L’innovation ne paraît pas très ragoutante, à première vue. Ce « robot » ressemble en effet à un petit tas de slime, une matière à mi-chemin entre une pâte et une gelée, qui se tortille et se déforme pour se déplacer. Pourtant, c’est justement cette particularité qui fait sa force. Sa composition pourrait même lui permettre de se faufiler jusque dans les moindres recoins de notre corps.
C’est une équipe de chercheurs de l’Université de Hong Kong qui a développé ce petit robot au corps mou. Nul besoin pour lui de « squelette » ou de systèmes de propulsion internes, puisqu’il est contrôlé par aimantation depuis l’extérieur. Cette absence de rigidité lui permet de se compresser, se tordre, s’aplatir, pour circuler dans des passages tortueux et étroits.
Cette innovation appartient donc au domaine de la « robotique molle », domaine spécifique de la robotique qui traite des robots « mous », c’est-à-dire construits en matériaux élastiques, déformables… Ceux-ci offrent de nombreuses perspectives. « Les robots miniatures magnétiques à corps mou permettent un accès non invasif aux espaces restreints et offrent des solutions idéales pour la chirurgie mini-invasive, la micromanipulation et l’administration ciblée de médicaments », soulignent par exemple les chercheurs, qui ont publié leurs recherches dans le journal Advanced Functional Materials.
Les travaux de recherche et les prototypes de robots de ce type ne manquent en effet pas. Il y a quelques mois, nous présentions dans un autre article de minuscules robots poissons qui pourraient être utilisés dans le traitement ciblé des cellules cancéreuses.
Selon l’équipe responsable de ce « robot slime », il existe cependant deux types de robots de cette catégorie, qui présentent tous deux des limites. Les robots en élastomères et les robots « fluides ». « En raison d’une déformabilité limitée, les robots mous miniatures à base d’élastomères ne peuvent pas naviguer dans un environnement très restreint », expliquent ainsi les chercheurs. « En revanche, si les robots souples fluides sont plus aptes à se déformer, ils sont également limités par la forme instable du fluide lui-même, et sont donc mal adaptés à l’environnement ».
Le robot développé ici cherche donc à combiner les deux avantages. Le prototype est composé, rapporte The Guardian dans un article, d’un mélange d’un polymère appelé alcool polyvinylique (une sorte de résine), de borax (très utilisé dans les produits d’entretien) et de particules de néodyme (particules aimantées). Comme ce mélange serait toxique pour le corps humain, ils ont également ajouté un revêtement à base de silicium pour l’isoler. Il n’a cependant été testé pour le moment que sur des modèles d’organes, et non des humains en chair et en os.
Un robot à la fois liquide et solide
Le mélange obtenu forme ce que l’on appelle un « fluide non newtonien ». « C’est un peu comme mélanger de l’eau avec de l’amidon [de maïs] à la maison », explique le chercheur Li Zhang au Guardian. Le mélange des deux produit de « l’oobleck », un fluide non newtonien dont la viscosité change sous l’effet de la force. « Lorsque vous le touchez très rapidement, il se comporte comme un solide. Lorsque vous le touchez doucement et lentement, il se comporte comme un liquide ».
Grâce à cette aptitude particulière, le robot peut donc se glisser dans des espaces étroits, jusqu’à 1,5 mm, manœuvrer dans des environnements complexes, saisir des objets, les envelopper pour les transporter, ou simplement les empêcher d’être nocifs, et même se recoller sans aucun problème si d’aventure il se retrouve coupé en morceaux.
De nombreux usages médicaux pourraient donc en être faits. Il pourrait s’agir, par exemple, d’aller chercher des objets avalés par erreur, ou de les envelopper pour empêcher qu’ils ne fassent des dégâts dans le corps. En dehors de ses applications dans le corps humain, ce petit robot pourrait aussi remplacer ou réparer des circuits électroniques, puisqu’il est un bon conducteur.
S’il peut avoir des applications directes, l’intérêt pour les chercheurs reste avant tout d’observer ses possibilités. « Le but ultime est de le déployer comme un robot », affirme Li Zhang, qui admet cependant que leur création manque d’autonomie. « Nous le considérons toujours comme une recherche fondamentale. Nous essayons de comprendre ses propriétés matérielles ».
Vidéo du New Scientist montrant le robot en action :