Dans la lutte contre la maladie d’Alzheimer, une avancée récente a mis en lumière le potentiel thérapeutique de la revitalisation des mitochondries, les centrales énergétiques des cellules. Une récente étude suggère que la réactivation (ou revitalisation) des mitochondries devenues obsolètes pourrait permettre un regain de connexions neuronales et ainsi de freiner la maladie. Il s’agit d’une piste thérapeutique prometteuse jusqu’ici inexplorée, et de ce fait porteuse d’espoir.
La maladie d’Alzheimer, affectant des millions de personnes à travers le monde, représente un défi majeur pour la recherche médicale. Face à cette affection neurodégénérative toujours plus répandue, entraînant perte de mémoire et déclin cognitif (liés à la dégénérescence des connexions neuronales dans le cerveau), la quête de solutions thérapeutiques efficaces est plus pressante que jamais.
Une équipe de chercheurs de Scripps Research a récemment fait une avancée significative dans cette direction, en se concentrant sur le rôle des mitochondries, cruciales pour la production d’énergie cellulaire et les mécanismes sous-jacents. Les travaux, publiés dans la revue Advanced Science, proposent une approche innovante pour restaurer les connexions neuronales chez les patients atteints d’Alzheimer, offrant ainsi un nouvel espoir pour le traitement de cette maladie dévastatrice.
Mécanismes de dégénérescence
L’équipe de recherche de Scripps Research, sous la direction de Stuart Lipton, a concentré ses efforts sur l’exploration des dysfonctionnements mitochondriaux dans le contexte de la maladie d’Alzheimer. Ils ont identifié un processus pathologique clé, la S-nitrosylation, qui altère le fonctionnement des enzymes du cycle de Krebs, une voie métabolique vitale pour la production d’énergie cellulaire sous forme d’ATP.
Plus précisément, ils ont découvert un blocage dans les enzymes responsables de la production d’énergie, dû à un marquage anormal d’atomes d’azote (N) et d’oxygène (O) sur un atome de soufre (S), formant ensemble une enzyme « SNO » dysfonctionnelle.
Cette altération entraîne une réduction significative de la capacité énergétique des neurones, ce qui est directement lié à la dégénérescence des synapses, parties cruciales pour la communication neuronale. Leur découverte met en lumière comment les perturbations au niveau mitochondrial contribuent à la progression de la maladie d’Alzheimer, soulignant l’importance de ces organites dans le maintien de la fonction neuronale.
Ils ont initialement découvert le « SNO-tag » sur les enzymes énergétiques en comparant des cerveaux humains (obtenus lors de l’autopsie) de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer à ceux de personnes non malades. Les chercheurs ont ensuite généré des cellules nerveuses à partir de cellules souches dérivées de biopsies cutanées de personnes avec ou sans mutation génétique responsable de la maladie d’Alzheimer.
Ensuite, à l’aide d’une série de marqueurs métaboliques et d’un appareil de mesure de l’oxygène, ils ont calculé la production d’énergie cellulaire et identifié des déficits uniquement dans les cellules nerveuses de la maladie d’Alzheimer, par comparaison avec les cellules nerveuses témoins.
Implications thérapeutiques et mécanisme d’intervention
Pour contrer ce déficit énergétique, les chercheurs ont adopté une approche innovante en administrant aux cellules nerveuses un analogue du succinate, un intermédiaire clé du cycle de Krebs, dont la production est entravée par la S-nitrosylation. Cet analogue, conçu pour franchir efficacement les barrières cellulaires, a permis de surmonter le blocage métabolique et de rétablir la production d’énergie au sein des mitochondries. Les résultats ont été spectaculaires : jusqu’à trois quarts des connexions synaptiques, auparavant perdues, ont été restaurées dans les modèles cellulaires dérivés de patients atteints d’Alzheimer.
Cette avancée ouvre un nouveau chapitre dans la recherche de traitements contre la maladie d’Alzheimer, en mettant en lumière l’importance des mitochondries dans la santé neuronale. L’approche inédite de revitaliser ces centrales énergétiques au sein des cellules nerveuses pourrait transformer radicalement la manière dont nous abordons cette maladie.
En effet, bien que le succinate ne puisse être directement utilisé comme traitement en raison de ses limitations de diffusion à travers les membranes cellulaires, l’identification d’analogues capables de pénétrer efficacement dans les cellules ouvre la voie à des interventions ciblées. Ces analogues pourraient potentiellement restaurer la fonction mitochondriale et, par extension, prévenir ou inverser la perte de synapses caractéristique d’Alzheimer. Cette stratégie s’éloigne ainsi des traitements symptomatiques actuels pour s’attaquer à l’une des causes sous-jacentes potentielles de la maladie.
Stuart Lipton, dans un communiqué, souligne l’urgence de développer de nouveaux composés plus efficaces qui ciblent spécifiquement les dysfonctionnements mitochondriaux observés dans Alzheimer. Cette direction de recherche ne se limite pas seulement à offrir un espoir de traitement efficace pour les patients actuels, mais elle jette également les bases d’une compréhension plus profonde des mécanismes moléculaires de la maladie, ce qui pourrait conduire à sa prévention dans les générations futures.