Un scientifique au Royal College of Art à Londres a conçu un vêtement amphibie imprimé en 3D, appelé AMPHIBIO. Il s’agit essentiellement d’un ensemble de branchies conçues avec un matériau hydrophobe spécial. Selon Jun Kamei, concepteur de biomimétisme et spécialiste des matériaux, intéressé et inspiré par le design caché de la nature, il s’agit là d’un dispositif pour « un avenir où l’humanité vivrait très près de l’eau ».
Tandis que la planète se prépare à une augmentation de la température mondiale de 3.2 °C d’ici 2100, la montée du niveau de la mer constitue une menace bien réelle pour les grandes villes côtières, pouvant toucher jusqu’à 2 milliards de personnes, soit 26% de la population mondiale actuelle.
L’appareil de Kamei est fabriqué à partir d’un matériau hydrophobe spécial poreux, qui permet la respiration sous-marine en reconstituant l’oxygène (plus précisément le dioxygène, O2) de l’eau environnante et en dissipant le dioxyde de carbone qui s’accumule dans le système : la technologie s’inspire des insectes plongeurs qui survivent sous l’eau grâce à une fine couche d’air emprisonnée sur leur surface cutanée hydrophobe, qui agit comme un échangeur de gaz.
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Il faut savoir que cette technologie est facilement imprimable en 3D, ce qui est fort utile pour la production en masse. Ces « branchies » pourraient en effet remplacer les équipements de plongée lourds et encombrants, les rendant plus proches de la plongée libre, mais avec une autonomie accrue. Cela pourrait notamment avoir des applications immédiates pour des scénarios de sauvetage sous-marin par exemple.
Jusqu’à présent, la technologie n’a été testée qu’en tant que prototype fonctionnel, mais pas encore en conditions réelles sur des humains. La mise à l’échelle et les tests sur les humains sont à présent ce que Kamei souhaite effectuer.
Cependant, nous ne pouvons faire abstraction du fait que le concepteur a pour le moment livré très peu de détails sur le fonctionnement exact ainsi que sur les limites d’utilisation du système. Le premier point à soulever est celui du mélange « diazote-dioxygène ». En effet, l’air que nous respirons n’est constitué que de 21% de dioxygène, pour 78% de diazote (et moins de 1% d’autres gaz rares).
Respirer uniquement de l’O2 sur une période prolongée pose donc problème et devient même très dangereux au-delà de 6 mètres de profondeur. Cela limite donc déjà d’entrée l’autonomie et la profondeur de fonctionnement maximale du système.
Bien que nous ne sachions pas encore exactement comment le concepteur a prévu de gérer ce problème, il est évident que cela reste un facteur de faisabilité important pour le dispositif. Kamei spécifie cependant qu’il s’agit d’un système prévu pour augmenter la durée d’une plongée libre, et non de remplacer les systèmes de plongée sous-marine actuels (faute justement d’autonomie et de profondeur de fonctionnement maximale).
Deux autres points qui nous rendent quelque peu sceptiques : la quantité d’O2 maximale générée par le système sera-t-elle suffisante pour un être humain moyen ? L’effort respiratoire nécessaire pour « tirer » suffisamment d’oxygène ne risque-t-il pas d’être trop important ?
Plusieurs questions se posent donc quant à la possibilité d’utiliser le dispositif en conditions réelles et par des humains. Mais il ne faut pas oublier aussi qu’il ne s’agit encore que d’un prototype (sans compter le manque d’informations techniques déjà évoqué), il est donc trop tôt pour en tirer des conclusions solides.
Kamei, qui suggère que dans un avenir plus ou moins proche, les êtres humains pourraient être amenés à vivre dans ou sous l’eau, peut donner une impression de dystopie. Cependant, le chercheur insiste sur le fait qu’il a une vision bien plus optimise de l’avenir, malgré un monde potentiellement inondé. En effet, il pense qu’amphibio pourrait apporter « un réconfort quotidien aux personnes qui [pourraient devoir] passer autant de temps dans l’eau que sur la terre ferme ».
Une technologie intéressante, utile et innovante, qui mérite d’être suivie de près. Mais avant de trop se réjouir, nous attendons plus d’informations quant à son fonctionnement en conditions réelles.