Entre les échos de l’histoire ancienne et les prouesses de la technologie actuelle, les secrets des rouleaux d’Herculanum commencent à se dévoiler. L’exploit récent d’un étudiant, qui a déchiffré un mot de ces textes millénaires grâce à l’intelligence artificielle, marque un tournant dans l’étude des textes antiques, offrant un aperçu des connaissances perdues et une nouvelle méthode pour explorer les trésors du passé sans compromettre leur intégrité.
L’éruption du Vésuve en l’an 79 de l’ère commune a non seulement figé dans le temps les cités de Pompéi et d’Herculanum, mais a également préservé, dans une étreinte mortelle de cendres et de lave, une bibliothèque de rouleaux de papyrus dans cette dernière ville, offrant un trésor de connaissances anciennes désormais fossilisées et inaccessibles. Pendant des siècles, ces rouleaux, témoins silencieux d’une époque révolue, ont défié les tentatives de lecture, leur contenu restant un mystère en raison de leur état délicat et carbonisé.
Cependant, grâce à une initiative internationale, un mot a été déchiffré à partir de ces textes antiques : « πορφύραc » (pourpre), un terme lié à la teinture ou aux vêtements violets, couleur souvent associée à la royauté et au pouvoir.
Le « Vesuvius challenge », un concours mondial
Le « Vesuvius Challenge » est une initiative qui vise à stimuler la recherche et l’innovation dans le déchiffrement des rouleaux d’Herculanum. Soutenu financièrement par des investisseurs de la Silicon Valley, ce défi propose des récompenses monétaires substantielles pour encourager le développement de méthodes innovantes, en particulier celles qui exploitent l’apprentissage automatique, pour extraire et lire le texte des rouleaux sans les endommager physiquement.
Brent Seales, de l’Université du Kentucky, et d’autres chercheurs, ont joué un rôle crucial dans cette initiative en mettant à disposition du public et de la communauté scientifique des données, du code et des méthodes via une plateforme en ligne. Cela permet non seulement aux chercheurs, mais aussi aux citoyens scientifiques, d’accéder aux informations et de contribuer à ce projet monumental. L’objectif est de créer un environnement collaboratif où divers esprits et compétences peuvent converger pour résoudre ce mystère historique et culturel.
Les équipes qui participent au défi concourent pour un grand prix de 700 000 $, décerné au premier qui parvient à déchiffrer au moins quatre passages de texte des couches internes des rouleaux d’ici fin 2023. Les prix de progression incluent 50 000 $ pour la détection précise de l’encre sur les papyrus.
La technologie au service de notre passé
Les rouleaux d’Herculanum, découverts en 1752, sont des artefacts archéologiques d’une valeur inestimable, offrant un aperçu potentiel de la culture, de la philosophie et du quotidien de l’antiquité romaine. Cependant, leur état délicat et carbonisé a posé un défi considérable en matière de conservation et de lecture. Les méthodes traditionnelles, telles que le déroulement physique des rouleaux ou leur coupe pour tenter d’accéder au texte à l’intérieur, ont souvent provoqué des dommages supplémentaires, rendant certains segments du texte irrécupérables.
La tomographie par ordinateur (CT) et les algorithmes d’apprentissage automatique sont apparus comme des solutions technologiques pour surmonter ces obstacles. La tomographie par ordinateur permet d’obtenir des images détaillées en coupe transversale des objets, offrant ainsi une vue interne sans nécessiter d’intervention physique sur l’objet lui-même. Elle a révélé les formes des lettres et des mots qui ont été écrits avec de l’encre à base de carbone, qui a une densité légèrement différente de celle du papyrus carbonisé environnant.
Les algorithmes d’apprentissage automatique, d’autre part, sont utilisés pour analyser ces images produites par la tomographie. Luke Farritor, étudiant à l’Université du Nebraska-Lincoln, a développé un algorithme spécifique pour détecter des lettres grecques sur plusieurs lignes du papyrus enroulé. Il a utilisé des différences subtiles et à petite échelle dans la texture de la surface pour entraîner son réseau neuronal et mettre en évidence l’encre.
La science citoyenne mise à l’honneur
Brent Seales et son équipe ont donc organisé une conférence et un événement en direct au Royaume-Uni pour annoncer une avancée majeure : le premier déchiffrage d’un mot entier. Seales déclare dans un communiqué : « Ces textes ont été écrits par des mains humaines à une époque où les religions du monde étaient émergentes, où l’Empire romain régnait encore et où de nombreuses régions du monde étaient inexplorées ». Il ajoute : « Une grande partie des écrits de cette période est perdue. Mais aujourd’hui, les manuscrits d’Herculanum ne sont plus perdus ».
Les caractères grecs πορφύραc, signifiant « teinture violette » ou « vêtements violets », font partie des multiples caractères et lignes de texte qui ont été extraits par les participants au Vesuvius Challenge Luke Farritor et Youssef Nader.
En effet, peu de temps après la révélation de Farritor, Nader, un étudiant égyptien diplômé en biorobotique à Berlin, a découvert indépendamment le même mot dans la même zone — avec des résultats encore plus clairs. Il explique : « Il m’a fallu quelques jours pour traiter cela, parce que je n’en croyais pas mes yeux. C’était exaltant de lire un texte que nous ne comprenions pas, mais dont nous savions qu’il nous avait été laissé par des gens il y a des milliers d’années. C’était comme jeter un coup d’œil dans le passé à travers une machine à voyager dans le temps ».
Ainsi, un mix entre technologie et coopération internationale a ouvert une fenêtre sur les esprits de l’antiquité, dévoilant des connaissances longtemps scellées.
VIDÉO : Présentation du décryptage du rouleau d’Herculanum. © UK