Les National Institutes of Health (NIH) aux États-Unis ont exhorté les scientifiques à supprimer toute référence aux vaccins à ARNm dans leurs demandes de subvention. Les chercheurs s’inquiètent d’un éventuel abandon par l’agence de nombreux programmes de recherche biomédicale, dont elle était jusqu’à présent la principale source de financement. Les observateurs soupçonnent le nouveau secrétaire à la Santé et aux Services sociaux des États-Unis, un militant anti-vaccin de longue date, d’être à l’origine de ce revirement.
L’utilisation médicale de l’ARNm connaît un essor spectaculaire et s’est particulièrement illustrée avec le développement des vaccins anti-Covid. Cette approche présente des avantages considérables : elle élimine la nécessité de cultiver des germes potentiellement dangereux ou de purifier leurs composants, évitant ainsi des procédés complexes et coûteux propres aux vaccins classiques. De plus, au-delà du simple codage pour un antigène, les molécules d’ARN stimulent l’immunité innée, rendant superflus les adjuvants dans la préparation vaccinale.
Au-delà de la prévention, les vaccins à ARNm sont explorés par de nombreux chercheurs, y compris ceux des NIH, pour traiter des maladies infectieuses comme la grippe et le SIDA. Leur potentiel est également étudié dans le cadre de traitements contre certains cancers et maladies auto-immunes. Lors de son premier mandat, Donald Trump s’était même attribué le mérite du déploiement des vaccins à ARNm contre la COVID-19, qui aurait permis de sauver des millions de vies.
Cependant, depuis l’entrée en fonction de Robert F. Kennedy Jr., le nouveau secrétaire à la Santé et aux Services sociaux, les NIH semblent se désengager de la recherche sur ces technologies vaccinales, selon KFF Health News. Un scientifique d’un centre de recherche biomédicale à Philadelphie rapporte qu’un responsable de projet des NIH lui a indiqué que leur demande de subvention était en suspens en raison d’une mention des vaccins à ARNm. « On ne sait pas encore si les subventions pour les vaccins à ARNm seront annulées », a-t-il déclaré.
Les responsables des NIH auraient également exhorté un scientifique de haut niveau travaillant sur les vaccins à New York à supprimer toute référence aux vaccins à ARNm dans ses demandes de subvention. Or, ce chercheur ne travaillait pas directement sur ce type de vaccin, mais avait simplement mentionné son efficacité. Plusieurs chercheurs ont souhaité conserver l’anonymat, redoutant d’éventuelles représailles professionnelles sous la nouvelle administration.
Des programmes de recherche menacés ?
Les inquiétudes des scientifiques semblent confirmées par un haut responsable du National Cancer Institute. Ce dernier rapporte que Matthew Memoli, directeur par intérim des NIH, a adressé un courriel à l’ensemble des cadres de l’agence, leur demandant de signaler toute subvention, contrat ou collaboration impliquant des vaccins à ARNm au bureau de Robert F. Kennedy Jr.
Kennedy est connu pour ses positions hostiles à la vaccination. Peu après son arrivée au poste de secrétaire à la Santé, une épidémie de rougeole a frappé le Texas, touchant principalement des personnes non vaccinées. L’infection a entraîné la mort d’un enfant et d’un patient testé positif au Nouveau-Mexique. Au lieu d’encourager la vaccination, Kennedy a attribué cette flambée épidémique à la malnutrition et a affirmé que le vaccin était inefficace, voire dangereux.
Depuis sa prise de fonction, les NIH ont déjà annulé des programmes de recherche spécifiques aux vaccins, notamment des études sur l’hésitation vaccinale. Memoli aurait explicitement indiqué dans un courriel que l’agence ne souhaitait pas financer des travaux explorant les raisons de cette réticence ou visant à améliorer l’adhésion du public aux campagnes vaccinales.
Des directives similaires auraient été envoyées aux équipes travaillant sur des projets financés par les NIH en Afrique du Sud et, potentiellement, dans d’autres régions du monde. Avec un budget annuel de 47 milliards de dollars, les NIH comptent parmi les plus importants bailleurs de fonds de la recherche biomédicale. L’agence a notamment soutenu quelque 130 études sur les vaccins à ARNm développés par Pfizer-BioNTech et Moderna.
Désormais, les programmes des NIH sont étroitement surveillés par l’administration Trump. Selon KFF Health News, un ancien cadre gouvernemental a confirmé que la nouvelle administration prévoit de réduire les financements pour certaines recherches sur les vaccins à ARNm, bien qu’aucun calendrier précis n’ait encore été établi.
Cette orientation politique pourrait non seulement freiner l’innovation en recherche biomédicale, mais aussi mettre en péril des milliers d’emplois. En effet, si les chercheurs et professeurs universitaires perçoivent leur salaire de leurs institutions respectives, le personnel technique et administratif de leurs laboratoires est souvent rémunéré grâce aux subventions des NIH.
Le scientifique new-yorkais interrogé par KFF Health News souligne que sa demande de subvention ne concerne pas spécifiquement les vaccins à ARNm. Pourtant, il s’inquiète : « Si ma subvention est refusée pour quelque raison que ce soit, des employés de mon laboratoire perdront leur emploi ». Et d’ajouter : « Je travaille avec certains d’entre eux depuis vingt ans. Ils ont des enfants et des familles. Dans le monde académique, et plus encore parmi les chercheurs spécialisés en vaccins, un véritable climat de peur s’est installé ».