Des sécheresses successives durant chacune plus de 85 ans auraient joué un rôle déterminant dans l’effondrement de la civilisation de la vallée de l’Indus, l’une des plus anciennes au monde, selon une étude. Un réchauffement climatique régional ayant réduit significativement les précipitations annuelles aurait poussé les populations à déserter les grandes villes pour migrer vers des zones plus humides.
La civilisation de la vallée de l’Indus (ou civilisation harappéenne) fut l’une des toutes premières sociétés urbaines. Elle prospéra entre 5 000 et 3 500 ans avant notre ère autour du fleuve Indus et de ses affluents, le long de l’actuelle frontière indo-pakistanaise. Ses populations édifièrent de vastes cités antiques telles qu’Harappa et Mohenjo-daro.
À son apogée, durant la phase mature — généralement située autour de ~2600–1900 av. J.-C., soit environ 4 500 à 3 900 ans avant notre ère selon les sources — ses villes se distinguaient par une urbanisation avancée et des systèmes de gestion de l’eau d’une remarquable sophistication. La civilisation possédait également une écriture propre, que les archéologues peinent encore aujourd’hui à déchiffrer. Son influence s’étendait jusqu’en Mésopotamie, où un commerce florissant était établi.
La civilisation commença toutefois à se déliter à partir de 3 900 ans avant notre ère et finit par s’effondrer, malgré une période d’apparente prospérité. Les causes exactes de ce déclin alimentent les débats depuis des décennies. Parmi les explications avancées figurent le changement climatique, le retrait de la mer, les sécheresses, les inondations, ou encore des troubles sociopolitiques. Mais aucune n’a jusqu’ici permis de rendre compte de l’ensemble des preuves de façon pleinement satisfaisante.
Une étude publiée hier (27 novembre) dans la revue Communications Earth & Environment suggère que des sécheresses de plusieurs décennies auraient précipité le déclin de la civilisation de la vallée de l’Indus. « Nous soutenons que cette réduction de la disponibilité en eau, associée à des conditions nettement plus sèches, a pu entraîner la dispersion des populations hors des principaux centres harappéens, tout en reconnaissant que la transformation des sociétés a été façonnée par une interaction complexe de pressions climatiques, sociales et économiques », écrivent les auteurs.
Quand le climat redessine l’avenir d’une civilisation
Les chercheurs soupçonnent depuis longtemps que les variations hydroclimatiques ont contribué à l’essor comme au déclin de la civilisation harappéenne. Mais établir précisément leur rôle dans une région aussi vaste demeure ardu, faute de données paléoclimatiques localisées.
Pour contourner cette limite, les auteurs de la nouvelle étude ont mobilisé trois simulations climatiques fondées sur des milliers d’années de données relatives à l’évolution du climat régional. Cette approche leur a permis de reconstituer la trajectoire des précipitations et des températures au cours de la longue période pendant laquelle la civilisation de l’Indus s’est développée avant de décliner.
Les simulations mettent en lumière l’existence de sécheresses majeures successives ayant chacune duré plus de 85 ans entre 4 450 et 3 400 ans avant notre ère. Selon les auteurs, ces épisodes auraient affecté entre 65 et 91 % de la région, et résultent selon les auteurs d’une baisse estimée de 10 à 20 % des précipitations annuelles. Ils coïncident également avec une hausse d’environ 0,5 °C des températures au cours de la même période.
« La baisse constante des précipitations entre il y a 5000 et 3000 ans [avant notre ère] dans toutes les simulations garantit que des phénomènes tels que les sécheresses pluriséculaires, l’affaiblissement de la mousson ou les changements des précipitations hivernales sont des signaux réels et persistants et non des artefacts d’un seul modèle », explique Hiren Solanki, auteur principal de l’étude et doctorant à l’Institut indien de technologie de Gandhinagar, à Live Science.
Un lent cheminement vers la désurbanisation
Selon les chercheurs, ces sécheresses prolongées auraient entraîné des déplacements de population. Les données montrent que ces épisodes coïncident avec une vaste désurbanisation. Entre 5 000 et 4 500 ans avant notre ère, les communautés se concentraient dans les zones les plus humides des affluents de l’Indus. À partir de 4 500 ans avant notre ère, elles auraient migré vers des secteurs plus proches du fleuve Indus, probablement en raison de l’assèchement progressif des affluents.



La dernière sécheresse identifiée, d’environ 113 ans (entre 3 531 et 3 418 avant notre ère), coïncide avec des indices archéologiques d’une importante désurbanisation. En comparant les simulations aux données issues de dépôts sédimentaires prélevés dans des lacs et des grottes de la région, les auteurs ont par ailleurs observé une forte concordance.
Dans l’ensemble, les données suggèrent que l’effondrement de la civilisation de l’Indus ne fut ni soudain ni brutal, mais progressif, sous l’effet de conditions environnementales de plus en plus difficiles. Ces résultats soulignent le rôle déterminant que les facteurs climatiques peuvent jouer dans l’évolution des sociétés humaines.


