Lors de son apparition dans les années 1980, le système GPS a révolutionné la navigation et la localisation. Progressivement, les assistants de navigation se sont développés jusqu’à fournir quotidiennement des services de localisation en temps réel pour des millions d’utilisateurs. Cependant, le GPS souffre de deux problèmes majeurs. Premièrement, les signaux satellitaires arrivant sur Terre sont très facilement détournables et sensibles au brouillage. Secondairement, le flux de données transmissibles est très faible. Néanmoins, deux ingénieurs ont proposé une alternative au GPS en passant par les satellites Starlink de SpaceX ; une solution plus efficace, plus précise et bien plus sécurisée.
SpaceX a déjà lancé plus de 700 satellites Starlink, et des milliers d’autres devraient être placés en orbite dans les années à venir. Leur mission principale est de fournir un accès Internet haut débit pratiquement dans le monde entier, en l’étendant à de nombreux endroits éloignés qui n’ont pas eu à ce jour un service fiable.
Des recherches financées par l’armée américaine ont conclu que la mégaconstellation croissante pourrait avoir un objectif secondaire : se doubler d’une alternative peu coûteuse, très précise et sécurisée au GPS. La nouvelle méthode utiliserait les satellites Starlink existants en orbite terrestre basse (LEO) pour fournir des services de navigation quasi mondiaux.
Dans un article non évalué par les pairs, Todd Humphreys et Peter Iannucci du Radionavigation Laboratory de l’Université du Texas à Austin, affirment avoir mis au point un système qui utilise les mêmes satellites, s’appuyant sur des signaux GPS traditionnels, pour fournir une précision de localisation jusqu’à 10 fois supérieure au GPS, dans un système beaucoup moins sujet aux interférences.
Le GPS : un système sensible au brouillage et aux détournements
Le GPS se compose d’une constellation d’environ 30 satellites en orbite (à 20’000 kilomètres d’altitude) autour de la Terre. Chaque satellite diffuse en continu un signal radio contenant sa position et l’heure exacte à partir d’une horloge atomique très précise à bord. Les récepteurs au sol peuvent alors comparer le temps que mettent les signaux de plusieurs satellites pour arriver et calculer leur position, généralement à quelques mètres près.
Le problème avec le GPS est que ces signaux sont extrêmement faibles au moment où ils atteignent la Terre et sont facilement submergés par des interférences accidentelles ou par la « guerre électronique ». En Chine par exemple, de mystérieuses attaques GPS ont réussi à amener des navires dans des endroits non souhaités, tandis que les signaux GPS sont régulièrement brouillés dans l’est de la Méditerranée.
Des satellites Iridium aux satellites Starlink
L’armée américaine s’appuie fortement sur le GPS. L’année dernière, l’US Army Futures Command, une nouvelle unité dédiée à la modernisation de ses forces, a visité le laboratoire de Humphreys pour parler d’une startup appelée Coherent Navigation, qu’il avait cofondée en 2008. Coherent, qui visait à utiliser les signaux des satellites Iridium comme une alternative approximative au GPS, a été acquise par Apple en 2015.
« Ils m’ont dit que l’armée était en relation avec SpaceX (elle a signé un accord pour tester Starlink afin de déplacer des données sur les réseaux militaires en mai), et demandé si je serais donc intéressé de parler à SpaceX de l’utilisation de leurs satellites Starlink de la même manière que j’ai utilisé les anciens satellites Iridium », explique Humphreys. « Cela nous a permis d’avoir une audience avec des ingénieurs de SpaceX, qui ont approuvé, et l’armée nous a donné un an pour examiner la demande » .
Le concept d’utilisation des satellites LEO pour la navigation n’est pas nouveau. En fait, certains des premiers engins spatiaux américains lancés dans les années 1960 étaient des satellites Transit en orbite à 1100 kilomètres, fournissant des informations de localisation pour les navires et sous-marins de la Marine. L’avantage d’une constellation LEO est que les signaux peuvent être mille fois plus puissants que le GPS. L’inconvénient est que chaque satellite ne peut desservir qu’une petite zone, de sorte qu’une couverture mondiale fiable nécessite des centaines, voire des milliers de satellites.
Une simple mise à jour pour débloquer la fonction GPS de Starlink
Construire un tout nouveau réseau de satellites LEO avec des horloges ultra-précises serait une entreprise coûteuse. La start-up de Bay Area Xona Space Systems prévoit de faire exactement cela, avec pour objectif de lancer une constellation d’au moins 300 satellites Pulsar au cours des six prochaines années. L’idée de Humphreys et Iannucci est différente : ils utiliseraient une simple mise à jour logicielle pour modifier les satellites de Starlink afin que leurs capacités de communication et les signaux GPS existants puissent fournir des services de position et de navigation.
Sur le même sujet : Face à une énorme demande, SpaceX revoit les ambitions de son service Starlink à la hausse
Ils affirment que leur nouveau système peut même, de manière contre-intuitive, offrir une meilleure précision à la plupart des utilisateurs que la technologie GPS sur laquelle il s’appuie. En effet, le récepteur GPS de chaque satellite Starlink utilise des algorithmes rarement présents dans les produits de consommation, pour localiser son emplacement à quelques centimètres seulement. Ces technologies exploitent les propriétés physiques du signal radio GPS et son codage pour améliorer la précision des calculs de localisation. Essentiellement, les satellites Starlink peuvent faire le gros travail de calcul pour leurs utilisateurs.
Les satellites Starlink sont aussi des routeurs Internet dans l’espace, capables d’atteindre 100 mégabits par seconde. Les satellites GPS, en revanche, communiquent à moins de 100 bits par seconde « Il y a si peu de bits par seconde disponibles pour les transmissions GPS qu’ils ne peuvent pas se permettre d’inclure des données très précises sur l’endroit où se trouvent réellement les satellites ».
La navigation LEO fusionnée : un nouveau GPS plus précis et sécurisé
Le nouveau système, que Humphreys appelle la navigation LEO fusionnée, utilisera des calculs instantanés d’orbite et d’horloge pour localiser les utilisateurs à moins de 70 centimètres, estime-t-il. La plupart des systèmes GPS des smartphones, des montres et des voitures, à titre de comparaison, ne sont précis qu’à quelques mètres.
Mais le principal avantage du Pentagone est que la navigation LEO fusionnée devrait être beaucoup plus difficile à brouiller ou à usurper. Non seulement ses signaux sont beaucoup plus puissants au niveau du sol, mais les antennes pour ses fréquences micro-ondes sont environ 10 fois plus directionnelles que les antennes GPS. Cela signifie qu’il devrait être plus facile de capter les vrais signaux satellites plutôt que ceux d’un brouilleur.
Selon les calculs de Humphreys et Iannucci, leur système de navigation LEO fusionné pourrait fournir un service de navigation continu à 99,8% de la population mondiale, en utilisant moins de 1% de la capacité de liaison descendante de Starlink et moins de 0.5% de sa capacité énergétique.