Des chercheurs américains ont mis au point un matériau nanométrique fusionnant technologie des matériaux et biologie afin de régénérer les nerfs sectionnés. Cette innovation permet non seulement de reconnecter les nerfs, mais aussi de stimuler leur régénération, offrant un espoir tangible pour les personnes souffrant de lésions nerveuses. Elle esquisse un futur où la réparation nerveuse pourrait être à portée de main.
La régénération nerveuse, un enjeu médical d’une importance capitale, se trouve à la croisée des chemins entre la recherche fondamentale et les applications cliniques concrètes. Les lésions nerveuses, qu’elles soient dues à des accidents ou des maladies dégénératives, impactent la qualité de vie de millions d’individus à travers le monde.
Des chercheurs de l’Université Rice (Texas), en quête de solutions tangibles, ont mis au point un matériau nanométrique qui non seulement reconnecte les nerfs sectionnés, mais stimule également leur croissance. Cette avancée technique ouvre ainsi de nouvelles perspectives dans la neurostimulation et la médecine régénérative, offrant de véritables opportunités thérapeutiques aux patients concernés. Les travaux de l’équipe sont disponibles dans la revue Nature Materials.
Le pouvoir de la stimulation magnétoélectrique
Joshua Chen et son équipe de l’Université Rice se sont lancés dans une exploration audacieuse pour concevoir un matériau capable d’interagir de manière significative avec le système nerveux. Il explique dans un communiqué : « Nous nous sommes demandé : ‘Pouvons-nous créer un matériau qui ressemble à de la poussière ou qui soit si petit qu’en en plaçant juste une pincée à l’intérieur du corps, nous pourrions stimuler le cerveau ou le système nerveux ?’ ».
Les matériaux magnétoélectriques se sont révélés être la réponse à cette interrogation, du fait de leur propriété unique de convertir les champs magnétiques en champs électriques. Cette conversion est cruciale, car bien que les champs magnétiques puissent traverser le corps humain sans entrave, notre système nerveux utilise uniquement des signaux électriques pour communiquer.
Ainsi, le matériau développé par l’équipe de Chen est composé de deux couches d’un alliage de verre métallique appelé Metglas et d’une couche piézoélectrique de titanate de zirconium placé entre elles. Il agit comme un pont, captant les champs magnétiques externes et les convertissant en signaux électriques, qui peuvent ensuite être interprétés et utilisés par les nerfs.
Une efficacité prometteuse : bientôt des nanoprothèses
Le matériau développé par les chercheurs de l’Université Rice a fait preuve d’une efficacité remarquable dans le cadre d’expérimentations sur des rats. En effet, non seulement il a réussi à stimuler les nerfs périphériques des rongeurs sous anesthésie, mais il a également restauré la fonction d’un nerf sciatique préalablement sectionné. Cela signifie que le matériau ne se contente pas de créer une connexion électrique, mais qu’il facilite également la réparation et la régénération des nerfs endommagés, ce qui est crucial pour retrouver la fonction nerveuse.
En outre, la vitesse d’interaction de ce matériau est également notable. Il a été observé qu’il pouvait opérer environ 120 fois plus rapidement que des matériaux précédemment développés et utilisés dans des contextes similaires. Cette célérité est essentielle pour assurer une communication nerveuse efficace et pourrait être particulièrement bénéfique dans des situations où une réponse rapide du nerf est cruciale.
Les chercheurs envisagent des applications étendues, notamment dans le développement de neuroprothèses extrêmement petites, voire potentiellement injectables. Cela pourrait signifier qu’à l’avenir, au lieu d’implanter chirurgicalement des dispositifs médicaux volumineux pour aider à la régénération nerveuse ou à la communication nerveuse, des matériaux comme celui-ci pourraient être injectés directement dans le site nécessaire, réduisant ainsi le besoin d’interventions chirurgicales invasives.
Défis et perspectives
L’application des matériaux magnétoélectriques à la neurologie, bien que porteuse d’espoir, se heurte à des obstacles spécifiques, l’un d’eux étant la rapidité des signaux générés par ces matériaux. Les nerfs humains, dans leur fonctionnement naturel, ont une certaine « vitesse » ou fréquence à laquelle ils envoient et reçoivent des signaux électriques. Les matériaux magnétoélectriques, dans leur état initial, produisent des signaux à une vitesse qui peut être trop élevée pour que les nerfs humains puissent les détecter et y réagir de manière appropriée. Cela pourrait potentiellement rendre les signaux générés inefficaces dans le cadre d’une application neurologique réelle.
Le neuro-ingénieur Jacob Robinson de l’Université Rice déclare : « Pour tous les autres matériaux magnétoélectriques, la relation entre le champ électrique et le champ magnétique est linéaire, et nous avions besoin d’un matériau dans lequel cette relation n’était pas linéaire ».
Pour pallier ce problème, les chercheurs ont entrepris une démarche d’optimisation du film magnétoélectrique. Ils ont intégré de l’oxyde de platine hafnium et de l’oxyde de zinc au matériau, deux éléments qui ont la capacité de moduler les propriétés électriques du film. Tout en préservant les propriétés intrinsèques du matériau, ces oxydes ajustent la vitesse des signaux générés, les rendant ainsi plus compatibles avec les capacités de détection des nerfs humains.
Il est également crucial de noter que, malgré l’ajout de ces oxydes, l’équipe a réussi à maintenir l’épaisseur du film à environ 200 nanomètres. Cela assure que le dispositif reste suffisamment fin et léger pour être utilisé dans des applications médicales sans être intrusif ou gênant pour le patient. Cette minceur du matériau est essentielle pour maintenir sa biocompatibilité, faisant de ce dernier un candidat prometteur pour de futures applications en médecine régénérative.
Robinson conclut : « Une fois que vous découvrez un nouveau matériau ou une nouvelle classe de matériaux, je pense qu’il est vraiment difficile d’en anticiper toutes les utilisations potentielles. Nous nous sommes concentrés sur la bioélectronique, mais je pense qu’il pourrait y avoir de nombreuses applications au-delà de ce domaine ».