La réduction de l’ingestion de l’isoleucine — un acide aminé essentiel — pourrait réduire la prise de poids et allonger l’espérance de vie, et ce sans diminuer l’apport calorique, selon une nouvelle étude. Lors d’essais sur des modèles murins, des avantages significatifs ont été observés même en entamant le régime vers l’âge de six mois — soit l’équivalent de la trentaine chez l’humain. À terme, cette découverte pourrait aboutir à de nouvelles thérapies potentiellement prometteuses pour la longévité et contre l’obésité.
La restriction calorique est généralement adoptée dans le cadre du traitement et de la prévention de l’obésité. Cependant, les régimes hypocaloriques peuvent présenter de nombreux inconvénients, surtout chez les personnes souffrant d’une obésité sévère. Dans le but de pallier ces difficultés, les alternatives permettant d’imiter les avantages de ce type de régime sans nécessiter la réduction de l’apport calorique constituent désormais un domaine de recherche très actif.
Parmi les alternatives explorées figure la restriction protéinique, qui a montré des résultats prometteurs lors de précédents essais cliniques et in vivo. Cela aurait notamment amélioré plusieurs marqueurs de la santé métabolique, incluant la réduction de dépôts adipeux, l’amélioration de la sensibilité à l’insuline et l’augmentation de la longévité. Ce type de régime implique la réduction de l’apport des 9 acides aminés essentiels (l’histidine, l’isoleucine, la leucine, la lysine, la méthionine, la phénylalanine, la thréonine, le tryptophane et la valine), suggérée par une précédente étude pour booster les avantages des régimes hypocaloriques sur la longévité.
« Des recherches antérieures ont montré une augmentation de la durée de vie avec des régimes faibles en calories et en protéines ou en acides aminés, en les entamant chez de très jeunes souris », explique le coauteur principal de la nouvelle étude, Dudley Lamming, de l’Université du Wisconsin-Madison (UW-Madison). D’autre part, l’excès d’isoleucine — abondante dans les œufs, les produits laitiers, la viande et le soja — a été identifié comme étant particulièrement associé à un indice de masse corporelle (IMC) élevé.
En vue de ces résultats, Lamming et ses collègues ont exploré les effets de la réduction de l’apport d’isoleucine sur la santé métabolique et la longévité chez les souris. Les résultats de leur étude ont été publiés dans la revue Cell Metabolism. « Différents composants de votre alimentation ont une valeur et un impact qui vont au-delà de leur fonction calorique, et nous nous sommes penchés sur un composant que de nombreuses personnes pourraient consommer en trop grandes quantités », indique l’expert.
Un poids santé sans restriction alimentaire
Dans le cadre de leur étude, les chercheurs de l’UW-Madison ont sélectionné des lots de souris génétiquement hétérogènes (souris UM-HET3), habituellement utilisées pour les recherches sur le vieillissement. Ces modèles reflètent notamment mieux une population humaine génétiquement diversifiée, ce qui augmente les probabilités de transposabilité des résultats. Chaque lot a été nourri soit avec un régime témoin équilibré, soit avec un régime appauvri en un groupe de 20 acides aminés, soit un dernier régime formulé pour réduire de deux tiers l’apport normal en isoleucine. Les souris ont été soumises aux régimes à partir d’environ 6 mois (30 ans en âge humain) et n’ont bénéficié d’aucune restriction quant à la quantité totale de nourriture ingérée.
« Très rapidement, nous avons vu les souris soumises au régime réduit en isoleucine perdre de l’adiposité — leur corps est devenu plus maigre, elles ont perdu de la graisse », a indiqué Lamming. En revanche, celles soumises au régime pauvre en acides aminés (les 20 sélectionnés) ont également perdu du poids au départ, mais ont finalement repris du poids, dont de la masse grasse.
En outre, celles ayant bénéficié du régime pauvre en isoleucine ont vu leur longévité augmenter de 33% en moyenne pour les mâles et de 7% pour les femelles. Sur la base de 26 mesures clés de la santé (force musculaire, endurance à l’utilisation de la queue, perte de poils, …), ces dernières étaient en bien meilleure forme tout au long de leur vie. « Il est encourageant de penser qu’un changement alimentaire si simple puisse encore faire une si grande différence dans la durée de vie, même si cela commence presque à la quarantaine », déclare Lamming.
Il est intéressant de noter que les souris soumises au régime pauvre en isoleucine ont mangé beaucoup plus que celles ayant suivi les autres régimes. Les experts de l’étude suggèrent qu’elles chercheraient à compenser la baisse d’apport en isoleucine. Cependant, alors que ces souris se nourrissaient plus que leurs congénères, elles brûlaient également beaucoup plus de calories, et ce sans besoin d’exercice physique supplémentaire. En d’autres termes, elles maintenaient un « poids santé » uniquement en ajustant leur métabolisme. Par ailleurs, le régime appauvri en isoleucine aurait permis de maintenir la stabilité de la glycémie et aurait réduit le risque d’hypertrophie de la prostate et de tumeurs chez les souris mâles.
Toutefois, ces résultats n’indiquent pas nécessairement qu’il faille encourager la réduction de la consommation d’isoleucine. En effet, il s’agit d’un acide aminé essentiel dont l’apport est vital pour notre organisme (ainsi que celui des souris). Éliminer une quantité importante d’isoleucine d’un régime qui n’a pas été préformulé pour les souris n’a pas été une tâche facile, ont précisé les chercheurs. « Mais réduire ces avantages à un seul acide aminé nous rapproche de la compréhension des processus biologiques et peut-être des interventions potentielles pour les humains, comme un médicament bloquant l’isoleucine », suggère Lamming.