Un robot quadrupède capable de « comprendre » lorsqu’il est blessé et de s’arrêter quelques instants pour se réparer. C’est le défi qu’ont relevé des scientifiques de Cornell University. Leurs travaux pourraient même aider les astronautes lors de leurs sorties extravéhiculaires.
Les chercheurs ont travaillé à la création d’un robot en matière « molle », de type polymère. Leur création, en forme de X, mesure environ 12 centimètres de long. Il se déplace grâce à de l’air comprimé propulsé à travers son corps, ce qui le fait onduler et soulever ses quatre pattes. Leur ambition était de concevoir une machine capable de détecter une atteinte structurelle comme une coupure. Celle-ci devait pouvoir réparer non seulement la structure, mais aussi les capteurs eux-mêmes. Un tel robot pourrait en effet intervenir dans des milieux dangereux pour les humains, et subir des dommages tout en gardant son efficacité.
Leur création pourrait aussi avoir son intérêt dans le domaine spatial, affirment les scientifiques. En s’en inspirant, ils pourraient concevoir une combinaison intelligente, capable « d’alerter lors d’une fuite d’air de la combinaison causée par des débris spatiaux pendant les activités extravéhiculaires des astronautes », peut-on lire dans leurs travaux publiés dans Science Advances.
Ces dernières années, ce qu’on appelle la « robotique molle », ou « soft robotic », a fait de grands progrès. Ce domaine s’ingénie à utiliser des matériaux ou structures souples, élastiques ou déformables, dans la construction de robots. Cet usage présente de nombreux avantages, y compris au niveau de la résistance. On peut même fabriquer des capteurs dans des matières molles : « les capteurs extensibles constitués d’élastomères sont intrinsèquement résistants aux impacts contondants, comme, par exemple, lorsqu’ils sont écrasés par une voiture, en raison de la bonne ténacité et de la résilience des élastomères. En revanche, ils sont vulnérables aux modes de dommages tels que les coupures et les perforations », soulignent les scientifiques qui ont conçu ce robot.
Une fonction d’autoguérison
Ces derniers ont donc entrepris de remédier à ce défaut, en concevant un robot capable de se réparer lui-même. Résultat : le robot quadrupède est capable de « guérir » lui-même sa structure, mais aussi de rétablir les fonctionnalités des capteurs qui permettent de détecter les dommages. En d’autres termes, « la fonction d’autoguérison pour les capteurs de contrainte comprend la récupération des propriétés mécaniques du matériau et la restauration des signaux de détection », précisent les scientifiques.
Comment cela fonctionne-t-il ? Pour donner toutes ces capacités à leur création, les scientifiques ont fait preuve d’ingéniosité. Si le capteur est coupé, ses côtés exposés deviennent chimiquement réactifs, ce qui permet à la matière souple qui recouvre le robot de fusionner. Cette « alerte » impacte aussi le comportement du robot, qui se tourne en direction inverse du danger, et s’arrête durant le temps de la réparation.
Cela n’explique pas, cependant, comment les capteurs peuvent aussi être restaurés dans leurs fonctions. Pour cela, les chercheurs ont choisi d’utiliser les propriétés naturelles de la lumière. « Par rapport aux signaux électriques qui nécessitent un contact physique pour la transmission, la propagation de la lumière dans un guide d’ondes par réflexion interne totale ne nécessite pas de contact mécanique », expliquent-ils ainsi. Autrement dit, quand le robot est endommagé, la transmission lumineuse est arrêtée, ce qui déclenche la réparation. Lorsque la matière fusionne à nouveau, la lumière peut à nouveau circuler. « L’alignement latéral et la connexion des pièces cassées rétablissent immédiatement l’intensité de sortie avec une faible perte », affirment les scientifiques.
Ils ont effectué de nombreux essais pour tester les capacités du robot : « dans la première démonstration, nous avons poignardé une patte du quadrupède avec un couteau bien aiguisé à plusieurs reprises et n’avons accordé que quelques minutes pour une récupération fonctionnelle à température ambiante sans aucun stimulus externe », affirment-ils. Malgré ce déploiement de cruauté, le robot s’est bien révélé capable de se réparer et de restaurer les fonctions de ses capteurs.