Face à l’évolution des dynamiques de genre dans le monde médical, des recherches ont mis en lumière des variations dans les résultats postopératoires selon le sexe du chirurgien. Ces études, menées sur plus d’un million de patients, indiquent que ceux opérés par des chirurgiennes présentent des issues postopératoires plus favorables. Ces constatations pourraient aider à orienter les formations médicales.
La chirurgie, depuis ses origines, est principalement exercée par des hommes. Ce phénomène est le reflet d’une société où les professions médicales, considérées comme exigeantes et prestigieuses, étaient jusqu’à la fin des années 1800 réservées à la gent masculine, avec des barrières de genre ayant persisté jusqu’aux années 1950. Cependant, le paysage médical a connu une transformation radicale ces dernières décennies. Ces barrières ont commencé à s’estomper, permettant à de plus en plus de femmes d’accéder à cette discipline. Aujourd’hui, nous assistons à un renversement de tendance : les écoles de médecine accueillent désormais une majorité de femmes, reflétant une évolution sociétale et professionnelle.
Une question émerge alors : le sexe du chirurgien influence-t-il les résultats postopératoires ? Plusieurs études récentes se sont penchées sur cette interrogation, mettant en lumière des différences notables selon que le professionnel soit homme ou femme.
Les patients traités par des chirurgiennes ont de meilleurs résultats postopératoires, selon une étude menée par des chercheurs du Sunnybrook Health Sciences Centre, de Sinai Health, du University Health Network et de l’Université de Toronto, associés à des collaborateurs d’universités américaines. Plus précisément, ils sont moins susceptibles de subir des complications majeures ou de nécessiter une réadmission à l’hôpital dans l’année suivant l’intervention. Ces conclusions, loin d’être anodines, pourraient redéfinir les pratiques et orientations médicales de demain. L’étude est disponible sur la plateforme JAMA.
Des différences significatives dans les résultats
Une étude menée en Ontario (Canada), impliquant plus d’un million de patients, a été conçue pour évaluer les résultats postopératoires en fonction du sexe du chirurgien. Précisément, l’équipe a examiné les complications médicales, les réadmissions à l’hôpital et les taux de mortalité après une intervention chirurgicale chez près de 1,2 million de patients ontariens entre 2007 et 2019. Les dossiers comprenaient 25 interventions chirurgicales différentes sur le cœur, le cerveau, les os, les organes et les vaisseaux sanguins.
Les conclusions ont été édifiantes : les patients opérés par des chirurgiennes présentaient des taux de mortalité réduits, une moindre probabilité d’être réadmis à l’hôpital et un risque diminué de complications majeures dans les 90 jours (12,5%) et jusqu’à un an après l’intervention (20,7%). Pour les chirurgiens, les chiffres équivalents sont de 13,9% et 25%.
Ce qui rend ces résultats particulièrement remarquables, c’est leur constance. En effet, les avantages observés avec les chirurgiennes ne semblaient pas être influencés par d’autres variables. Peu importe l’âge, le sexe, la santé générale du patient, l’expérience ou la spécialité du chirurgien, le niveau d’expertise de l’anesthésiste, le type d’hôpital — qu’il soit universitaire, général ou spécialisé — ou même la nature spécifique de la procédure chirurgicale, les résultats étaient uniformément en faveur des chirurgiennes.
Cette uniformité suggère que ce n’est pas une simple coïncidence ou un biais dû à un sous-ensemble spécifique de patients ou de procédures. Au contraire, elle indique une tendance générale et systématique vers de meilleurs résultats postopératoires lorsque les patients sont pris en charge par des chirurgiennes.
Quelles sont les raisons ?
La divergence des résultats postopératoires entre chirurgiens et chirurgiennes suscite de nombreuses interrogations au sein de la communauté médicale. Si les raisons précises de ces écarts demeurent encore floues, certaines hypothèses ont été avancées pour tenter d’éclairer ce constat.
Des recherches antérieures ont mis en lumière des différences dans la manière dont les chirurgiennes et les chirurgiens abordent leurs patients et prennent des décisions. Les chirurgiennes, par exemple, semblent privilégier une approche davantage axée sur le patient. Cela signifie qu’elles sont plus enclines à prendre en compte l’ensemble des besoins et préoccupations du patient, allant au-delà des seules considérations médicales.
Cette approche holistique peut inclure une meilleure communication, une écoute plus attentive et une prise en compte des préférences et des attentes du patient. Angela Jerath, scientifique à Sunnybrook et co-auteure de l’étude, déclare dans un communiqué : « C’est en décelant les problèmes le plus tôt possible que l’on commence à sauver les patients ».
De plus, les chirurgiennes ont tendance à valoriser la collaboration, que ce soit avec d’autres spécialistes, avec le personnel infirmier ou même avec le patient lui-même. Cette approche collaborative peut conduire à des décisions médicales mieux informées, basées sur une variété d’opinions et d’expertises.
Enfin, la sélection des patients pour une intervention est une étape cruciale dans le processus chirurgical. Les chirurgiennes, selon certaines études, semblent être plus méticuleuses et sélectives lors de cette étape. Elles évaluent soigneusement les risques et les avantages de la chirurgie pour chaque patient, s’assurant que l’intervention est réellement dans le meilleur intérêt du patient.
Ces nuances dans l’approche et la prise de décision pourraient expliquer, du moins en partie, pourquoi les patients opérés par des chirurgiennes ont tendance à avoir de meilleurs résultats postopératoires. Toutefois, davantage de recherches sont nécessaires pour comprendre pleinement ces différences et leurs implications pour le monde médical, allant de la formation médicale jusqu’au choix fait par les patients.