, à utiliser la vitrification.
La vitrification consiste à congeler rapidement les embryons en les plaçant à l’intérieur de pipettes stériles puis en les plongeant directement dans des cuves d’azote liquide, empêchant ainsi la formation de cristaux. Les embryons peuvent être décongelés en les retirant des cuves et en les plongeant rapidement (pendant environ deux secondes) dans un milieu de décongélation chauffé.
En revanche, pour les embryons conservés à l’aide de techniques de congélation lente, les processus de décongélation sont à la fois complexes et dépendent des techniques de conservation utilisées et du milieu de stockage. Certains nécessitent par exemple de retirer les embryons pendant qu’ils sont encore à l’intérieur de la cuve de stockage, ce qui nécessite parfois l’utilisation d’outils invasifs tels que des forceps et des scies à lame diamantée.
Les embryons d’Archerd ont été conservés à l’aide d’une technique de congélation lente à l’intérieur de contenants en plastique. D’après Sarah Atkinson, responsable de laboratoire et embryologiste en chef chez Rejoice Fertility, la clinique qui s’est chargée du transfert, la décongélation a été difficile mais les trois embryons ont finalement survécu.
Un nouveau-né avec une sœur aînée de 30 ans !
Les embryons d’Archerd ont été adoptés par Lindsey et Tim Pierce, un couple de trentenaires qui essayait de concevoir un enfant depuis sept ans mais sans y parvenir jusqu’ici. Bien que viable au moment de la décongélation, l’un des trois embryons a arrêté sa croissance et n’a pas pu être implanté. Quant aux deux autres qui ont pu être transférés, seul un s’est développé en fœtus, mais c’est déjà une prouesse technique notable pour un embryon qui a été conservé pendant trois décennies.
« Notre accouchement a été difficile, mais nous allons tous les deux bien maintenant », a confié Lindsey Pierce, la mère. L’heureux couple et leurs familles comparent leur expérience insolite à un film de science-fiction. « Le bébé a une sœur de 30 ans. Tim était tout petit lorsque les embryons ont été créés », ajoute-t-elle en parlant de son conjoint.
Bien que des études suggèrent que les longues durées de conservation réduisent les chances de survie des embryons et la santé néonatale, la naissance de Thaddeus Daniel Pierce, le 26 juillet, semble indiquer que les limites de la technologie FIV restent encore mal connues. La plupart des études n’incluent toutefois que des embryons qui ont été conservés moins de 30 ans, ce qui laisse encore de nombreuses questions sans réponses.