Lancé en 2008, l’Interstellar Boundary Explorer de la NASA orbite autour de la Terre dans le but de cartographier l’héliopause, soit la frontière séparant notre système solaire du milieu interstellaire. Les données transmises par ce petit satellite suggèrent que les bordures de notre système solaire sont le siège d’étranges ondulations.
La Voie lactée abrite plus de 100 milliards d’étoiles. Notre système solaire est enfermé dans une « bulle » appelée héliosphère, qui nous sépare du reste de la galaxie et nous protège de certains rayonnements cosmiques. Cette bulle protectrice est créée par le Soleil lui-même, qui émet constamment un flux de particules chargées. Ce vent solaire s’étend bien au-delà de Neptune, et même au-delà de la Ceinture de Kuiper, emportant avec lui une partie du champ magnétique solaire.
L’héliosphère a été découverte à la fin des années 1950. À mesure que les scientifiques l’étudient, ils en apprennent davantage sur la façon dont elle réduit l’exposition des astronautes et des engins spatiaux aux radiations et, plus généralement, sur la façon dont les étoiles peuvent influencer leurs planètes voisines. Équipé de télescopes observant la limite extérieure de l’héliosphère, l’Interstellar Boundary Explorer (IBEX) capture et analyse une classe de particules appelées « atomes neutres énergétiques » (ou ENA), qui se forment là où le milieu interstellaire et le vent solaire se rencontrent — une zone nommée héliopause.
Une frontière explorée grâce aux flux d’atomes
Toutes les planètes majeures de notre système solaire sont situées dans la couche la plus interne de l’héliosphère, là où les particules du vent solaire sont extrêmement rapides (se déplaçant à environ un million de kilomètres par heure). La limite extérieure de cette couche centrale est appelée le « choc terminal » ; au-delà de cette limite, les particules commencent à ralentir sous l’effet de la pression du milieu interstellaire extérieur. La couche située entre le choc terminal et l’héliopause est appelée héliogaine.
Le satellite IBEX capture les ENA qui sont créés lorsque le vent solaire entre en collision avec le vent interstellaire ; si la plupart de ces atomes sont alors catapultés vers l’espace lointain, certains d’entre eux refluent vers le centre du système solaire (et sont ainsi capturés par IBEX). Une fois la force du vent solaire prise en compte, ces particules peuvent être utilisées pour cartographier la forme de la frontière — il s’agit d’une forme d’écholocalisation cosmique en quelque sorte.
Les cartes de l’héliosphère établies jusqu’à présent s’appuyaient sur des mesures à longue échelle de l’évolution de la pression du vent solaire et des émissions d’ENA. « Cela a nécessité de faire une moyenne spatiale et temporelle qui a lissé les caractéristiques petites ou dynamiques de l’héliosphère », expliquent les chercheurs dans Nature Astronomy. Mais fin 2014, la pression dynamique du vent solaire a augmenté d’environ 50% sur une période de six mois, ce qui a provoqué une augmentation, en fonction du temps et de la direction, des flux d’atomes.
Une équipe de scientifiques, dirigée par l’astrophysicien Eric Zirnstein de l’Université de Princeton, a utilisé cet événement pour obtenir un instantané plus détaillé de la forme du choc terminal et de l’héliopause. Les données collectées par IBEX ont révélé d’immenses structures d’ondulation, à l’échelle de dizaines d’unités astronomiques.
Une frontière « mouvante » avec le milieu interstellaire
À l’aide de simulations, l’équipe a constaté que le front de pression a atteint le choc terminal en 2015, envoyant une onde de pression à travers l’héliogaine. Arrivée à l’héliopause, cette onde a été réfléchie, est revenue vers le choc terminal, puis est entrée en collision avec le flux de plasma chargé qui suivait le front de pression. Ce qui a provoqué une véritable tempête d’ENA dans l’héliogaine.
Les mesures de l’équipe montrent également un changement significatif de la distance à l’héliopause. La sonde Voyager 1 a franchi l’héliopause en 2012 à une distance de 122 unités astronomiques. En 2016, l’équipe a mesuré que la distance à l’héliopause dans la direction prise par Voyager 1 était d’environ 131 unités astronomiques (ua) ; la sonde se trouvait quant à elle dans l’espace interstellaire. Idem pour la sonde Voyager 2 : lorsqu’elle a franchi l’héliopause en 2018, elle se trouvait à une distance de 119 ua. Mais des mesures réalisées en 2015, dans la direction de Voyager 2, avaient évalué la distance de l’héliopause à environ 103 ua.
Ces résultats suggèrent que la forme de l’héliopause change de façon significative, mais les scientifiques ne savent pas encore pourquoi.
En 2025, il est prévu que la NASA lance l’Interstellar Mapping and Acceleration Probe (IMAP). Les caméras ENA de cet engin ont une résolution plus élevée et sont plus sensibles que celles d’IBEX. « Les imageurs d’IMAP pourront produire des cartes complètes du ciel tous les 6 mois et des cartes partielles du ciel tous les 3 mois, nous permettant de quantifier la variabilité dans l’héliosphère externe à deux fois la cadence d’IBEX », détaillent les chercheurs. Selon eux, cela devrait permettre de résoudre certains des mystères qui entourent encore cette bulle étrange qui protège notre système planétaire de l’espace.