Des scientifiques dévoilent la plus courte durée jamais mesurée !

mesure courte durée zeptosecondes
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Il s’agit du temps nécessaire à une particule légère (un photon) pour traverser une molécule de dihydrogène, d’un atome à l’autre. Ce temps est de 247 zeptosecondes très exactement. Une zeptoseconde (notée zs) représente un billionième de milliardième de seconde, que l’on peut noter 10-21 seconde.

Ces 247 zeptosecondes représentent donc une fraction de temps extrêmement petite. Ce n’est pas la première fois que des scientifiques s’intéressent à cette unité de temps. En 2016 déjà, une équipe de chercheurs était parvenue à mesurer le temps par incréments, à l’aide de lasers, jusqu’à 850 zeptosecondes. C’est donc un nouveau record qu’a établi aujourd’hui une équipe de physiciens allemands.

Un record de vitesse dans l’infiniment petit

Difficile, voire impossible, de se représenter ce laps de temps… Et pour cause : nous n’utilisons guère de précisions temporelles au-delà du millième de seconde. Rares sont les mesures de temps dans le monde macroscopique qui nécessitent des unités plus petites. Dans le monde microscopique en revanche, à l’échelle de l’atome, les fractions de temps infimes sont usuelles. Et l’intérêt de la recherche pour les réactions chimiques ultrarapides — on parle de femtochimie — va croissant.

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Véritable précurseur dans ce domaine, le chimiste égyptien Ahmed Zewail reçoit en 1999 le prix Nobel pour être parvenu à mesurer la vitesse à laquelle les molécules changent de forme. À l’aide d’impulsions laser ultra-courtes, il montre que la formation et la rupture des liaisons chimiques se produisent à des vitesses de l’ordre des femtosecondes (soit 10-15 seconde). Mais on est encore bien loin de la zeptoseconde à l’époque !

C’est l’équipe du professeur Reinhard Dörner, de l’Université Goethe, qui a accompli ce nouvel exploit. Comment ont-ils procédé pour mesurer une durée aussi courte ? Ils se sont appuyés sur la photo-ionisation, un processus fondamental de l’interaction lumière-matière, dans lequel l’absorption d’un photon par un atome conduit à l’éjection d’un électron. Ils ont ainsi irradié une molécule de dihydrogène avec des rayons X issus de l’accélérateur de particules PETRA III, du Deutsches Elektronen-Synchrotron (DESY), à Hambourg. Ils ont réglé l’énergie des rayons de sorte qu’un seul photon — une particule de lumière — suffise à éliminer les deux électrons de la molécule de dihydrogène (car la molécule de dihydrogène H2 comporte deux protons et deux électrons).

mesure durée photoionisation dihydrogène
Le photon (ici en jaune, venant de la gauche) produit des ondes électroniques hors du nuage d’électrons (en gris) de la molécule de dihydrogène (en rouge, les deux noyaux d’hydrogène), qui interfèrent les unes avec les autres (le motif d’interférence est matérialisé en violet). Le motif d’interférence est légèrement incliné vers la droite, ce qui permet de calculer la durée nécessaire au photon pour passer d’un atome à l’autre. Crédits : Sven Grundmann/Université Goethe de Francfort

Les électrons se comportent comme des particules et des ondes simultanément ; par conséquent, leurs éjections successives ont entraîné la formation d’ondes électroniques, en léger décalage, qui ont fini par fusionner. Ces interactions ont créé un motif d’onde appelé motif d’interférence, que Dörner et son équipe ont pu mesurer à l’aide d’un microscope à réaction COLTRIMS (Cold Target Recoil Ion Momentum Spectroscopy). Cet outil est essentiellement un détecteur de particules très sensible, qui peut enregistrer des réactions atomiques et moléculaires extrêmement rapides.

Un retard enfin expliqué

Le microscope COLTRIMS a enregistré à la fois le diagramme d’interférence et la position de la molécule de dihydrogène tout au long de l’interaction. Connaissant l’orientation spatiale de la molécule H2, les chercheurs ont utilisé l’interférence des deux ondes électroniques pour calculer précisément l’instant où le photon avait atteint le premier atome d’hydrogène, puis le suivant. Résultat : le photon a mis très exactement 247 zeptosecondes pour parcourir la distance entre les deux atomes.

L’échelle de temps du processus de photo-ionisation pose de nombreuses questions. Des expériences antérieures ont notamment révélé des retards — de l’ordre de l’attoseconde (10-18 s) — entre l’éjection d’électrons à partir de différentes orbitales, de différentes bandes électroniques ou dans différentes directions. L’étude dirigée par Dörner, montre qu’au sein d’une même orbitale moléculaire, les électrons ne sont pas éjectés en même temps lorsque le photon frappe la molécule.

Au contraire, l’instant dépend du temps de parcours du photon à travers la molécule, qui est de 247 zeptosecondes pour la longueur de liaison moyenne de la molécule de dihydrogène (74 picomètres). « Nous avons observé pour la première fois que la couche électronique d’une molécule ne réagit pas à la lumière partout en même temps. Le retard se produit parce que les informations contenues dans la molécule ne se propagent qu’à la vitesse de la lumière », explique Dörner.

Mesurer la durée de tels processus est une étape importante vers la compréhension des comportements des atomes. Ce type d’expériences de vitesse peut notamment apporter de nouveaux éléments essentiels au développement de technologies futures comme la supraconductivité ou l’informatique quantique.

Ce nouveau record de durée a été obtenu avec une molécule de dihydrogène, soit la plus petite molécule. On peut aisément imaginer que l’étape suivante consistera à mesurer le temps nécessaire à un photon pour traverser des entités encore plus petites, comme un atome isolé par exemple. Rappelons que la plus petite durée théoriquement mesurable est ce que l’on appelle le temps de Planck : c’est le temps qu’il faudrait à un photon dans le vide pour parcourir une distance égale à la longueur de Planck, évaluée à environ 1,6.10-35 mètres. Cette durée est de l’ordre de 10-44 s !

Source : Science, S. Grundmann et al.

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