Une étude menée auprès de 10 millions de militaires américains suggère que presque tous les cas de sclérose en plaques (99,9%) sont déclenchés par le virus d’Epstein-Barr, ce qui signifie qu’un vaccin pourrait éradiquer cette maladie.
On soupçonne depuis longtemps que le virus d’Epstein-Barr déclenche la sclérose en plaques (SEP). Mais cette nouvelle étude, qui porte sur 10 millions de jeunes adultes en service actif dans l’armée américaine (sur une durée de 20 ans), montre que pratiquement tous les cas de SEP sont précédés d’une infection par ce virus. C’est la première fois que des données aussi précises, basées sur un échantillon aussi vaste et avec un tel suivi, permettent de le démontrer.
La SEP est une maladie auto-immune du système nerveux central (cerveau et moelle épinière) dans laquelle les cellules immunitaires s’attaquent à la gaine de myéline protectrice des fibres nerveuses. Ces dernières jouent un rôle important dans la propagation de l’influx nerveux du cerveau aux différentes parties du corps et inversement. La maladie entraîne alors une incapacité neuromotrice et neurosensorielle progressive pouvant aller jusqu’à la paralysie dans les formes les plus graves.
De la même famille que les virus de l’herpès et de la varicelle, le virus d’Epstein-Barr se propage principalement par la salive, par exemple en s’embrassant ou en buvant dans le même verre. Il est notamment à l’origine de la mononucléose infectieuse et de la leucémie de Burkitt. Les infections initiales peuvent provoquer peu (ou pas) de symptômes, mais une fois que le virus s’est introduit dans les lymphocytes B, il s’y cache. Plus tard dans la vie, il peut se réactiver et causer notamment divers cancers.
Beaucoup d’infections au virus d’Epstein-Barr sans grave complication…
La difficulté de démontrer que le virus d’Epstein-Barr est la principale cause de la SEP est que 90% des personnes dans le monde sont infectées par ce virus. Cela signifie que les scientifiques doivent partir d’un très grand échantillon pour savoir si les personnes qui n’ont pas été infectées par le virus sont moins susceptibles de développer une SEP.
L’équipe de chercheurs a trouvé le nombre de personnes dont elle avait besoin au sein de l’armée américaine, à qui l’on prélève régulièrement des échantillons de sang que l’on stocke — ce qui permet de les tester ultérieurement pour détecter les infections à Epstein-Barr. Sans surprise, seulement 5% des recrues n’étaient pas infectées par le virus d’Epstein-Barr lors de leur première prise de sang.
32 fois plus de risques de développer une sclérose en plaques
Sur 10 millions de militaires, 955 ont développé une sclérose en plaques, généralement environ 10 ans après le premier prélèvement. Parmi eux, 34 militaires n’étaient pas infectés lorsque leur premier échantillon de sang a été prélevé, mais l’ont été avant que la SEP ne soit diagnostiquée. Au final, le risque de développer une SEP a été multiplié par 32 après une infection par le virus d’Epstein-Barr, mais n’était pas augmenté après une infection par d’autres virus, y compris le cytomégalovirus, qui se transmet de la même manière.
« Ces résultats fournissent des données convaincantes qui impliquent le virus d’Epstein-Barr comme déclencheur du développement de la sclérose en plaques », écrivent William Robinson et Lawrence Steinman de l’Université de Stanford, en Californie, dans un article sur l’étude. « Maintenant que le déclencheur initial de la sclérose en plaques a été clairement identifié, cette maladie pourrait peut-être être éradiquée », ajoutent-ils.
Objectif : développer un vaccin
Bien qu’il n’existe actuellement aucun vaccin contre le virus d’Epstein-Barr, plusieurs groupes tentent d’en développer un. Le 5 janvier, Moderna a annoncé qu’elle avait commencé à tester un candidat vaccin à ARNm chez l’Homme, qui permettrait de prévenir la maladie. Clare Walton, de la Société britannique de la sclérose en plaques, reste toutefois prudente sur la découverte : « En fin de compte, nous ne pouvons pas être certains que le virus d’Epstein-Barr est à l’origine de la sclérose en plaques tant que nous n’aurons pas vu l’impact de la prévention de l’infection par le virus d’Epstein-Barr sur l’incidence de la sclérose en plaques ».
Trouver des moyens de cibler directement le virus pourrait également améliorer les traitements, selon les auteurs. En effet, un petit essai a déjà montré que le fait d’entraîner les cellules immunitaires — les lymphocytes T — à cibler le virus d’Epstein-Barr diminuait les symptômes.
Ce qui reste encore obscur est la raison pour laquelle si peu de personnes infectées par le virus développent une sclérose en plaques — moins d’une sur 10 000 chez les recrues. D’autres facteurs (génétiques par exemple) doivent donc entrer en ligne de compte pour déclencher la SEP. En outre et en règle générale, seule une minorité des personnes infectées par un virus présente des complications graves, comme c’est le cas du poliovirus ou encore du coronavirus.