L’entreprise Engineered Arts a publié tout récemment une vidéo d’un de leurs robots en action : Ameca. La séquence suscite beaucoup de réactions quant aux expressions faciales très « naturelles » de la machine.
Sur cette fameuse vidéo, le robot, d’abord « endormi », commence par se dérouiller l’articulation de l’épaule droite. Il se réveille alors en sursaut, un air de profond étonnement inscrit sur le visage. Il fronce les sourcils, puis regarde autour de lui dans un mélange d’inquiétude et d’incrédulité. Il baisse alors les yeux vers ses mains, qu’il observe avec une grande curiosité, teintée, peut-être, d’un soupçon d’inquiétude… Il semble alors apercevoir quelque chose, hors champ de la caméra, qui le surprend à tel point qu’il en sursaute, bouche ouverte et bras écartés. Enfin, tel un prestidigitateur content de lui, il glisse un regard vers le spectateur de la vidéo et lui adresse le large sourire de celui qui vous a bien eu.
Ce robot se nomme Ameca. Créé par Engineered Arts, il est décrit par l’entreprise comme une « plateforme » destinée au développement de futures technologies robotiques. Le credo de la compagnie est simple sur le sujet : « Une intelligence artificielle qui ressemble à un humain requiert un corps artificiel qui ressemble à celui d’un humain ». La machine a donc surtout pour objectif de permettre de travailler sur les interactions humains-machines en poussant les expressions vers le plus de réalisme possible.
Ameca franchit-il la vallée de l’étrange ?
De ce point de vue, cela semble plutôt réussi. Les réactions des internautes, nombreuses, soulignent dans leur grande majorité un étonnement face au naturel des expressions affichées sur le visage de ce nouveau robot humanoïde : « C’était vraiment bien séquencé. Cela semble assez naturel, probablement les expressions les plus humaines que j’ai vues sur un robot à ce jour. J’ai aussi trouvé les mains assez impressionnantes. Fini le stéréotype du robot sans expression », peut-on lire dans les commentaires. « Pour moi, c’est tellement réel que, honnêtement, cela ne me fait pas ressentir ces vibrations étranges de la vallée de l’étrange », voit-on encore. Ce à quoi lui répond un autre spectateur : « Idem. Honnêtement, c’est ce qui me fait le plus peur ! XD ».
La vallée de l’étrange… Si cette expression ne vous est pas familière, elle l’est assurément pour tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin aux robots humanoïdes. Elle est tirée de l’anglais « uncanney valley ». Théorisée par le roboticien japonais Mori Masahiro, cette appellation ne date pas d’hier puisqu’elle est née dans les années 1970. L’idée est la suivante : plus un robot androïde est similaire à un être humain, plus ses imperfections, ses petites incohérences qui rappellent à notre cerveau qu’il ne l’est pas, nous paraissent monstrueuses.
Globalement, des humains seront donc moins dérangés par des robots à l’allure clairement artificielle, qui ne tentent pas d’imiter la vie humaine. Pourquoi « vallée », dans ce cas ? Parce que, selon cette théorie, il s’agit d’une zone que l’on atteint à partir d’un certain degré de réalisme inachevé… Mais qu’il est possible de franchir. Mori Masahiro postulait ainsi que lorsque les robots ressembleraient encore davantage à des humains, ils sortiraient de cette « vallée de l’étrange », et seraient mieux acceptés. Plus encore, passé ce stade de rejet, ils susciteraient alors une acceptation plus grande du fait de leur ressemblance avec nous autres humains.
Toutefois, malgré le succès de ses expressions faciales, Ameca est encore très loin de l’humain par bien des aspects. La vidéo est une succession de réactions habilement séquencées, mais pas liées à ses interactions avec le monde extérieur. Un travail colossal sur les intelligences artificielles est encore à fournir si le fantasme de créer des « robots semblables aux humains » doit vraiment être accompli. Sur ce point, Engineered arts reste d’ailleurs assez évasif : « Est-ce qu’Ameca est une IA ? Une grande question. Ameca contient des logiciels qui peuvent être décrits comme ‘artificiellement intelligents’, mais la question est plus vaste que cela. L’objectif principal d’Ameca est d’être une plate-forme de développement de l’IA. Nous adorons concevoir et construire des robots, nous vous laisserons, ainsi qu’à tous les autres cerveaux incroyables (naturellement intelligents), créer les algorithmes d’IA et d’apprentissage automatique et voir jusqu’où nous pouvons faire progresser la technologie ensemble ».
La marche est aussi un point qui pose encore problème à énormément de robots humanoïdes. Ameca ne fait pas exception à cela. L’entreprise insiste cependant sur la modularité du robot, qui lui permet une bonne marge d’évolution : « Ameca peut-il marcher ? Pas encore. Il y a beaucoup d’obstacles à surmonter avant qu’il le puisse. La marche est une tâche difficile pour un robot, et bien que nous ayons fait des recherches à ce sujet, notre équipe n’a pas créé un humanoïde ambulant complet. Cependant, Ameca est modulaire, nous prévoyons donc d’améliorer ses capacités au fil du temps afin qu’un jour il puisse marcher », peut-on lire sur leur site internet.