L’image de cette roche atypique a été capturée par la ChemCam du rover, le 27 juillet. Sur Mars depuis neuf ans, Curiosity se trouve actuellement au pied du mont Sharp, dans le cratère Gale, dont il est chargé d’examiner les différentes strates géologiques. Alors qu’il se situe dans une zone de transition entre un sol argileux et un sol sulfaté, l’engin est tombé sur une minuscule arche de pierre, qui semble défier le vent et la poussière martiens.
L’arche en question ne mesure que quelques centimètres — l’ensemble du champ de vision de l’image ci-dessous est d’environ 16,5 cm de diamètre — mais n’en demeure pas moins surprenante. « Je vais laisser aux scientifiques le soin d’expliquer ce qui se passe ici », plaisante sur son compte Twitter l’ingénieur Kevin M. Gill, après avoir publié le résultat de l’assemblage des images capturées par Curiosity.
Cette arche serait-elle le signe d’une ancienne vie martienne ? En réalité, de nombreuses structures rocheuses comme celle-ci, bien plus grandes, se sont naturellement formées sur Terre, suite au processus d’érosion par l’eau ou par le vent ; il n’y a donc aucune raison qu’il en soit autrement sur Mars. Cette mini arche semble en tout cas suffisamment solide pour résister aux tempêtes de poussières martiennes.
Curiosity, toujours en quête de traces de vie ancienne
L’arrivée de Perseverance sur Mars cette année aura presque éclipsé la présence de son prédécesseur, toujours en activité après toutes ces années. Curiosity, qui fait partie de la mission Mars Science Laboratory, a atterri dans le cratère Gale le 6 août 2012 ; ce site a été choisi parce qu’il reflète les principales périodes géologiques de la planète rouge.
Le rover avait pour mission d’analyser la composition minéralogique du sol, de détecter d’éventuelles traces d’eau et de collecter des données météorologiques, afin de déterminer si l’environnement était propice à l’apparition de la vie. Pour ce faire, Curiosity est équipé de deux mini-laboratoires, et d’une foreuse pour les prélèvements, permettant d’analyser les composants organiques et minéraux. Il embarque également un système laser pour déterminer la composition des roches à distance, nommé ChemCam.
Curiosity examine actuellement une zone de transition entre ce que les scientifiques appellent l’« unité argileuse » (une zone riche en minéraux argileux) et l’« unité sulfatée ». « Les sulfates, comme le gypse et les sels d’Epsom, se forment généralement autour de l’eau lorsqu’elle s’évapore, et ils sont encore un autre indice sur la façon dont le climat et les perspectives de vie ont changé il y a près de 3 milliards d’années », expliquent les spécialistes de la NASA. Ces deux zones suggèrent un passé potentiellement aqueux dans la région, soit des conditions qui auraient pu soutenir une vie microbienne ancienne.
C’est la semaine dernière que l’astromobile est tombée nez à nez avec cette étrange structure rocheuse. Abigail Fraeman, géologue planétaire au Jet Propulsion Laboratory de la NASA, a décrit cette découverte comme « une image particulièrement fantaisiste d’une texture rocheuse intéressante ». « Je continue d’être éblouie par les textures que nous voyons, en particulier la prévalence de bosses et de grumeaux de la taille d’un centimètre sortant du substrat rocheux », a-t-elle précisé dans le journal de la mission.
Une structure rocheuse atypique, parmi beaucoup d’autres…
Pour Gwenael Caravaca, ingénieur de recherche au Laboratoire de planétologie et géodynamique de Nantes, la structure est particulièrement propice à la paréidolie (le processus cérébral qui consiste à trouver une forme familière dans une forme aléatoire) : « Certains voient un serpent, d’autres des cornes, d’autres encore une souche d’ADN, mais pour le moment, ce que je vois, c’est une grande mosaïque RMI [Remote Micro-Imager] sur cet étrange édifice, probablement due à une érosion différentielle sur des roches altérées », commente-t-il sur son compte Twitter.
Le paysage rocheux alentour montre que le cratère Gale est un endroit poussiéreux et venteux. Selon Michelle Minitti, géologue planétaire chez Framework, cette petite arche est donc probablement constituée d’un matériau résistant à l’érosion. ChemCam va à présent analyser la chimie de ces nodules résistants, afin d’identifier ce qui les distingue du substrat rocheux qui les héberge.
Les structures rocheuses aux formes atypiques ne sont pas rares sur Mars. Pour preuve, une roche craquelée photographiée au mois de juin par le rover Perseverance et surnommée « Butt Crack Rock ». Des visages, des ossements, des animaux, voilà tout autant de formes « aperçues » sur la surface martienne. Au mois d’avril, Perseverance a même découvert une roche de forme allongée, surmontée d’une « tête », qui selon Kevin M. Gill, n’est pas sans rappeler un minuscule brachiosaure fossilisé.
La récente découverte de Curiosity montre que même après neuf années d’exploration, le rover peut encore dénicher quelques merveilles géologiques sur les pans du mont Sharp.