Grâce à la Zwicky Transient Facility située à l’observatoire Palomar, en Californie, des scientifiques ont peut-être repéré un signal lumineux généré par la fusion de deux trous noirs. Cette dernière a été identifiée en mai 2019 par deux détecteurs d’ondes gravitationnelles, LIGO et Virgo, ce qui a permis de déterminer l’emplacement d’un éventuel signal lumineux généré par l’événement. Si cette observation est confirmée, il s’agira de la première éruption lumineuse connue issue de la fusion d’une paire de trous noirs.
Par nature, les trous noirs ne sont pas visibles à travers les instruments d’observation traditionnels. Leur attraction gravitationnelle est si intense qu’aucune matière, ni aucune lumière ne s’en échappe. La seule façon de repérer une collision entre deux trous noirs repose sur la détection des ondes gravitationnelles qui accompagnent ce phénomène — des oscillations dans la courbure de l’espace-temps provoquées par la violence du « choc » entre ces monstres cosmiques.
Depuis la toute première détection d’ondes gravitationnelles en 2015, par les chercheurs du Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory (LIGO), plusieurs collisions — entre trous noirs ou étoiles à neutrons — ont été repérées grâce aux signaux produits par les ondes gravitationnelles. Des théoriciens ont cependant proposé une autre piste d’observation, suggérant que la fusion de deux trous noirs pourrait également produire un signal lumineux, donc observable, en faisant rayonner la matière environnante.
La collision de trous noirs la plus massive à ce jour
Comme en témoigne la fusion d’étoiles à neutrons qui a été vue en 2017 par de nombreux observatoires, les événements de fusion impliquant des objets massifs sont susceptibles de générer un rayonnement électromagnétique. À l’aide de la Zwicky Transient Facility (ZTF) — un relevé astronomique du ciel à grand champ équipé d’une caméra conçue pour détecter les objets transitoires dont la luminosité varie rapidement —, une équipe d’astronomes de l’observatoire Palomar, en Californie, pense avoir détecté le signal lumineux d’une fusion de trous noirs, comme prédit par la théorie.
L’onde gravitationnelle générée par l’événement a été détectée le 21 mai 2019 ; émise à environ 16 milliards d’années-lumière de la Terre, elle provient d’un événement de collision baptisé GW190521g qui, selon l’équipe, impliquerait deux trous noirs. Les astronomes ont donc utilisé la ZTF pour scruter le cosmos et rechercher des signaux lumineux provenant du même emplacement ; ils ont ainsi identifié un rayonnement électromagnétique. Si cette découverte est confirmée, ce serait la première fois que la lumière visible peut être utilisée comme preuve de la collision de deux trous noirs et de la création d’une onde gravitationnelle.
Selon le rapport d’observation de la collaboration LIGO-Virgo, les deux trous noirs concernés avaient une masse estimée à 85 et 66 masses solaires ; ce sont les objets les plus massifs jamais détectés par l’équipe — même le moins massif des deux est plus gros que tous les trous noirs résultant d’une fusion identifiés jusqu’à présent, précise le document. Quant au trou noir résultant de la fusion de ces deux mastodontes, il possède une masse équivalente à 142 fois celle du Soleil — la différence de masse ayant été convertie en énergie sous forme d’ondes gravitationnelles. Il constitue ainsi le premier trou noir de type « intermédiaire » (dont la masse est comprise entre 100 et 100 000 masses solaires) détecté en ondes gravitationnelles.
Les scientifiques ont émis l’hypothèse que ces deux trous noirs massifs se sont chacun formés par fusions antérieures de trous noirs plus petits. Ce scénario de fusion multiple implique toutefois que les trous noirs se soient formés dans des environnements bien spécifiques, où il existe plusieurs trous noirs à proximité (tels que des amas denses d’étoiles ou des disques de noyaux galactiques actifs).
Une fusion réalisée au plus proche d’un quasar
En 2019, les astronomes ont avancé l’idée que le signal lumineux détecté pourrait être lié à l’éclaircissement ou à l’embrasement d’un quasar lointain — un objet extrêmement lumineux, alimenté par un trou noir supermassif ayant des millions à des milliards de fois la masse du Soleil. Sur la base de cette association, l’équipe a suggéré que la fusion des trous noirs s’était produite dans le disque gazeux qui entoure le quasar.
La lumière d’un quasar provient d’un disque d’accrétion rempli de gaz chaud et d’autres matériaux tourbillonnant dans le trou noir. À partir d’une simulation, les scientifiques ont conclu que si deux trous noirs de la taille d’une étoile venaient à fusionner à l’intérieur de ce disque, ils pourraient remuer le gaz et provoquer un bref éclaircissement du quasar — qui constituerait ainsi la signature lumineuse de la fusion.
« Nous pouvons apprendre beaucoup de choses sur ces deux trous noirs en fusion et sur l’environnement dans lequel ils se trouvaient sur la base de ce signal qu’ils ont en quelque sorte créé par inadvertance. Ainsi, la détection par ZTF, couplée à ce que nous pouvons apprendre des ondes gravitationnelles, ouvre une nouvelle voie pour étudier à la fois les fusions de trous noirs et ces disques autour des trous noirs supermassifs » a déclaré Daniel Stern, astrophysicien au Jet Propulsion Laboratory de la NASA et co-auteur de l’étude relatant la découverte.
Le signal lumineux potentiellement associé à cette fusion reste cependant à confirmer. Les astronomes espèrent à présent que d’autres contreparties électromagnétiques seront détectées à mesure que le taux de détections d’ondes gravitationnelles augmente.