Des chercheurs de l’Université de Washington ont développé une enceinte intelligente manipulant les ondes sonores pour créer des zones distinctes de conversation et de silence dans une même pièce. Elle fusionne acoustique, robotique et intelligence artificielle.
La gestion du son, autrefois limitée à des réglages de volume simples, s’est récemment transformée pour répondre à des besoins plus complexes et diversifiés. C’est dans ce contexte que s’inscrit la récente innovation de l’Université de Washington (UW), présenté dans la revue Nature Communications.
Un système de microphones distribués
Le système mis en place par les chercheurs repose sur l’utilisation de microphones sans fil formant un réseau distribué. Ces microphones, une fois dispersés dans une pièce, opèrent comme un ensemble de capteurs acoustiques, créant un maillage capable de détecter et de localiser les sources sonores dans un environnement bidimensionnel.
L’aspect innovant de cette technologie réside dans sa capacité à identifier et à isoler plusieurs locuteurs parlant simultanément, en transformant leurs paroles en différents flux audio. Cela signifie que, même dans une pièce où plusieurs personnes parlent en même temps, le système peut distinguer chaque voix et la traiter séparément.
Le co-auteur principal du document présentant l’invention, Malek Itani, met en avant l’utilité du système dans un communiqué : « Si je ferme les yeux et qu’il y a 10 personnes qui parlent dans une pièce, je n’ai aucune idée de qui dit quoi et d’où elles se trouvent exactement dans la pièce. C’est extrêmement difficile à traiter pour le cerveau humain. Jusqu’à présent, cela a également été difficile pour la technologie ». Il ajoute : « Pour la première fois, en utilisant ce que nous appelons un ‘essaim acoustique’ robotique, nous sommes capables de suivre les positions de plusieurs personnes parlant dans une pièce et de séparer leurs discours ».
Des robots acoustiques autonomes
Les recherches antérieures sur les essaims de robots acoustiques ont nécessité l’utilisation de caméras aériennes ou intégrées, de projecteurs ou de surfaces spéciales. Le système de l’équipe de l’UW est le premier à distribuer avec précision un essaim de robots en utilisant uniquement le son.
Les robots acoustiques portant les enceintes constituent un élément clé de cette innovation. Ils sont conçus pour naviguer de manière autonome sur des surfaces bidimensionnelles, et ils sont capables de déterminer leur position avec une précision remarquable (de quelques centimètres). Les robots se dispersent le plus loin possible les uns des autres, car des distances plus grandes facilitent la différenciation et la localisation des personnes qui parlent.
De plus, les robots sont équipés de systèmes de détection avancés leur permettant d’identifier les bords et les obstacles. Cette fonctionnalité est cruciale pour éviter les collisions et assurer une navigation fluide et sécurisée dans divers environnements, qu’ils soient prévisibles ou imprévisibles.
Par ailleurs, leur capacité à retourner de manière autonome à une station de base pour se recharger est un atout majeur, minimisant la nécessité d’une intervention humaine pour leur entretien et leur gestion. Cela les rend non seulement pratiques, mais aussi extrêmement efficaces dans des environnements où une présence constante et une opérabilité sont essentielles.
De la science-fiction à la réalité
Les chercheurs prévoient de créer à terme des robots acoustiques capables de se déplacer dans les pièces, au lieu de se limiter aux tables. L’équipe étudie également la possibilité d’émettre des sons permettant des zones actives et muettes du monde réel à la demande.
Ce dispositif rappelle certaines technologies de science-fiction telles que le « cône de silence » dans « Get Smart » et « Dune ». Évidemment, toute technologie qui semble s’apparenter à des dispositifs d’espionnage suscite des préoccupations en matière de vie privée. Les scientifiques sont conscients des risques de détournement de cette technologie, et ont donc intégré des mesures de protection.
Les robots se déplacent en fonction du son, à la différence d’autres systèmes qui utilisent des caméras intégrées. Ils sont clairement visibles, équipés de LED clignotantes. Autre avantage : plutôt que de transmettre l’audio à un serveur distant, comme c’est le cas pour de nombreux haut-parleurs intelligents, les essaims acoustiques traitent l’audio sur place, respectant ainsi la confidentialité des utilisateurs.
Itani conclut : « La technologie a le potentiel de bénéficier réellement à la vie privée, au-delà de ce que permettent les haut-parleurs intelligents actuels. Je peux dire : ‘N’enregistre rien autour de mon bureau’ et notre système crée une bulle autour de moi. Rien dans cette bulle ne serait enregistré. Ou si deux groupes parlent l’un à côté de l’autre et qu’un groupe a une conversation privée pendant que l’autre enregistre, la conversation peut être mise dans une zone muette, où elle reste privée ».
VIDÉO : Présentation des robots acoustiques. © University of Washington