Les macaques à queue de cochon (famille des Cercopithecidae) se nourrissent principalement de fruits sucrés et autres végétaux. Mais, à la surprise des scientifiques qui ont fait cette découverte pour le moins intrigante, ils peuvent également se nourrir d’une quantité astronomique de… rats. En effet, des macaques ont été surpris en train de dévorer des rats dans une plantation d’huile de palme en Malaisie.
Les chercheurs ont découvert que, loin d’être vus comme des parasites, les singes pourraient finalement être des invités de choix dans les plantations de palmiers à huile de Malaisie, compensant plus que le peu de fruits qu’ils volent en réduisant une menace bien plus importante : les rongeurs.
Au cours des six dernières années, des scientifiques de Malaisie et d’Allemagne ont surveillé de près deux populations de macaques à queue de cochon (précisément ici Macaca nemestrina) du sud de la réserve forestière de Segari Melintang, en Malaisie. Les singes ont passé beaucoup de temps à se détendre dans la plantation d’huile de palme qui entoure la réserve, et qui représente environ le tiers de leur domaine d’habitation.
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Les agriculteurs n’étaient peut-être pas contents de l’intrusion de singes, mais pour les macaques, la plantation d’huile de palme était comme un supermarché : en effet, bien que la monoculture empiète sur leur habitat, elle leur propose de la nourriture « bon marché ». À noter que ces macaques passent plusieurs heures par jour dans les plantations, soit environ la moitié de leur temps total d’alimentation. De ce fait, il n’est pas surprenant de les voir occupés à manger les fruits des palmiers.
Ce qui était un peu plus surprenant cependant, voire choquant lorsque les scientifiques l’on découvert, c’est le plat principal des macaques : des rats. « J’ai été abasourdie lorsque j’ai constaté que les macaques se nourrissaient de rats dans les plantations », explique Nadine Ruppert, écologiste à l’Universiti Sains Malaysia. « Je ne m’attendais pas à ce qu’ils chassent ces rongeurs relativement gros ou qu’ils mangent autant de viande. Ils sont largement connus pour être des primates frugivores, qui ne se régalent que de temps en temps de petits oiseaux ou de lézards », a-t-elle ajouté.
Cette observation mène donc à des questions intéressantes : les singes sont-ils vraiment les ennemis des agriculteurs ? Leur présence est-elle un moindre coût pour ces derniers, vu qu’ils effectuent un service pour le moins pratique de lutte contre les rats ? Pourquoi est-ce que ces singes mangent-ils autant de rats ?
Grâce à leurs recherches, les scientifiques ont constaté que les singes consommaient plus de 12 tonnes de fruits de palme par an. Cela peut sembler énorme, mais il faut savoir que cette quantité ne représente qu’un peu plus d’un demi pour cent de la production totale de la zone de plantation couvrant leur domaine vital… Ce n’est rien non plus comparé aux dégâts causés par les rats, qui eux peuvent potentiellement grignoter jusqu’à 10% des produits de la plantation.
Bien entendu, si les singes ne mangeaient que quelques rats de temps en temps, cela ne ferait certainement pas une grande différence. Mais il s’avère qu’ils peuvent en consommer de très grandes quantités… « En découvrant des cavités dans des troncs de palmiers à huile, où les rats cherchent refuge durant la journée, un groupe de macaques à queue de cochon peut capturer plus de 3000 rats par an ! », a déclaré Anna Holzner, anthropologue à l’Université de Leipzig, en Allemagne.
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De ce fait, si une population affamée de primates vient à se nourrir ainsi des rats causant des ravages dans les plantations, leurs dommages pourraient bien être réduits jusqu’à 2% uniquement (au lieu des 10%). Bien entendu, il reste ensuite encore les 0.56% de dommages causés par les singes. Mais le total représenterait une perte de moins de 3%, ce qui est toujours plus avantageux que les 10% causés rien que par les rats…
Cependant, dans ce calcul, il faut également tenir compte de l’éthique. En effet les plantations d’huile de palme sont des activités importantes dans l’Asie du Sud-Est, mais leur coût pour l’environnement est plus que considérable.
De ce fait, trouver des moyens de transformer ces plantations en zones non hostiles pour la faune environnante pourrait contribuer à sauver, en partie, la terrible réputation de l’industrie en ce qui concerne son impact sur la faune et la flore.
« Nous espérons que nos résultats encourageront les propriétaires de plantations privées et publiques à envisager la protection de ces primates et de leur habitat forestier naturel, à l’intérieur et autour des plantations de palmiers à huile existantes et nouvellement établies », a déclaré Anja Widdig, auteure principale de l’étude, également de l’université de Leipzig.