Des chercheurs américains ont identifié des signatures neuronales associées à la régulation émotionnelle. En utilisant l’IRM fonctionnelle et l’apprentissage automatique, ils ont révélé un réseau complexe de structures cérébrales impliquées dans ce processus. Cette découverte pourrait aider à cibler les individus à risque de troubles mentaux et évaluer l’efficacité des traitements, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour la santé mentale.
L’expérience émotionnelle est au cœur d’une vie épanouissante. Bien que l’exposition à des expériences négatives soit inévitable, la réponse de régulation émotionnelle d’un individu peut constituer un rempart contre la psychopathologie. Ce processus par lequel nous modifions notre expérience ou notre expression des émotions est donc un mécanisme central de notre psyché.
Sa maîtrise, ou son absence, peut avoir des conséquences profondes sur notre santé mentale, influençant le développement de troubles tels que la dépression, l’anxiété ou les addictions. Dans ce contexte, comprendre les mécanismes neuronaux qui sous-tendent la régulation émotionnelle est devenu un enjeu majeur pour la recherche en neurosciences.
Récemment, une équipe de chercheurs de l’Université du Colorado à Denver a réussi à identifier les schémas d’activation neurale associés à la régulation émotionnelle. Ils ont mis en évidence un réseau complexe de structures cérébrales. Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives pour le diagnostic et le traitement des troubles de santé mentale. L’étude est disponible sur la plateforme BioRxiv, en attente d’évaluation par les pairs.
L’apprentissage automatique au service de la compréhension des émotions
Pour parvenir à ces résultats, les chercheurs ont utilisé des techniques d’apprentissage automatique pour identifier les régions du cerveau qui étaient activées uniquement lorsque les participants tentaient de réguler leurs réponses émotionnelles aux images. Ils ont utilisé deux méthodes d’apprentissage automatique : la régression des composantes principales LASSO PCR (Least Absolute Shrinkage and Selection Operator) et l’analyse discriminante linéaire (Linear Discriminant Analysis, LDA). Ces deux méthodes ont permis de prédire si un sujet était engagé dans la régulation émotionnelle et d’identifier les régions du cerveau qui définissent cette signature de régulation émotionnelle.
Concrètement, les chercheurs ont utilisé un échantillon initial de 82 participants pour former leurs modèles d’apprentissage automatique. Une fois ces modèles formés, ils ont été testés sur un échantillon de contrôle distinct, composé de 40 autres participants. Cela a permis aux chercheurs de vérifier si les modèles formés à partir du premier groupe étaient également applicables à un autre groupe de personnes. L’utilisation de l’apprentissage automatique dans cette étude a permis aux chercheurs d’analyser de grandes quantités de données d’IRMf et d’identifier des schémas d’activité cérébrale qui auraient pu être difficiles à détecter autrement.
Les résultats ont montré que les modèles étaient capables de prédire avec une précision de 82,5% si un participant était en train de réguler ses émotions, d’observer passivement une image négative, ou de regarder une image neutre. En d’autres termes, les modèles d’apprentissage automatique étaient capables de distinguer correctement entre ces trois états dans plus de 8 cas sur 10, sur la base de l’activité cérébrale des participants.
Les régions du cerveau impliquées dans la régulation émotionnelle
Les chercheurs ont pu identifier un réseau de structures cérébrales qui sont activées lorsqu’une personne tente de réguler ses émotions.
Parmi ces structures, certaines étaient déjà connues pour leur rôle dans la régulation émotionnelle. C’est le cas du cortex insulaire, une région du cerveau qui joue un rôle clé dans la conscience de soi et des émotions, et de certaines régions du cortex préfrontal, qui sont impliquées dans des fonctions cognitives de haut niveau comme la prise de décision et la régulation des émotions.
Cependant, l’étude a également révélé que d’autres régions du cerveau, qui n’avaient pas été précédemment associées à la régulation émotionnelle, sont également impliquées dans ce processus. Certaines parties du cortex visuel, situées dans le lobe occipital du cerveau, étaient activées lors de la régulation émotionnelle. Ce dernier est généralement associé à la perception visuelle. Les auteurs estiment que la régulation émotionnelle pourrait impliquer une réinterprétation ou une réévaluation de l’information visuelle.
Ces résultats suggèrent que la régulation émotionnelle n’est pas le fait d’une ou deux régions isolées du cerveau, mais plutôt d’un réseau complexe de structures cérébrales qui travaillent ensemble. C’est une nouvelle vision qui pourrait expliquer pourquoi la régulation émotionnelle est un processus si complexe et nuancé, et pourquoi elle peut être si difficile à maîtriser pour certaines personnes.
Vers de nouvelles perspectives thérapeutiques
Selon les auteurs, leurs résultats pourraient avoir des implications significatives pour la santé mentale. En identifiant les personnes qui ont du mal à réguler leurs émotions, il pourrait être possible de les cibler pour des interventions préventives.
De plus, cette étude peut représenter une aide précieuse dans l’évaluation de l’efficacité des traitements pour les troubles de santé mentale. Les thérapies cognitivo-comportementales, qui visent à aider les individus à développer des stratégies plus efficaces de régulation émotionnelle, pourraient être évaluées en termes d’impact sur l’activation cérébrale.
Par conséquent, l’équipe de recherche prévoit de comparer les effets des thérapies basées sur la pleine conscience et de la thérapie cognitivo-comportementale sur le réseau de régulation émotionnelle qu’ils ont identifié. Cette recherche pourrait aider à affiner les approches thérapeutiques pour les troubles de santé mentale, en fournissant des informations robustes sur la manière dont différentes thérapies influencent l’activation cérébrale.